« 200 000 Tirailleurs dits « sénégalais » ont combattu aux côtés des poilus pendant la Grande Guerre. 30 000 sont morts sur les champs de bataille… Dans « Tirailleurs », le réalisateur Mathieu Vadepied raconte le destin tragique de deux d’entre eux : un père, Bakary Diallo incarné par Omar Sy, et son fils Thierno, joué par Alassane Diong. Le film était présenté pour la première fois au public mercredi 18 mai au Festival de Cannes. Le film « Indigènes » de Rachid Bouchareb, présenté à Cannes en 2006, sur des Tirailleurs algériens pendant la Seconde Guerre mondiale avait marqué tous les esprits. Il aura fallu attendre 15 ans de plus pour que l’histoire de Tirailleurs dits sénégalais pendant la Première Guerre mondiale soit à son tour racontée…
(« Huffpost » du 19 mai 2022)
Tous les ans, depuis 1946, le Festival de Cannes nous abreuve d’un florilège de (mauvais) films d’auteur (1) sélectionnés (ou «nominés» ?) par la fine fleur du cinéma.
Durant quinze jours, la Croisette se transforme en un vaste étalage de fric mal gagné, de tape-à-l’œil, de luxe tapageur et de donzelles fort dévêtues (2). Et le prolo – payé au SMIC – se presse pour assister à la «montée des marches» de ces parvenus multimillionnaires qui les méprisent (tout en affichant, devant les micros, des idées de gauche…) dans l’espoir d’apercevoir le sein ou la cuisse d’une starlette plus ou moins connue (et qui ambitionne de le devenir en vendant ses charmes).
Et chaque année, le Festival a cru bon d’innover avec un message fort, « politiquement correct » et relayé par toute la presse, en faveur des minorités, des féministes, des LGBT, des migrants, etc…
En 2006, le film « Indigènes » (3) faisait croire aux imbéciles et aux ignares que la France avait utilisé des Maghrébins comme « chair à canon » durant la Seconde Guerre Mondiale.
En 2018, Cannes devenait « le Festival de Connes » : nous avons eu droit aux 80 pétasses, vivant grassement du système, qui réclamaient la parité hommes/femmes (ou des quotas) dans la réalisation cinématographique. Puis, 16 actrices noires manifestaient pour revendiquer les mêmes rôles que les actrices blanches. Après tout, pourquoi pas ? La belle Sonia Rolland dans le rôle de Blanche-neige, c’est crédible ; au moins autant que Depardieu dans le rôle de Nelson Mandela ou Jamel Debbouze dans celui d’« Astérix le Gaulois ». Venant de gens qui ont osé faire jouer Arsène Lupin, le gentleman-cambrioleur, par Omar Sy, tout est possible !
Cette année, le film « Tirailleurs », de Mathieu Vadepied, semblait quasiment assuré d’obtenir une récompense : il nous parle des Tirailleurs sénégalais utilisés comme « chair à canon » (encore !) par ces salauds de Français durant la Première Guerre Mondiale.
Cannes, ce n’est pas seulement l’étalage du fric-roi et de la radasse dénudée, c’est aussi celui du pourrissement moral et de la dégénérescence de notre pays (et de presque tout l’Occident).
Depuis des années, la France est entrée en repentance. Elle culpabilise sur son passé colonial.
On nous raconte que, durant toutes nos guerres, nous avons utilisé nos troupes indigènes comme « chair à canon ». Or c’est inexact ou, pour le moins, très exagéré !
À l’époque coloniale, nos forces étaient réparties en trois ensembles : l’Armée métropolitaine, les troupes coloniales et l’Armée d’Afrique, qui dépendaient d’un seul état-major général.
Dans la terminologie militaire, les troupes coloniales désignaient les troupes « indigènes », hors Afrique du Nord, et métropolitaines : les anciennes formations de marine (« Marsouins » pour l’infanterie et « Bigors » pour l’artillerie), qui fusionnent, en 1900, pour former l’« Armée coloniale » (ou « la Coloniale »). Ces troupes se distinguent donc des troupes d’Afrique du Nord « indigènes » (Tirailleurs, Spahis) et européennes (Zouaves, Chasseurs d’Afrique, Légion Etrangère), qui forment l’Armée d’Afrique (19ème Corps d’Armée) et provenaient essentiellement d’Algérie.
Certains régiments, mixtes, regroupaient des Chrétiens, des Juifs et des Musulmans, comme les unités de Zouaves ou de Tirailleurs. On estime que l’Empire a fourni, en quatre années de guerre, entre 550 000 et 600 000 « indigènes » à la mère-patrie, dont 450 000 vinrent combattre en Europe.
270 000 mobilisés, dont 190 000 combattants, étaient des Maghrébins, 180 000 mobilisés, dont 134 000 combattants, étaient des « Sénégalais » (4). Les autres venaient de tout notre Empire : Madagascar, Indochine, Océanie et Somalis.
Les « indigènes » ont représenté 7% des 8 410 000 mobilisés de l’armée française, affectés majoritairement dans les régiments de Tirailleurs. La proportion de Français au sein des régiments de Tirailleurs nord-africains était d’environ 20 %. Un peu moins dans les bataillons de Sénégalais.
En 1918, à la fin de la guerre, notre armée disposait de cent divisions dont six divisions composées de troupes de l’Armée d’Afrique et sept divisions composées de troupes de l’Armée coloniale. La moitié des effectifs de ces treize divisions étant d’origine métropolitaine. Si ces effectifs peuvent sembler relativement faibles, les troupes « indigènes » comptent à leur actif bon nombre de faits d’armes glorieux et leur rôle ne saurait être sous-estimé (5).
Leur apport a été très important dans les semaines décisives de septembre 1914, lors de la bataille de la Marne. Si quelques cas de panique furent signalés lors des premières semaines de combats, par la suite, ces unités indigènes se montreront à l’égale des meilleures.
Durant la Grande Guerre, le nombre de tués de nos troupes « indigènes » est estimé à plus de 70 000 : 36 000 Maghrébins et 30 000 « Sénégalais ».
Sur 450 000 combattants engagés, le taux de pertes a été de 19% chez les Maghrébins et de 23% chez les Sénégalais. Ces chiffres sont à rapprocher du 1,5 million de tués de la Grande Guerre.
Les monuments aux morts des villes et villages français sont là pour nous rappeler que la grande boucherie de 14-18 aura été, hélas, assez « égalitaire » : les combattants de notre Empire y ont eu leur part…comme les autres, ni plus ni moins, et à ce titre, ils méritent le même hommage que les « poilus » métropolitains : le paysan breton ou auvergnat – vêtu d’un pantalon garance au début du conflit – qui montait à l’assaut à la baïonnette devant les mitrailleuses allemandes, servait lui aussi de « chair à canon » et le fait qu’il soit blanc de peau ne minimise en rien son sacrifice.
Au sujet du film «Tirailleurs », un journaliste a déclaré que c’était « un devoir de parler des Bataillons d’Afrique », ce qui prouve, une fois de plus, que ces plumitifs ne connaissent rien à notre histoire : Les « Bataillons d’Infanterie Légère d’Afrique » (BILA), plus connus sous les surnoms de « Bat’ d’Af’ », étaient des unités qui relevaient, effectivement, de l’Armée d’Afrique.
L’Infanterie Légère d’Afrique a été créée en 1832 pour recycler les soldats condamnés par la justice militaire. Cantonnées en Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Maroc), « à Biribi », nom générique pour désigner leur casernement, ces unités constituaient l’instrument répressif de l’armée française : destinées à mater les fortes têtes, elles furent conçues pour « redresser ceux qui ont failli ».
Les « Joyeux », selon la tradition, arboraient le tatouage « Marche ou Crève ». C’est à cela qu’ils étaient respectés, voire craints, dans le milieu. Autre particularité des « Bat’d’Af » : la pratique de l’homosexualité dans les rangs (héritée des passages en prison). Les Bataillons d’Infanterie Légère d’Afrique formaient corps. Leurs soldats relevaient de… 54 catégories judiciaires différentes, allant du petit délit à la tentative de meurtre. Certaines sections comptaient essentiellement des proxénètes.
En 1914, à la déclaration de la guerre, les effectifs restent en garnison en Afrique du Nord afin d’y assurer le maintien de l’ordre. On a formé pour la durée de la guerre, et par prélèvement dans les cinq BILA, trois Bataillons de Marche d’Infanterie Légère d’Afrique (BMILA), qui ont été engagés en métropole où ils se sont distingués : les 1er, 2e et 3e BMILA. Les journalistes en mal de copie à sensation confondent souvent les « Bat’d’Af » avec la Légion, ce qui est, à mon (humble) avis, une insulte à notre Légion Etrangère. Le chant de marche des « Bat’d’Af » – « Le bataillonnaire »(6) – a été modifié et repris par les régiments parachutistes (7).
Si nos journalistes – très majoritairement de gauche – confondent nos valeureux Tirailleurs sénégalais avec les voyous et les maquereaux des « Bat’ d’Af’ », ils risquent fort de se voir trainer devant les tribunaux par les associations antiracistes : quand on ne sait rien, il vaut mieux la fermer !
Eric de Verdelhan
1)- Le colonel Péré est président de la « Fédération des Opex de France ». C’est sa lettre à Macron, remarquablement étayée, qui m’a inspiré ce « coup de gueule » de simple vulgarisation.
2)- J’ai appris récemment, par hasard, que l’avion Transall sur lequel j’ai été breveté parachutiste en mai 1970, venait d’être retiré du service… plus d’un demi-siècle après sa mise en service.
Eric de Verdelhan
24 mai 2022
1)- Un « film d’auteur » est, en général, un navet boudé par le public.
2)- Les mêmes, devenues vieilles et peu appétissantes, se plaindront d’avoir été harcelées, et d’avoir dû « coucher pour réussir ».
3)- « Indigènes » (en arabe : بلديون) est un (mauvais) film algéro-franco-marocain réalisé par Rachid Bouchareb, sorti en 2006, ce film raconte « la découverte de la guerre et de l’Europe, de l’Italie jusqu’aux portes de l’Alsace, par trois tirailleurs algériens et un goumier marocain…La guerre leur apporte la désillusion face aux discriminations… ».Ben voyons !
4)- En fait des combattants d’Afrique Noire, car tous ne venaient pas du Sénégal.
5)- J’ai rendu hommage à nos combattants indigènes dans mon livre « Hommage à NOTRE Algérie française » (Editions Duapha ; 2020).
6)- Chanson que certains auteurs attribuent à Aristide Bruant, ce qui est inexact : Bruant a écrit « Au Bat’d’Af » qui n’est pas le chant de marche des BILA.
7)- « En passant par la portière » (« Il est là-bas en Algérie… »). Ceux qui ont eu le privilège de servir chez les paras connaissent ce chant.
N’importe quelle production où on trouve jamel la bouse ou omar sy sort instantanément de mon radar d’intérêt, quoi qu’il arrive.
Article encore une fois très pertinent sur le grand barnum de Cannes, et très éclairant sur la réalité des sacrifices des « coloniaux ».
Merci !
J’ai aussi été breveté en 74 sur le Transall, après mes premiers sauts d’un… Noratlas..