L’ASSERVISSEMENT PAR LE CONTRÔLE DE LA MONNAIE (Jean Goychman)

Dans son livre publié en 2013 « L’histoire des banques centrales & de l’asservissement de l’humanité, Stephen M Goodson écrivait :

« Ce livre fournit un aperçu de la manière dont les banquiers privés depuis les temps les plus reculés, ont abusé du système monétaire, qu’il s’agisse des pièces en métaux précieux, des billets de banque, des chèques ou de la monnaie électronique, en créant à partir de rien une dette portant intérêt de manière à s’arroger le pouvoir suprême ».

On prête, peut-être à tort, cette autre phrase à Nathan Mayer Rothschild qu’il aurait prononcé au 18ème siècle :

« Si j’ai le contrôle de la planche à billets, alors je me fiche complètement de celui qui fait les lois ».

 


LE CONTRÔLE DE LA MONNAIE : UN ENJEU PRIMORDIAL

Peu de gens s’intéressent au contrôle de la monnaie et à la création monétaire. Il faut dire que c’est un sujet un peu « tabou » et qui semble réservé à quelques initiés. Nathan Rothschild aurait même ajouté, toujours d’après Stephen Goodson, que « la minorité qui comprend le système sera, soit si intéressée par ses profits ou si dépendante des ses faveurs, qu’il n’y aura jamais d’opposition de la part de cette classe sociale ».

Ce sujet fondamental est pourtant à la base de tous les grands événements, particulièrement depuis le début du 19ème siècle. Sans refaire toute l’histoire de la monnaie, il y a malgré tout un élément dont la connaissance est essentielle pour qui veut s’y intéresser.  C’est le système des réserves fractionnaires grâce auquel les banques privées peuvent légalement créer de la monnaie à partir de rien. Cette monnaie, dite scripturale, puisqu’il s’agit d’une simple « ligne de crédit » permet à la banque qui fait un prêt d’obtenir le versement d’un intérêt sur la somme empruntée.

Ces intérêts composés ont une croissance quasi-exponentielle dans le temps et sont payés avec de l’argent « réel », c’est-à-dire représentatif d’une richesse ou d’un bien. Et toute la différence est là.

Car la banque, qui prête de l’argent qui n’existe pas, doit détruire la part du capital remboursé mais conserve les intérêts versés.

C’est d’ailleurs son seul bénéfice, mais il est considérable. Beaucoup de gens croient que les prêts bancaires sont faits en prêtant l’argent des déposants. C’est de moins en moins vrai car les encours de prêts des banques sont tellement importants qu’ils dépassent de loin ces sommes déposées.

Cela revient à dire qu’une part très importante de la monnaie en circulation est créée par les banques commerciales.

Le risque que prennent ces banques dépend de leur capacité à rembourser leurs clients s’il leur advenait de vouloir récupérer tous en même temps l’argent déposé à la banque. On voit qu’à priori, il n’y a nul besoin d’une banque centrale indépendante du pouvoir politique pour faire pour faire fonctionner ce système. La plupart des pays avaient un organisme dont le rôle était de fixer le cours de la monnaie et le taux du crédit.

Benjamin Franklin, de passage à Londres en 1763, se vit demander quelle était la raison de la prospérité des colons américains, car il faisait remarquer la condition de pauvreté dans laquelle vivaient les gens gens qu’il avait vu.

Il répondit :

« C’est très simple. Aux colonies, nous émettons notre propre monnaie. Elle s’appelle l’effet colonial. Nous l’émettons en proportion des besoins du commerce et de l’industrie pour faciliter l’échange des producteurs aux consommateurs. De cette manière, créant nous mêmes notre propre monnaie, nous contrôlons son pouvoir d’achat, et nous n’avons pas d’intérêt à payer à quiconque ». 

 

ALORS, POURQUOI CRÉER DES BANQUES CENTRALES INDÉPENDANTES ?

 

La réponse est également très simple : pour prendre le pouvoir de contrôler l’émission des billets et de prélever des intérêts sur ces billets émis ! Il n’y a strictement aucune autre justification. Car ces banques centrales ne sont indépendantes que par le nom. A part cela, elles sont toutes sur le même modèle et leurs actionnaires sont tous des banques privées appartenant dans la plupart des cas à ce que de Gaulle appelait « la finance anglo-saxonne ».

Elles ont essaimé dans l’immédiat après-guerre et après l’abandon de la convertibilité-or du dollar. La BoE (Banque d’Angleterre) créée en 1694 a fait bien des émules depuis. Aujourd’hui, on en dénombre plus de 150 dans le monde. Leur fonctionnement est sensiblement le même, malgré quelques différences. Leur rôle est de contrôler la quantité de monnaie en circulation et de la réguler pour contenir une éventuelle inflation. Échappant à la tutelle politique, elles n’ont de comptes à rendre qu’à leurs actionnaires et les gouvernements ne peuvent que se soumettre à leurs décisions.
Question démocratie et souveraineté populaire, il y a mieux…

Mais ceci n’est que le côté « visible »

 

LE DOUBLE VISAGE DU DOLLAR

 

Dans la réalité, la Réserve Fédérale américaine, banque privée, règne – au travers de la monnaie américaine – pratiquement sans partage sur l’économie mondiale, grâce au double visage du dollar. 

Monnaie américaine d’un côté, elle est également monnaie internationale depuis qu’Harry Dexter-White avait réussi à l’imposer à JM Keynes lors des accords de Bretton Woods.

Cette dualité, recherchée depuis longtemps, permettait à la FED, associé au FMI et à la Banque Mondiale, baptisée pompeusement au départ BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) de mettre en coupe réglée une bonne partie de la planète !

La FED émet des dollars, les pays pauvres, endettés, demandent de l’aide au FMI lequel, par l’intermédiaire de la BIRD leur prête en fixant les taux d’intérêt. En cas de défaut de paiement (faillite d’un État) le FMI aide à son tour en prenant en gage les actifs et les ressources du pays.

 

LE DÉVOIEMENT DU LIBÉRALISME

 

L’école de Chicago, inspirée par Milton Friedman, prônait le désengagement le plus large possible de l’État en matière économique. Partout où cela était possible, y compris et surtout, sur le plan financier, ces activités devaient être privatisées.

La Banque Mondiale s’est naturellement appuyée sur cette théorie pour imposer à nombre de pays la dénationalisation la plus étendue. Cela a permis aux grandes multinationales de rentrer dans le capital de ces entreprises, dont certaines étaient cependant « stratégiques ».

Sur le plan financier, la mondialisation, déjà engagée, reçut un grand coup d’accélérateur.
Certaines banques devinrent des mastodontes au niveau mondial et personne ne pouvait réellement les contrôler, malgré quelques tentatives comme les accords de Bâle.

Simultanément, l’administration Clinton réussit enfin à obtenir en 199 l’abrogation du « Glass-Steagall act »

Ce verrou, qui était une protection contre les prises de risque exagérées dues à la cupidité de certains banquiers ayant disparu, ce fut « open bar » à tous les étages ! De nombreuses banques fusionnèrent et leurs activités, jusque-là séparées par une cloison étanche, purent être regroupées.

Ce fut le cas des opérations boursières et des opérations d’assurances qui permirent d’inventer de nouveaux produits financiers qui, malgré les avertissements des « gendarmes de Wall Street », conduisirent à la crise de 2008 qui allait secouer l’économie mondiale, dont l’Occident n’est jamais vraiment sorti.
Cette fragilisation financière n’est pas étrangère à ce que nous vivons.

Cette crise a mis en évidence une notion nouvelle, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle est à l’opposée de la doctrine libérale, qui défend la liberté de l’accès au marché sans contraintes.

 

TOO BIG TO FAIL !

 

Le concept « Too big to fail » protège les grandes banques internationales de tout danger de faillites, au titre de ce qu’elles sont « systémiques », c’est à dire que leur défaillance risque d’anéantir tout le système. De plus, les enseignements tirés de cette crise de 2008 auraient dû être suivis de mesures de réglementation importantes mais il n’en a rien été, bien au contraire.

Le libéralisme financier, qui aurait dû servir de doctrine, a été perverti en ce sens que les banques ont continué à engranger leurs profits avec la conviction – démonstration faite – que leurs pertes seraient « socialisées » en étant portées à la charge des contribuables !

Ensuite, les banques centrales occidentales ont, en quelque sorte, encouragé les banques à aller encore plus loin en créant de la monnaie à tout va, afin de racheter aux banques leurs créances « douteuses », qui étaient souvent des dettes « souveraines », mot à la mode et trompeur pour désigner des dettes publiques, dont le contribuable était le dernier payeur. Cette politique, par euphémisme, caractérisée de « non conventionnelle » était pourtant contraire à toutes les lois du « marché libre et non faussé » et supprimait la notion de « capital risque » qui servait à justifier certains taux d’intérêt.

 

LE CAS DE LA BCE

 

La Banque Centrale Européenne, étant entièrement arrimée à Wall Street, ne pouvait qu’imiter sa conduite.
N’étant pas soumise aux décisions des responsables politiques, elle pouvait tout faire, y compris s’asseoir avec désinvolture sur les traités européens qui devenaient des « chiffons de papier » !

Pour néanmoins sauver les apparences (auprès des plus crédules ou de ceux qui avaient intérêt à l’être) elle déguisa le financement des États de la zone euro (qui lui étaient interdit par les traités) en « rachats d’actifs » détenus par les banques privées, qui pouvaient ainsi continuer à prêter à « tire-larigot » de l’argent qu’elles n’avaient pas mais qui serait créé pour la circonstance. La BCE ne pouvant pas faire faillite par définition, ces dettes resteront ad vitam aeternam dans le bilan de la BCE, mais les intérêts seront payés par les contribuables !

 

LA SUPÉRIORITE MORALE DES PAYS NON OCCIDENTAUX

 

Elle apparaît très clairement en comparant la destination de la monnaie créée par les banques centrales.

En Occident, environ 90% de ces sommes créées vont vers les marchés boursiers, ce qui fait qu’elles ne jouent pas de rôle économique direct et servent pratiquement à enrichir davantage les banquiers qui les utilisent pour racheter leurs propres actions qui, naturellement, augmentent de valeur.

Ailleurs dans le monde, et plus particulièrement dans les BRICS, c’est au contraire 90% de cet argent créé qui va dans l’économie, permettant ainsi les investissements industriels. On peut parler de supériorité morale car la pire des choses, dans un système bâti uniquement sur la confiance – et c’est le cas du système monétaire international – mais encore fondé sur le dollar, est de voir trahie cette confiance mise par les peuples dans ce système qui, finalement, ne favorise que l’élite qui l’a mis en place.

C’est probablement la cause la plus profonde qui est à l’origine de la période que nous vivons et dans laquelle l’ordre mondial, fondé sur la suprématie occidentale, est de plus en plus contesté par beaucoup d’autres pays…
Combien de temps cela peut-il encore durer ?

Jean Goychman

2 octobre 2022

 

 

 

10 Commentaires

  1. bonjour!
    je tiens à manifester mon contentement constatant au fil des commentaires, la civilité des propos de tous les intervenants. Quel plaisir!

    • Vous avez raison. Les commentaires sont tous de bonne qualité. Et nous ne censurons quasiment jamais !

  2. Le Livre de Goodson est capital. Plusieurs remarques :

    La FED n’a actuellement plus un gramme d’or dans ses caves à Fort Knox. Les Chinois ont le plus gros stock mondial avec de l’or à 99.99% de pureté.

    En fait, les banques créent depuis le néant de l’argent à prêter et se gavent avec l’argent réel et concret des intérêts généré par la sueur des gens qui travaillent, essentiellement la classe sociale moyenne. Ils prêtent du vent et récoltent concrètement de l’argent réel.

    On comprend pourquoi les mondialistes font tout pour éviter la promulgation de la Charte GESARA et MESARA signée en 2000 par Clinton… et que soutiendrait Trump. Mais est-ce un leurre ? C’est étrange. J’aimerais bien avoir l’avis de Mr Jean Goychman à ce sujet jamais évoqué.

    https://www.etresouverain.com/2021/10/21/47143/

  3. Bonjour à tous;

    Je reviens ce matin sur mon propos antérieur pour préciser qu’il me semble que tout citoyen qui ne veut pas n’être qu’un innocent comparable à une proie donnée en pâture à tous les idéologues politiques qui tentent de le racoler sur le marché démocratique, tout spécialement dans les épisodes électifs ;
    Que de posséder un minimum de « connaissances financières et économiques » est indispensable à l’orientation de son opinion politique, de ses choix électoraux avec objectivité et pertinence. Ceci, n’ induit cependant pas de ne pas être sensible et gourmand des œuvres littéraires, de l’héritage philosophique laissé par Platon, Michel Onfray et Alain Finkielkraut en passant par Montaigne, pour ne citer qu’eux…
    Le problème est, me direz-vous, qu’en République Moderne qui se veut Démocratique*, » le prolétariat » est déjà très occupé et trop souvent préoccupé, par l’achat des  » beefsteaks », élever ses enfants et les emmener légitimement en vacances et vivre dans un logement décent etc, etc.. Ce qui laisse le champ libre à bien des manipulateurs et escrocs immoraux de la politique, soutenus eux-mêmes et justement manipulés par beaucoup de décideurs économiques et financiers qui manipulent toutes les richesses boursières, ainsi que les autres, et enfin les médias mainstream qui sont à  » leur botte ». par le jeu de la publicité,et j’en passe probablement…

    Merci, pour votre longue et patiente lecture.

    *. Démocratie; mot tant usité et détourné dans ses applications qu’il en est vidé de de son esprit en ces temps présents; qu’il ne veut plus dire grand chose…

  4. Passionnant, et encore n’ai-je pas tout compris ce qu’il y avait à comprendre. Avant ma carrière de greffier, j’ai été comptable, mais loin d’être experte hélas… Mais j’ai saisi quelques éléments et compris que, depuis fort longtemps, que la planète était aux mains de truands en cols blancs… et que les seuls à payer réellement, et pas en monnaie de singe cette fois, étaient les moins nantis. Toutes les révolutions du monde n’y ont rien changé.

    • Chère France, s’il y a des choses que vous n’avez pas compris, c’est que je me suis mal exprimé. N’hésitez pas à me les indiquer et j’essaierais d’être plus clair.

  5. Article très intéressant, même plus: « Capital »; sans vouloir faire de jeu de mot…
    Capital, si l’on considère, comme j’en suis,depuis longtemps, confusément persuadé, qu’il traite d’un sujet consubstantiel à la respiration des nations. Quelles que soient leurs cultures, leurs croyances ou non-croyances spirituelles, toutes les nations sont obligées de s’adapter à cette configuration de l’ Économie devenue mondiale, universelle. Ce fut au départ de l’Humanité de façon segmentaire,si l’on se place à l’échelle du globe.Elles doivent échanger toutes entre elles, d’une manière semblant souvent directe, mais incluant toujours, en amont une chaîne d’intervenants, chaîne plus ou moins longue. Aucun autre choix n’est possible, sous peine d’autarcie mortifère, quel que puisse être le régime politique que s’est choisi chaque population habitant sur cette Terre.. C’est le tour aujourd’hui les derniers indiens autonomes d’Amérique Latine, longtemps épargnés, qui vont finir de disparaître irrémédiablement, même s’ils sont dans le meilleur des cas plus ou moins protégés pour un temps dans des réserves, à la façon d’un grand malade en soins palliatifs.
    Tout ce long discours pour conclure, que je serais vraiment heureux, si un jour je rencontrai un professeur, nécessairement très patient, puisqu’ en ma qualité de béotien en Économie et Finances, il devrait m’expliquer longuement comment y voir suffisamment clair ; même si mon égo, à peu de choses près,similaire à celui de tout à chacun, m’engagerait plutôt à faire accroire que je comprends vite !

    • Chouette commentaire dans lequel je je retrouve bien… On partage les frais pour le prof si vous le dénichez ?

      • Ami, France Laurent ;
        Merci pour votre sympathique appréciation.
        Je ne manquerai pas , si je me trouve en mesure de le faire, d’accéder à votre demande.
        Bonne journée.

      • Pardon, Madame ;
        J’aurais dû, en effet, m’adresser à vous, sans vous priver orthographiquement de votre « féminité »…
        Merci, par avance de votre indulgence à l’égard de ma distraction conjuguée avec ma précipitation de vous écrire et remercier…
        Je vous renouvelle ma promesse et mon bonjour.

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