AU REVOIR LIEUTENANT GUY MARCHAND (Éric de Verdelhan)

« …Affecté comme sous-lieutenant – breveté parachutiste – dans un régiment du Train Aéroporté, en 1962. Cela lui vaudra d’être mis en subsistance pendant quelque temps au sein du 3° Régiment Etranger d’Infanterie (3° REI), comme officier de liaison, lors de la guerre d’Algérie… »

(Biographie de Guy Marchand trouvée sur Internet).

 

 

Il est rarissime que je rende hommage à quelqu’un du showbiz. Si je le fais aujourd’hui pour Guy Marchand – mort hier à Cavaillon (Vaucluse), à l’âge de 86 ans – c’est qu’il avait tous les talents, qu’il ne se prenait pas au sérieux, et qu’il avait été officier parachutiste en Algérie : trois bonnes raisons d’apprécier le personnage ; un profil rare dans le monde du spectacle.

J’ajoute que, issu d’un milieu modeste et ne venant pas d’une famille de saltimbanques, il ne devait son succès qu’à ses qualités et à son talent ou plutôt ses talents éclectiques.  

C’était une gueule, avec un air bravache de flambeur séducteur, ce qu’il était réellement.

Petit de taille mais grand sportif. Outre le parachutisme, il avait pratiqué la boxe, l’équitation, le polo, et même le rallye automobile (1). Ce faux dilettante ne s’est jamais pris pour autre chose que ce qu’il était ; il confessait avec franchise sa vie de patachon, il ne trichait pas sur lui-même.

Il était né prolo, en 1937, à Belleville, d’un père ferrailleur communiste et d’une mère au foyer d’origine gitane. Sa gouaille de titi parisien, il allait la forger au bord des « fortifs », avec des musiciens qui venaient jouer dans le garage familial (2). Il rêve de devenir musicien professionnel.

Puis, au moment de faire son service militaire,  il suit un peloton d’EOR et sert en Algérie, comme officier parachutiste, détaché auprès de la Légion Étrangère, au 3° REI.      

En 1965, en pleine période yéyé, il écrit en quelques minutes « La Passionata » qui deviendra l’un des tubes de l’année. Ce succès lui ouvre les portes du music-hall, son rêve est réalisé!

Puis c’est le cinéma qui le happe. Après un premier rôle de parachutiste (coupé au montage) dans « Le Jour le plus long », il apparait, aux côtés de Lino Ventura et de Brigitte Bardot, dans « Boulevard du rhum », de Robert Enrico (1971). Il jouera ensuite pour François Truffaut («Une belle fille comme moi », 1972), Maurice Pialat («Loulou », 1980), Bertrand Tavernier («Coup de torchon », 1981).  Beaucoup plus tard, en 2006, pour Christophe Honoré («Dans Paris »).

Mais Bertrand Blier, Costa-Gavras, Alain Corneau, séduits par son personnage de charmeur un peu voyou, lui confieront de beaux rôles taillés sur mesure. En 1982, il incarne un flic assez infect dans « Garde à vue » de Claude Miller, aux côtés de Lino Ventura et Michel Serrault. Ce film lui vaudra le prix du « meilleur second rôle » à la cérémonie des Césars, ce sera sa seule récompense dans le cinéma, ce milieu très fermé qui pratique surtout l’entre-soi. 

Deux ans plus tôt, il entonne « Destinée » dans le film « Les Sous-doués en vacances » de Claude Zidi. La chanson devient un énorme tube ! Il accède à la  célébrité avec une chanson qu’il trouve mauvaise. Mais il va s’installer durablement sur nos écrans de télévision avec les 48 épisodes de la série « Nestor Burma ». Un rôle qu’il endosse dans les années 1990, inspiré du détective imaginé par  Léo Mallet. C’est avec ce personnage mi-flic mi-canaille, superbement incarné, qu’il tient l’un de ses plus beaux rôles et accède au vedettariat. Ensuite il va consacrer ses vingt dernières années de vie à la chanson avec des albums de reprises latinos et jazz ou des créations originales.

En 2012, il sort l’album « Chansons de ma jeunesse », dans lequel il revisite les standards de la chanson française. En 2017 et 2018, il tient son propre rôle dans la série « Dix pour cent ». En 2018, il apparaît dans le film « Le Doudou », où il joue le rôle d’un retraité un peu coquin.

En 2020, il publie son ultime album, « Né à Belleville », qui reçoit un bel accueil.

Ce touche-à-tout de génie avait aussi un beau brin de plume. On lui doit cinq livres fort bien écrits (et qui ne sont pas le travail d’un « nègre » comme tant d’autres livres de célébrités) :

En  2007,  « Le Guignol des Buttes-Chaumont » (autobiographie  chez Michel Lafon) ; en 2008, « Un rasoir dans les mains d’un singe » (Michel Lafon) ; en 2011 « Le Soleil des enfants perdus » (Ginkgo éditeur — prix Jean-Nohain 2012) ; en 2014, « Calme-toi, Werther ! » (Ginkgo éditeur) ; en 2015 « Carnet d’un chanteur de casino hors saison » (Cherche Midi).

Après avoir convolé avec une jeune russe de 40 ans sa cadette, il finit sa vie surendetté, en éternel flambeur.  Il assumait le fait de jouir pleinement des retombées financières que son statut lui conférait, mais il préférait collectionner les voitures américaines et dilapider son argent plutôt que de thésauriser. En novembre 2019, Guy Marchand qui vivait séparé de sa femme Adelina, révélait être totalement ruiné, par sa passion dévorante des belles bagnoles.

Un type qui était bon musicien, bon acteur, et qui écrivait bien méritait un hommage.

Et puis, il était parachutiste, il était des nôtres.

Alors, au revoir lieutenant Guy Marchand, que Saint Michel, le saint patron des paras, vous accompagne pour votre dernier saut, et qu’il vous intronise, si possible avec votre saxophone, auprès de Saint Pierre, dans un monde réputé meilleur.

Éric de Verdelhan

16 décembre 2023

1) Au volant d’une Simca 1000 « Rallye 2 » avec le « Star Racing Team ».

2) Dont Django Reinhardt (guitare) et Stéphane Grappelli, (violon).

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26 Commentaires

  1. Pourquoi ce silence sur sa mort ? avait=il l’outre cuidence d’être de droaaate , peut être même un défenseur de l’Algérie Française comme le sont tous les vrais parachutistes?

  2. ters bel hommage – j ai eu presque le meme tracé militaire pendant la guerre d’Algérie – un personnage attachant et simple .. en fait un vrai parachutiste -que St Michel l acceuille comme nous tous un jour – j ai le meme age que guy….

  3. Merci pour ce descriptif apologique de MR guy marchand :Faut dire qu’à la télé :c’est presque silence radio
    J’en sais beaucoup plus en ces quelques lignes et donc je vous en remercie .Je dois dire que j’ai aimé les nestor Burma et tant d’autres choses.avec un style bien à lui : tres gentleman.Je lui aurais bien vu jouer le rôle de James BONd à la française.mais on n’a pas eu cette chance.

  4. J’aimais bien Guy Marchand. Cet Homme avait du chien. Il chantait et jouait très bien. Tous ses rôles sont excellents. Il était un homme sympathique et discret aussi dans sa façon de voir le monde. C’est trop dommage qu’il soit parti. Je n’ai guerre de sympathie pour les gens du show biz et leur caste, mais il y en a certains qui sont digne d’admiration. La perte de Monsieur Marchand me fait de la peine.
    Paix à son âme et que Saint Michel prenne bien soin de lui.

  5. Il était resté fidèle aux parachutistes et surtout à la Légion. Généreux donateur de l’Amicale des anciens malgré ces déboires financiers, il avait parrainé plusieurs opérations destinées à entretenir le souvenir et la solidarité de la vieille Légion. Un grand bonhomme. Quand il s’est marié avec une femme beaucoup plus jeune que lui, il était déjà ruiné et, malgré ses efforts, elle n’a pas pu le renflouer. Il a alors exigé qu’ils se séparent pour ne pas l’entraîner avec lui. Du panache.

  6. Adieu mon Lieutenant.
    Nous aurions pu… ou nous nous nous sommes peut-etre croisés puisque j’étais aussi dans le train aéroporté (spécialité transmissions) de 61 à 63,breveté à Pau en Janvier62 (BP 194866)
    La france était » debout « à cette époque .Quelle décadence depuis !!
    Et par St Michel Vive les paras

  7. Un lieutenant élevé au rang de maréchal … toute ma jeunesse en culotte courte qui fout le camp !!! Ce mec génial a nul autre pareil savait avec talent nous faire partager des vraies valeurs societales en voie de déliquescence…. Un immense Merci pour tout ce partage empreint d’humilité et de générosité qui te caractérisait si bien que ce saint Michel t’ accueille en don royaume parmi les siens Respect honnête homme. En cordialités .

  8. Très belle hommage à un homme qui a su nous impressionner, nous faire rire et nous enchanter par ses interprétations tant musicales que cinématographiques. Un honnête Homme !

    • Merci cher lecteur. Je me devais de rendre un hommage à un homme libre et qui avait du panache. Cette race est presque morte donc : respect !

  9. «  faire sérieusement le job en ne se prenant jamais au sérieux « aurait pu être sa devise
    Un dernier contemporain des Ventura , Serrault et autre Blier , les acteurs d’un cinéma français qui à l’époque , ne se posaient pas la question «  vais je plaire aux maîtres avec ce rôle là ? «  Guy Marchand n’avait aucun message politique à faire passer , il n’a eu de cesse de nous divertir ..mission accomplie mon Lieutenant
    Un Parachutiste ne monte pas au ciel , il y retourne , eh bien bonjour là-haut à tous ceux qui nous ont précédé , ces Paras qui regardent le ciel sans pâlir et la terre sans rougir ( une des rares phrases gaulliennes que je reprends ) . Vous nous manquez déjà

  10. Toutes choses égales par ailleurs, Guy Marchand me fait penser à Jean Gabin dont les états de services militaires comme les origines très prolétariennes soulignent les mérites d’une brillante carrière, tant musicale que cinématographique.
    Je pense qu’ils vont se retrouver pour d’éternels échanges savoureux…