Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a saisi un événement conjoncturel, la hausse de 19,2 % du nombre des morts par accidents de la route en juillet 2015 par rapport à juillet 2014, pour annoncer de nouvelles mesures de répression contre les automobilistes, dont la principale est la multiplication des radars et l’introduction de nouveaux radars mobiles qui flashent dans tous les sens et des deux côtés de la route. Comme d’habitude, le suppositoire est enrobé de la sauce doucereuse d’actions de prévention sur lesquelles aucune précision n’a été donnée.
Toute annonce gouvernementale, quelle qu’elle soit, doit être décortiquée pour savoir où est le mensonge et pourquoi cette punition que ce gouvernement (qui ne pense qu’en termes de recettes fiscales supplémentaires quelle que soit leur nature) veut infliger aux automobilistes. Des automobilistes qu’il ne considère pas comme des êtres humains, mais comme des vaches à lait.
D’abord que vaut ce chiffre annoncé de 19 % d’augmentation ? Pour faire une comparaison valable, il faudrait que les paramètres considérés soient comparables. Or ils ne le sont pas. Les conditions de circulation n’ont pas été les mêmes en juillet 2014 et en juillet 2015, qu’il s’agisse du nombre d’automobilistes qui ont circulé, du nombre de kilomètres parcourus, des conditions de circulation et de la nature des victimes recensées. Donc – n’importe quel statisticien vous le confirmera -, annoncer + 19 % d’accidents mortels n’a aucun sens !
Que le ministre ne le sache pas, c’est excusable, il est issu de Sciences Po.
Mais il a des conseillers dans son cabinet, non ?
Évidemment, s’ils sont énarques…
Claude Got (bientôt 80 ans, médecin qui se présente comme le gourou de la sécurité routière et conseiller du ministre sur ce sujet juteux), est connu pour être un lobbyiste forcené, à la tête d’un groupe de médecins qui s’est fait remarquer il y a quelques années comme le groupe des « moines civils pour la défense de la santé publique« .
Ils sont très utiles aux fabricants de radars. Ils constituent un lobby à l’américaine, sachant utiliser au mieux les médias et obtenir de gros financements publics pour les associations anti tabac, anti alcool et anti voitures. Claude Got le reconnaît : « Moi j’ai envie d’être efficace. Et aujourd’hui, rien ne se fait sans les médias. C’est pour cela que nous avons adopté un travail de lobbying« .
Jouant habilement des rivalités des médias, Got et son équipe arrivent à faire publier, sans mal, des tribunes nombreuses et répétitives dans Le Monde et Libération. « Je suis toujours disponible, reconnaît-il. Pas un journaliste ne peut dire que j’ai refusé de lui parler« . La veille de tout débat parlementaire, une tribune est publiée dans Le Monde pour envoyer un signal très clair au ministre concerné : en substance, il lui est dit que, s’il recule sur la mesure de répression annoncée, on le dénoncera « pour lâcheté politicienne« .
Si un conseiller du ministre s’y oppose ou ne plait pas à ces vautours, son remplacement est demandé, c’est par exemple ainsi que le bon docteur Jérôme Cahuzac (1), membre épisodique du lobby de Got, a été nommé conseiller du ministre des Affaires sociales (Claude Evin, années 89-90 ) avant de devenir le ministre du Budget que l’on sait en 2012, la meilleure place qui soit pour un lobbyiste !
Aussi mal entouré, Bernard Cazeneuve ne pouvait pas savoir que s’il y a bien eu en juillet 2015 + 19 % d’accidents et + 17 % de délits routiers (source gendarmerie), c’est hélas, normal puisqu’il y a eu 19 % de circulation en plus !
Cela ne signifie donc nullement que les automobilistes et les chauffeurs de cars et poids lourds ont plus mal conduit en 2015 qu’en 2014 ! Surtout quand on apprend que l’essentiel des victimes supplémentaires est à chercher dans les motards, les cyclistes et les piétons.
Ces trois catégories d’usagers de la route sont connues pour leur manque de discipline : les motards qui zigzaguent entre les files de voitures et roulent à grande vitesse ; les cyclistes, walkman vissé sur les oreilles, qui descendent du trottoir où ils circulaient au milieu des piétons et, passant entre deux véhicules en stationnement, surgissent sur la voie sans regarder, ou bien circulent à contre sens en brûlant les feux rouges ; les piétons qui traversent n’importe où et n’importe comment, même quand il y a un passage protégé à quelques mètres et que le feu « piétons » est au rouge.
Par méconnaissance absolue de l’évolution de la circulation automobile et une persistance dans l’erreur affligeante, beaucoup de « défenseurs de la sécurité routière », mais surtout chasseurs de subventions, font gober aux politiques et aux médias les pires âneries.
La première consiste à leur faire croire que les radars, ces pompes à fric, sont un facteur de sécurité et ont permis d’éviter des milliers de morts depuis qu’ils ont été mis en place.
On voit sur ce graphique de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), une chute continue et très régulière de la mortalité routière depuis 1970.
On voit aussi qu’à partir de 2005, cette chute se ralentit fortement.
On s’interroge bien évidemment pour savoir quel est le facteur nouveau qui fait qu’il y ait aujourd’hui plus de morts qu’il devrait y en avoir si la courbe avait poursuivi sa baisse au même rythme qu’avant 2005.
En quatre ans, entre 2001 et 2005, la diminution a été de – 35,6 % pour le nombre de tués.
Or rien n’a fondamentalement changé dans l’état du réseau routier, de la météorologie ou du comportement des conducteurs.
Le seul facteur nouveau, c’est l’installation des radars fixes à partir de 2004 !
Mais soyons honnêtes, et remarquons que le graphique donne entre 1970 et 2005 des tranches de 5 ans qui deviennent annuelles à partir de 2005. Cela produit un effet artificiel d’accélération de la chue du nombre d’accidents mortels entre 1970 et 2005. On ne peut donc pas affirmer que les radars sont une cause certaine d’un surcroit d’accidents, mais on peut au moins dire qu’ils ne sont strictement pour rien dans la continuation de la baisse du nombre des morts à partir de 2005.
La courbe ONISR ci-dessous le démontre à son tour.
On y voit que de 2000 à 2005, la chute du nombre des tués passe de 8 000 à 5 000 (soit – 3 000) et que de 2005 (radars) à 2010 on ne chute plus que de 5 000 à 4 000 (soit -1 000, 3 fois moins que lors de la période précédente) !
L’influence néfaste des radars sur l’accidentologie pourrait ainsi être démontrée.
Jusqu’en 1975, le bombe de morts est proportionnel au volume du trafic (n voitures x km parcourus).
En 1975, la courbe s’inverse, car les constructeurs ont commencé, à partir de 1970, à monter des ceintures de sécurité sur les places avant des voitures.
La généralisation des freins à disque dans les années 2000 entraîne une brutale accélération de la baisse des morts entre 2000 et 2005.
La généralisation des radars à partir de 2004 n’a donc aucun effet positif (2), alors qu’avec la stagnation du trafic à partir de 2005, la baisse de la mortalité routière aurait du s’accélérer si les radars servaient à autre chose qu’à faire des recettes fiscales.
Les petits rectangles jaunes donnent le nombre de tués par unité de trafic (un milliard de km parcourus x N millions de voitures) : 184 en 1948, 77 en 1972, 15 en 2001, 8 en 2009. Le rectangle rose indique que le premier radar mobile a été utilisé en 1983.
La seconde ânerie consiste à affirmer que la mauvaise conduite des automobilistes est la cause d’une remontée du nombre des accidents en 2015. Le tableau ONISR ci-dessous montre que, même en 2015, la baisse continue, malgré l’épisode négatif de juillet dû à un surcroît de circulation du fait d’une météorologie très sèche et chaude qui a poussé les Français à circuler plus que l’an dernier à la même époque : déjà -4,1 % de baisse depuis janvier 2015.
Quand au mauvais chiffre de 2014 (+2,4%), il est dû aux mauvaises conditions météo, une année 2014 particulièrement pluvieuse : « En moyenne sur la France et sur l’année, la pluviométrie a été supérieure à la normale, de plus de 10 % » (source météo-France).
La solution n’est donc pas dans l’augmentation du nombre des radars, mis d’inciter les automobilistes à rouler avec des pneus mieux adaptés aux conditions météorologiques.
Troisième ânerie, jamais un fonctionnaire ou un homme (ou une femme) politique ne se pose la question du rôle essentiel du progrès technique dans la réduction du nombre des morts.
Exemples : la ceinture de sécurité adoptée par les fabricants de voitures dès 1970 a immédiatement prouvé son efficacité. Elle a été rendue obligatoire en 1973. Dès 1975, on comptait -30 % de morts sur les routes.
Il y a eu ensuite l’amélioration de la qualité des pneus : qui sait encore ce que c’est que de perdre sa bande de roulement à pleine vitesse, d’éclater ou même de crever ?
Les freins à disque : en 1980 on comptait pour s’arrêter 100 m à 100 km/h, aujourd’hui c’est 35 m !
Structure des châssis et des monocoques, autoroutes et 4 voies rapides, correcteurs de trajectoire, ABS, etc.
C’est le progrès technique qui est la raison essentielle de la diminution de la mortalité sur les routes et les producteurs de voitures n’exploitent pas, ou peu, cet argument qui leur est favorable pour contrer un État répressif et prédateur.
Enfin, il y a un facteur d’accidentologie sur lequel ni le gouvernement ni le lobby du docteur Got n’aime s’attarder, c’est la dégradation du réseau routier, conséquence directe de la baisse continue du budget consacré aux infrastructures du transport : – 9% en 2009, -21% en 2010 et 2011…
La loi de finances pour 2015, promulguée le 29 décembre 2014, donne 3,2 milliards d’euros pour le budget du programme (n°203) « Infrastructures et services de transport », soit une diminution de 11,4 % par rapport à 2014.
Dans ce même budget, la part de l’entretien pour les routes est de 338 millions, en baisse de 1,8 % par rapport à 2014, à comparer aux recettes de la TICPE (Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques), 25 milliards d’euros environ sur les produits pétroliers payés par les automobilistes.
L’Imprécateur
(1) Quand Cahuzac était conseiller de Claude Evin, le lobby du docteur Got faisait du forcing pour obtenir des lois sur le tabac et l’alcool. Il a obtenu la fameuse « loi Evin » sur la publicité des alcools. Pendant qu’il était conseiller du ministre, Cahuzac était aussi le conseiller de plusieurs grands laboratoires pharmaceutiques. Evin a été impliqué dans l’affaire du sang contaminé mais a obtenu un non lieu. Son conseiller Cahuzac a été condamné (en 2007) pour esclavagisme, il employait, sans la déclarer, une femme de ménage sans papiers d’origine philippine qu’il faisait travailler pour 250 € par mois. Il a du rembourser la Sécurité sociale.
C’est la « république exemplaire » de M. Hollande et de ses amis socialistes !
(2) Non seulement la généralisation des radars à partir de 2004 n’a eu aucun effet positif sur la baisse de la mortalité routière, mais cette politique répressive serait même devenue accidentogène ! Selon l’AFSA (Association Française des Sociétés d’Autouroutes), la 1ère cause de mortalité routière sur autoroute (29 % des cas) est en effet, non pas la vitesse, ni l’alcool, mais… la SOMNOLENCE !!!