« Taire la vérité, n’est-ce pas déjà mentir ? Qui ne gueule pas la vérité, quand il sait la vérité, se fait le complice des menteurs et des faussaires ! »
(Charles Peguy).
Dans un article publié en 2013, je m’indignais que François Hollande soit allé jouer les « lèche-babouches » en Algérie en faisant acte de « repentance » au nom de la France. J’écrivais alors : « Si nous laissons faire, dans 5, 10 ou 15 ans les paras d’Algérie seront considérés comme des criminels de guerre …
Depuis, Macron, alors candidat à la présidence de la République, a qualifié l’oeuvre française en Algérie de « crime contre l’humanité », puis, devant le tollé des associations patriotiques et des « Pieds noirs », de « crime contre l’humain » ce qui revient au même.
Et voilà qu’en septembre, il condamnait le rôle (supposé) de l’armée française dans la mort de Maurice Audin : un moyen, aussi honteux que déloyal, de s’attirer les suffrages de l’importante colonie franco-maghrébine qui vit en métropole.
Devant une telle infamie, j’ai réagi en écrivant à divers journaux, sites ou blogs dont « Debout les Paras ». Son rédacteur en chef m’a aussitôt répondu, et je l’en remercie, qu’il lui fallait l’aval du président de l’UNP, ce qui est parfaitement normal.
Et, comme je m’en doutais, mon article n’a pas été publié (1).
Que disait-il donc cet article pour justifier la censure ? Entre autres ceci :
« Le président Macron creuse, un peu plus chaque jour, le fossé entre les « Gaulois » – qu’il n’aime pas – et l’immigration originaire du Maghreb. Et il jette le discrédit sur les paras du général Massu. Ces paras qui ont gagné la bataille d’Alger. Il démontre une nouvelle fois son mépris pour le pays qui l’a élu et son inculture, car, en fait, qui était ce Maurice Audin ? Un assistant-prof de maths à la fac d’Alger, membre du Parti Communiste Algérien et pro-FLN, un « porteur de valises », donc un traître à sa Patrie. Pendant la bataille d’Alger, il a été arrêté par les Légionnaires-paras du lieutenant Erulin…puis remis pour interrogatoire aux hommes du commandant Aussarresses.
On ne doute pas que les dits interrogatoires aient été « musclés »…Mais après tout, faire parler un terroriste pour qu’il livre ses complicités, ses caches d’armes et d’explosifs, et qu’il dénonce les futurs attentats en préparation me semble un comportement assez logique dans le contexte de la bataille d’Alger. Rappelons, juste pour mémoire, qu’Alger – deuxième ville de France à l’époque – a subi…112 attentats du FLN en un mois, en janvier 1957.
Ensuite, Audin disparaît et son corps ne sera jamais retrouvé : évasion, exécution sommaire, bavure… toutes les supputations ont été évoquées par la presse de l’époque (avec, bien sûr, une nette préférence pour celles qui pouvaient salir les parachutistes).
Or, on sait comment est mort le Communiste Fernand Iveton : guillotiné. On croit savoir comment l’aspirant Maillot, qui a déserté avec un camion d’armes au profit du FLN, a fini sa vie de traître (2)… Mais comment est mort Maurice Audin ? On ne le saura sans doute jamais. Et, après tout, n’est-ce pas le sort normal d’un traître que de mourir en traître ?…
Le président semble méconnaître l’histoire de l’Algérie française, aussi je voudrais lui rappeler les massacres d’El Halia et Mélouza, ceux d’Oran le 5 juillet 1962 (3), les 3000 Européens portés disparus au moment de l’indépendance de l’Algérie, les 120 à 150 000 Harkis et leurs familles massacrés par le FLN avec la complicité de l’Etat français…
S’il doit faire oeuvre de « repentance », alors qu’il le fasse à bon escient !
Dois-je lui rappeler aussi qu’en droit français « le doute profite à l’accusé » ?… ».
Je viens de recevoir le dernier DLP (N°246) qui ne comporte pas une ligne sur l’affaire Audin, mais est, en revanche, un modèle de rédaction « politiquement correcte ».
On y apprend, dès l’édito du président, que « par son recentrage strict sur ses seuls objectifs de Mémoire, de Solidarité, et de Soutien à l’Active, notre association… retrouve sa place dans le « dispositif » du monde para… ».
Le lecteur attentif retiendra donc :
a) que l’ «objectif de Mémoire » de l’UNP est… sélectif et/ou à géométrie variable,
b) que celui de « Soutien » est limité à la seule armée d’active, car le soutien à nos anciens s’apparente à… la corde qui soutient le pendu.
c) un manque d’élégance de notre président vis-à-vis de ses prédécesseurs, ou plutôt un « pavé dans leur mare » : Ainsi donc, tous ces anciens présidents (que l’on vénère parfois) – les Romain-Desfossés, Loustau, Stabenrath, etc… jusqu’au général Piquemal – nous avaient éloignés du « dispositif du monde para » et nous ne le savions pas !
Nous, le « vulgum pecus », nous leur demandions simplement de maintenir « l’esprit para », ce qu’ils ont fait, et plutôt bien, avec courage, dévouement et abnégation.
Propos excessifs diront certains. La suite de DLP vient pourtant corroborer mes dires. Sur 14 pages consacrées au « Grand 14 »(4), on accorde…5 petites lignes (pavé central, page 6) au 14ème RCP en Algérie. Pas un mot sur ses combats, ses chefs, ses morts pour la France, son chemin vers « les voies de l’Honneur ».
Puisque, décidément, l’histoire ne semble plus intéresser (certains de) nos dirigeants, un bref rappel s’impose, ne serait-ce que pour compléter l’article de DLP.
Le 14ème Régiment de Chasseurs Parachutistes a été créé le 1er juin 1956 à Toulouse (à partir de la 14ème Demi-Brigade d’Infanterie et du 35ème Bataillon de Tirailleurs Algériens).
Intégré à la 25ème Division Parachutiste du général Gilles, il débarque le 26 du même mois à Oran. Le régiment va s’illustrer tout au long de la guerre d’Algérie et notamment lors de la bataille des Frontières, de janvier à mai 1958.
Citons entre autres combats : ceux du 8 octobre 1956 au Merkala, du 22 janvier 1957 au Mir El Djebel, du 24 janvier 1957 au Djebel Amour, du 7 février 1957 au Djebel Grouz.
De février à mai 1958: bataille des frontières. 25 février 1958, Djebel M’Zouzia. 15 mars 1958, Djebel Bou Torkma. 15 avril 1958, Djebel M’Zouzi. 19 novembre 1960, Djebel Tafraout. 12 mars 1961, Djebel Azreg. 2 avril 1961: Oued Kebir…(liste non exhaustive !)
Le 21 avril 1961, le 14ème RCP soutient le putsch des généraux d’Alger et franchit le Rubicon. Le 30 avril 1961, il est dissous (5).
Les pertes au feu de ce magnifique régiment para en Algérie ont été – de juillet 1956 à avril 1961 – de : 7 officiers, 18 sous-officiers, 95 caporaux et chasseurs tués. Et de : 18 officiers, 251 sous-officiers, caporaux et chasseurs blessés. Il me semble (mais peut-être que je me trompe, après tout !), que le sacrifice de ces parachutistes méritait mieux que quelques lignes dans une revue parachutiste.
Quelques lignes qui disent ceci :
« …Le régiment participe à la guerre d’Algérie où il s’illustre avant d’être à nouveau dissous en 1961 pour avoir participé au putsch à Alger en avril de la même année… ». Une trentaine de mots, creux et sans âme, pour rendre hommage aux 390 hommes du 14ème RCP tués ou blessés en Algérie. A mon humble avis, c’est un peu court !
Voilà ce que je voulais dire (6), sans la moindre envie de polémiquer, d’invectiver quiconque ou d’ouvrir des « chicayas » stériles (et destructrices).
Mais, de grâce, arrêtons la « langue-de-bois » ou pire, l’omerta honteuse, le silence coupable – voire complice – dès qu’il s’agit de défendre la mémoire de nos anciens.
Notre président parle d’« objectif de mémoire » dans son édito. Pourquoi pas, après tout ? Mais un objectif, ce n’est jamais qu’un but à atteindre. Le « devoir de mémoire » est une obligation morale qui devrait s’imposer au sein des associations dites « patriotiques ».
Si l’on a peur de déplaire aux différents pouvoirs, remplaçons notre Saint patron, l’Archange Saint Michel, par Sainte Pétoche qui est déjà la madone de (presque tous) nos dirigeants politiques, de (presque tous) nos élus et de notre haute administration.
Éric de Verdelhan
UNP 15191
26/10/2018
PS : je tiens à préciser que je ne suis pas un ancien du 14ème RCP, ni même un ancien combattant d’Algérie : j’avais 12 ans au moment des Accords d’Evian.
1) Alors que TOUS les autres sites ou journaux sollicités l’ont publié.
2) A-t-il été tué par l’armée française, les gardes mobiles, les Harkis du Bachaga Boualem ou…ses amis du FLN ? Le doute subsiste encore…
3) J’en parle dans mon livre « Oran le 5 juillet 1962 (et quelques autres massacres oubliés) » publié chez Edilivre. Mon dernier livre, publié en octobre 2018, s’intitule « Hommage à NOTRE Algérie française » ; c’est ma réponse au président Macron.
4) Dont la plupart sont un copié-collé du « Filon », bulletin du 14ème.
5) Après le 30 avril 1961 et jusqu’à décembre 1962, le centre d’instruction du 14ème RCP, basé à la caserne Niel à Toulouse, a cependant continué à fonctionner.
6) Mon article à DLP était plus modéré que cette lettre, laquelle est un courrier privé dans lequel on peut tout dire (à condition de n’insulter personne, bien sûr !).
Eric de Verdelhan est né en 1949 dans une famille de la petite aristocratie cévenole.
« Enfant de troupe » à 11 ans, il « paye sa dette à la nation » en servant chez les parachutistes et s’initie au parachutisme sportif.
Puis il entame une carrière d’inspecteur d’assurances, dont il gravira tous les échelons. Inspecteur général honoraire, il est diplômé de l’Ecole Nationale d’Assurance (ENAss) et titulaire d’un 3ème cycle « Assurances » du CNAM.
En retraite depuis janvier 2010, il s’est lancé dans l’écriture par « devoir de mémoire ».
« Hommage à NOTRE Algérie française » est son 7ème livre.