On vient d’apprendre que le procureur général François Molins a requis le renvoi d’Edouard Balladur (ex-Premier ministre de François Mitterrand) et de son ministre de la Défense François Léotard devant la Cour de Justice de la République (CJR).
La CJR doit maintenant décider (ou non) de les traduire en justice, dans l’affaire des rétrocommissions révélées dans l’enquête de l’attentat de Karachi le 8 mai 2002 qui fit 15 morts et 12 blessés dont 11 salariés de la Direction des Chantiers Navals (DCN).
LES FAITS
On est en 1993, en pleine cohabitation. Balladur est alors le Premier ministre de Mitterrand. Matignon ? Chirac n’en veut plus ! Il a déjà donné de 1986 à 1988 et il se prépare maintenant à prendre l’Elysée, succédant au sulfureux florentin qui aura massacré la France pendant deux septennats. Balladur est donc en quelque sorte censé « faire la soudure » et préparer le terrain pour la campagne présidentielle de Chirac, son « ami de trente ans » (le septennat se termine 2 ans plus tard, en 1995).
Hélas, les hommes étant ce qu’ils sont, surtout les politiciens de carrière qui ont oublié le service de la France pour ne se consacrer qu’à leurs intérêts personnels, « l’amitié de trente ans » entre les 2 hommes ne résistera pas longtemps aux sirènes du pouvoir et Balladur, conforté par des sondages favorables, va s’éloigner rapidement de son « ami » et franchir le Rubicon pour se lancer dans la course présidentielle.
Problème : c’est Chirac qui tient le RPR, qu’il a fondé en 1976 après avoir trahi les gaullistes pour Giscard d’Estaing (depuis le départ de de Gaulle, la trahison est une constante à droite). Et, pour financer une campagne présidentielle, il faut de l’argent, beaucoup d’argent. Mais quand on est « aux affaires », c’est quand même un peu plus facile. Balladur est à la manoeuvre, et compte bien faire feu de tout bois pour servir ses intérêts.
Et du bois, il y en a ! Une opportunité se présente : la France est en train de signer un marché juteux (5,4 milliards de francs, soit 823 millions d’euros) avec le Pakistan, pour la vente de 3 sous-marins Agosta… Qui dit marché militaire dit beaucoup d’argent !
LES DESSOUS PROBABLES DE L’AFFAIRE KARACHI
Quand un pays effectue une commande de cette ampleur, il est assez courant que les intermédiaires exigent des « commissions d’apport d’affaire ».
Les responsables de ce type de marché le savent, et intègrent sans vergogne dans les prix négociés la rémunération de ces douteux personnages. En l’occurrence, et précisément sans doute pour le Pakistan, il peut s’agir d’hommes d’affaires (au sens obscur du terme, on retrouve d’ailleurs dans cette sombre histoire l’impayable Ziad Takieddine qui rôdait dans le coin !) voire même de politiciens au pouvoir ou de hauts-fonctionnaires avides.
Et là jaillit une idée géniale : il suffit de gonfler un peu le poste « commissions » et d’en prévoir une partie à rembourser à l’émetteur, en l’occurrence l’équipe de campagne de Balladur, qui cherche, on l’a vu, de l’argent, beaucoup d’argent pour doubler Chirac. On va appeler ça joliment des « rétrocommissions ».
Et ça marche ! La France vend les sous-marins, les commissions commencent à être versées aux intermédiaires, et les rétrocommissions à retourner dans l’escarcelle de campagne de Balladur. Les 3 bâtiments seront livrés en 1999, 2003 et 2008. Ni vu ni connu, tout va bien…
Tout va bien, sinon que Chirac, furieux de se faire doubler par son « ami » de trente ans, décide de se présenter quand même à la présidentielle. Il peut compter sur l’appui de son parti, qu’il tient toujours d’une main de fer, et quelques financements habituels de grandes entreprises complices, équivalents à droite de ce que les socialistes avaient monté depuis des années autour du groupe Urba-Gracco, pompe à finances du PS, dont il suffit de citer le nom pour faire sourire les anciens…
LE DRAME SE NOUE…
Et là, surprise : Balladur, qui se présente contre Chirac, est éliminé au premier tour de la présidentielle et Chirac est élu !
On notera en passant l’éthique, l’honneur et la fidélité des dirigeants de la droite, qui n’ont finalement pas grand-chose à envier, côté corruption morale, aux éléphants socialistes.
Le duo « Chirac-Juppé » en selle, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. On va pouvoir, comme disait le général de Gaulle « retourner à la soupe » et faire de juteuses petites affaires entre amis.
Reste que le contrat avec Karachi n’est pas soldé. Loin de là. Il reste quelques mensualités à financer, toujours avec le mécanisme « paiement officiel => versement des commissions => paiement des rétrocommissions ».
Et à partir de là, rien ne va plus ! Ce ne sont que des suppositions, des rumeurs insistantes, mais toute la classe politique et médiatique semble au courant de l’affaire dans ses moindres détails, même si la suite n’est pas officiellement prouvée.
Chirac, informé du montage infernal qui a permis à Balladur de financer sa campagne et de lui rafler plus de 18 % des voix au premier tour (lui-même avec 20 %, derrière Jospin aura finalement été élu de justesse), pique une colère monstre et… refuse de verser les commissions restant dues.
Pourquoi pas ? C’est de bonne guerre.
Mais il y a un « hic ».
On imagine en effet la colère des « apporteurs d’affaires », qui se voient floués de leurs deniers… Et certaines mauvaises langues n’hésitent pas à prétendre que les morts de mai 2002 lors de l’attentat de Karachi seraient bien, en représailles, le prix ensanglanté de ce revirement chiraquien.
« L’AFFAIRE KARACHI »
C’est donc une affaire d’Etat qui va peut-être enfin éclater au grand jour. Et ce, avant la disparition de leurs acteurs principaux, Mitterrand excepté, dont on peut effectivement se demander s’il n’a pas, lui aussi, été informé du montage financier, afin de favoriser Balladur (qu’il disait apprécier), contre Chirac, qu’il haïssait gentiment, comme chacun sait.
Reste que les familles des victimes, dont l’avocat dit sobrement que « depuis le début, elles ont le sentiment qu’on leur cache la vérité », vont suivre de près ce procès – s’il a lieu -, et que les révélations qui en sortiront peut-être ne grandiront pas le personnel politique dévoyé de la V° République.
Marc Le Stahler
21 septembre 2019
Toujours le même principe et crédo chez nos hommes politiques qui se fichent bien du peuple qu’ils sont en charge de diriger : « Pas vu, pas pris » et « après moi le déluge ».
Qui peut encore faire confiance en ces gens ? Il y a certes des exceptions (par ex. De Villiers) mais elles sont rares.
Quand le peuple français ouvrira-t-il les yeux ?
L’histoire commence en 1993, l’attentat date de 2002 et on va « ressortir » l’affaire en 2019-2020 ?
Mais de qui se moque-t-on dans ce pays ?
Combien d’affaires pourries y a t-il dans les placards de la ripoublique en attente de « sortie opportune » pour les mettre dans les pattes d’un gêneur ou occuper la populace ?
C’est une honte mais apparemment, aucun politicard ne meurt de honte.
La justice est effectivement d’une lenteur de sénateur pour juger un ex-Premier Ministre, mais beaucoup plus rapide pour ne pas dire expéditive pour condamner des jeunes gens de Génération Identitaire montrant, par un geste symbolique, qu’il est facile de protéger nos frontières, pour peu qu’on le veuille !