Combien de temps encore les citoyens européens vont-ils supporter, non seulement l’aveuglement et l’irresponsabilité des dirigeants de l’Union européenne dans la gestion de la crise migratoire, et notamment leur incapacité à protéger les frontières extérieures qui nous conduit à des lendemains douloureux, mais également leur arrogance et leur mépris à l’égard des peuples européens dont l’avis ne compte pas s’agissant de l’adhésion future de la Turquie à l’UE ?
L’éditorial du 07 décembre dernier » Chronique d’un désastre annoncé « , publié après la signature, le 29 novembre 2015, d’un marché de dupes entre le Président du Conseil européen et le Premier ministre turc relançant les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, tentait de montrer que ce pays ne peut pas être admis au sein de l’Union européenne pour des raisons évidentes découlant de sa géographie, de son histoire et de sa culture. Il y était démontré, en outre, que devant les dangers que fait peser l’invasion migratoire en cours sur la sécurité et sur l’identité des peuples européens, la Turquie ne peut pas être considérée comme un partenaire ou un allié dans la gestion de cette crise majeure en raison de son attitude plus qu’ambiguë à l’égard de l’État islamique et de son rôle non seulement passif mais actif sur les flux migratoires en Mer Égée et sur la route des Balkans.
Rappelons l’essentiel de l’argumentation présentée dans l’éditorial du 07 décembre dernier.
La Turquie ne doit pas être admise au sein de l’UE, même si sa candidature a pu être acceptée de façon irresponsable lors du Conseil européen d’Helsinki, le 11 décembre 1999, et des négociations engagées depuis. Il s’agit d’une question de bon sens qui en fait une question de principe. En effet, la première des conditions à remplir pour un pays candidat est d’être un pays européen. Or, géographiquement la Turquie s’étend sur ce que, depuis l’Antiquité, les géographes ont dénommé “ l’Asie Mineure ”. Le nier c’est refuser d’accepter la réalité et s’exposer à des erreurs de jugement qui peuvent conduire à des fautes politiques dont les conséquences ne sont pas mesurables immédiatement. La géographie disqualifie donc la Turquie comme futur membre de l’UE qui aurait, de fait, une frontière commune avec la Syrie, l’Irak, l’Iran. C’est simplement insensé. Elle discrédite également ceux qui ont accepté sa candidature et qui continuent de la soutenir.
Par ailleurs, sur le plan historique, les relations entre l’Europe et la Turquie au fil des siècles ont été plus que complexes et difficiles. La bataille de Lépante (1571), le siège de Vienne (1683), le refoulement des Turcs des Balkans aux XVIIIème et XIXème siècles sont bien la marque d’un antagonisme profond dans la relation Europe-Turquie. Cet antagonisme a d’ailleurs posé depuis longtemps à l’Europe la question de son identité et a été un élément important dans l’émergence d’une conscience européenne. Enfin, culturellement la Turquie appartient à une civilisation différente par ses valeurs de celle de l’Europe chrétienne issue de l’Antiquité gréco-romaine. Là aussi la géographie y a laissé son empreinte car tout sépare un espace, européen, façonné par l’héritage judéo-chrétien qui a su dissocier le spirituel du temporel d’un autre espace, moyen-oriental, modelé par l’islam. Il faut donc accepter l’évidence: ni géographiquement, ni historiquement, ni culturellement la Turquie n’est un pays européen.
Ensuite, dans la crise actuelle des flux migratoires massifs qui submergent depuis plus d’un an l’Europe après avoir provoqué l’éclatement de Schengen et mis en évidence l’incompétence et la passivité criminelles des dirigeants de l’Union européenne, la Turquie ne peut pas être considérée comme un partenaire pour résoudre un problème majeur qui résulte précisément d’une action délibérée et mûrement réfléchie de sa part. Il faut bien comprendre que la Turquie – pays allié militaire au sein de l’OTAN, pays laïc depuis près d’un siècle par la volonté d’un homme, Atatürk, imprégné des principes de 1789, nourri par les auteurs des Lumières et par Napoléon, qui imposa par la force « l’européanisation « de son pays – n’a plus rien de commun avec celle de M. Erdogan et des islamistes au pouvoir aujourd’hui qui rêvent de la renaissance de l’empire ottoman et du califat.
Il faut rappeler que dès le début des révolutions survenues dans le monde arabo-musulman avec le « printemps arabe « la Turquie, ainsi que l’Arabie saoudite et le Qatar ont soutenu activement les djihadistes notamment d’Al-Nosra, Ahrar-al-Sham, Ghouraba-al-Sham et Fatah-al-Islam avec pour objectif le renversement du régime laïc du président Bachar el Assad contribuant, de ce fait, au développement de la guerre civile sur le territoire de la Syrie. La Turquie est donc responsable, pour partie, comme tous ceux qui soutiennent les djihadistes, des 250 000 morts attribués au seul président syrien ainsi que de l’exode du peuple syrien vers le Liban, la Jordanie et la Turquie, et depuis plusieurs mois vers l’Europe.
On peut même affirmer que l’invasion migratoire que subit l’Europe depuis plusieurs mois a été favorisée par la Turquie.
Enfin, la Turquie n’est pas un allié dans la lutte contre l’État islamique. En effet, elle s’est engagée, avec d’autres, depuis l’émergence du « printemps arabe « , dans un combat visant à faire tomber le régime syrien, régime laïc ce qui est insupportable pour des musulmans, notamment d’obédience sunnite. Alors, les dirigeants turcs participent non seulement indirectement mais directement au soutien des différentes factions islamistes et djihadistes et de l’État islamique. La situation géographique de la Turquie en a fait un passage géostratégique exploité par ses dirigeants pour le transfert des djihadistes venus des pays d’Europe et d’Asie.
Par ailleurs, des livraisons et des ventes d’armes ont lieu ainsi que des soins sanitaires prodigués aux djihadistes blessés dans des hôpitaux en échange de pétrole. D’ailleurs, des journalistes turcs d’opposition ont été récemment inculpés pour avoir dévoilé et publié des articles sur ces livraisons d’armes par les services secrets turcs.
En outre, des membres des forces spéciales turques sont engagés dans la partie nord de la Syrie en soutien de factions djihadistes turkmènes. La Turquie fait croire qu’elle participe à la lutte contre l’État islamique alors que dans cette guerre ses seuls objectifs sont le renversement du régime syrien actuel et l’affaiblissement, voire la neutralisation des milices kurdes qui se battent contre les djihadistes et qui sont considérées comme un danger sur le plan politique pour l’État turc.
Il a paru utile d’adresser cet éditorial du 07 décembre au Président de la Commission européenne, M. JUNCKER, accompagné d’un message lui faisant part de l’incompréhension, pour un citoyen européen ayant servi sous l’uniforme et soucieux des intérêts de l’Europe, du manque de lucidité et de clairvoyance des dirigeants de l’Union européenne qui mènent l’Europe au désastre et rappelant que les peuples des pays membres ont pourtant leur mot à dire sur leur avenir.
Envoyé le 30 décembre 2015, ce courrier recevait une réponse le 29 janvier dernier.
Un extrait de cette correspondance mérite d’être présenté ci-après car elle révèle, s’il en était besoin, le décalage énorme qui existe entre les inquiétudes des citoyens qui souhaitent être consultés sur des sujets concernant leur avenir et les objectifs poursuivis par les dirigeants européens sourds, aveugles et qui, manifestement, vivent dans un autre monde.
» … Je vous remercie pour votre courriel du 30 décembre 2015 adressé au Président de la Commission européenne, dans lequel vous partagez vos idées sur les relations entre l’Europe et la Turquie. M. Juncker m’a demandé de vous répondre.
Nous vous sommes reconnaissants de l’information fournie par votre correspondance et nous prenons note de vos préoccupations. J’aimerais aussi attirer votre attention sur notre dernière « stratégie d’élargissement de l’UE et ses considérations sur la Turquie, disponible sous le lien suivant :
http://ec.europa.eu/enlargement/pdf/kev documents/2015/20151110 strategy paper fr.pdf.
Le rapport souligne que « la politique d’élargissement de l’UE est un investissement dans la paix, la sécurité et la stabilité en Europe » qui « offre aux pays aspirant à l’adhésion une possibilité réelle à la fois de réaliser des progrès considérables dans leur marche vers l’UE au cours de la période à venir et de tirer parti des avantages d’une intégration plus étroite avant même d’adhérer à l’UE ». Par la suite le rapport souligne que « les derniers élargissements aux pays d’Europe centrale et orientale ont apporté de nombreuses opportunités » et dans cet esprit nous continuons à travailler sur la continuation de ce projet porteur avec « les pays des Balkans occidentaux et la Turquie »… «
Chacun le constatera : la stratégie des dirigeants de l’Union européenne refuse de tenir compte d’un critère pourtant essentiel, à savoir la géographie. L’Europe et l’Asie mineure, c’est donc pour eux la même chose. Que l’Union européenne ait, si la Turquie y est admise, une frontière avec la Syrie, l’Irak et l’Iran ne dérange pas ces dirigeants. Après tout, on pourrait même dans quelques années proposer à ces pays de rejoindre à leur tour l’Union européenne puisque la stratégie adoptée par cette dernière repose sur un besoin d’investir dans la paix et chacun sait qu’il y a urgence en matière de paix dans cette région du monde.
Ce n’est pas sérieux. On prend les citoyens européens pour des imbéciles.
Les dirigeants de l’Union européenne considèrent, en outre, que les citoyens n’ont pas à s’exprimer, et surtout qu’ils ne doivent pas s’exprimer, car ils pourraient désapprouver leur stratégie, même si elle est contraire aux intérêts des peuples européens. D’ailleurs, les dernières lignes de cet extrait de correspondance confirment bien l’obstination, l’entêtement des dirigeants de l’Union européenne dans leur projet d’accueillir la Turquie au sein de l’Europe : « …et dans cet esprit, nous continuons à travailler sur la continuation de ce projet porteur avec …la Turquie « ! Les arguments de l’éditorial contre l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne qui mériteraient d’être analysés sont ainsi ignorés et balayés par une simple affirmation : la Turquie doit devenir membre de l’Union européenne. Circulez, il n’y a rien à voir !
Alors, face à l’absence de vision, face à l’incapacité à définir un projet politique mobilisateur et à protéger les citoyens européens, face au refus de l’évidence de la part des dirigeants de cette Union européenne à la dérive et au silence de nos propres gouvernants, il revient à présent aux peuples européens, et donc au peuple français, de se réveiller et de se manifester. Il faut être lucide car deux possibilités – pas trois – se présentent dorénavant aux peuples européens : la résignation, c’est à dire la soumission au diktat de ces technocrates qui conduisent les nations européennes à leur perte, ou la révolte.
Cette dernière semble devoir être la seule voie pour le salut de l’Europe.
Le 20 avril 2016
Général (2s) Antoine MARTINEZ
Editions Amalthée – 238 pages – n° ISBN 978 2 310 01314 7 – 19,80 €
site internet : www.editions-amalthee.com