RESPECT À TOUS NOS MORTS (Éric de Verdelhan)

 

 

Au début du mois d’avril, j’ai publié sur différents sites un article intitulé « le mentir-vrai » (1). J’y dénonçais l’un des nombreux maux, l’un des plus nocifs, de notre époque décadente et liberticide, celui qui clôt toute possibilité de débat, qui interdit d’émettre une idée autre que celle imposée par la doxa officielle. Et j’expliquais que la différence entre le mensonge et le « mentir-vrai » tient à la façon qu’a le « menteur-vrai » de culpabiliser celui qui ose ne pas le croire. Le menteur ment, soit par rouerie soit par mythomanie. En revanche, le « menteur-vrai » met tout en œuvre pour que vous ne puissiez pas, pour que vous n’osiez pas, le contredire. Si vous osez, c’est vous que l’on traitera de menteur. Le « menteur-vrai » ne dit pas la vérité, il EST la vérité et, de ce fait, toute contestation n’est pas admissible. Si vous émettez un doute, vous devenez un dissident (comme au temps de l’ex-URSS), un mal pensant, un négationniste, un complotiste, voire carrément un fasciste.

La fachosphère a-t-elle une influence réelle sur l'opinion des gens

FACHOSPHÈRE Vue par Libération

Relégué dans le camp indigne de la « fachosphère » on vous accusera de véhiculer la haine et de distiller des idées « nauséabondes »; vous deviendrez un pestiféré, un sous-homme, un paria.

Je ne veux pas jouer les Don Quichotte pourfendant des moulins-à-vent mais je milite depuis toujours pour la liberté d’expression, la pluralité d’opinions, la vérité historique, bref la liberté tout courte. Celle de dire haut et fort ce que l’on croit ou ce que l’on pense. Celle de défendre ses idées, ses valeurs, ses convictions profondes, sa foi (tout en respectant les convictions des autres).

Je suis totalement allergique à cette kyrielle de lois plus ou moins « mémorielles » – Pleven, Gayssot, Taubira, etc…- qui prétendent lutter contre les discriminations alors qu’elles tuent le débat d’idées, annihilent l’esprit critique, dénaturent la pensée, et suppriment aussi le droit de rire de tout. 

Ces textes restrictifs et liberticides sont du pain béni pour les minorités qui se sentent (ou se prétendent) discriminées : contre le « mâle blanc » on gagne à tous les coups !

Est-il normal, dans un pays qui se veut parangon de la démocratie et des Droits de l’homme, qu’un citoyen puisse être trainé devant la justice pour…26 critères différents de discriminations ?

NON, et voilà qu’on veut maintenant nous sanctionner en cas de discrimination…capillaire ; ça ne s’arrêtera donc jamais ?  Ces dégénérées d’Américains, en mettant un genou à terre devant leurs minorités raciales, religieuses ou sexuelles, ont ouvert la voie ; une voie sans issue, un cul de sac qui ne peut se terminer que par une guerre civile visant à terme la disparition du « mâle blanc ».

Les pays européens, dont la France, suivent bêtement – par panurgisme imbécile – tout ce qui vient des États-Unis. Nous savons donc à quoi nous attendre ; notre effacement est déjà programmé, décidé, acté, c’est juste une question de temps !

Les patriotes, les souverainistes, les nationalistes – ce « monde d’avant » auquel je me targue d’appartenir – mènent un combat d’arrière-garde en perdant du terrain chaque jour. Le combat des idées est une belle cause et pourtant, subrepticement, on se met à mentir-vrai, inconsciemment ou par peur de rendre des comptes à la justice. Nous abandonnons parfois le combat par lassitude, par fatigue, par ras-le-bol, par lâcheté aussi. Mais il arrive qu’une remarque d’un lecteur provoque chez moi un sursaut non pas de courage – j’en manque cruellement ! – mais d’indignation.

À la suite de mon dernier article sur « Camerone »(1), un ami lecteur m’a fait remarquer qu’il m’arrive d’« ironiser sur le LVF ». Il faut croire que mes écrits sont trop édulcorés, trop tièdes ou que, sans m’en rendre compte, je suis frappé par le syndrome du « mentir-vrai » car j’ai trop de respect pour ceux qui sont morts pour la France, pour oser me moquer d’eux.

Légion des volontaires français contre le bolchevisme LVF - LAROUSSE

Mais rappelons ce qu’a été la « Légion des Volontaires Français contre le Bolchévisme », une unité créée le 8 juillet 1941, juste après le déclenchement de l’invasion de l’URSS par l’Allemagne. Le 30 octobre, ses effectifs partaient pour le front russe. Sur les 13 400 hommes qui se sont présentés pour s’engager, seuls 5 800 hommes ont été acceptés, c’est dire si la sélection était draconienne ! Notons que la France a eu la plus faible contribution en combattants volontaires pour le front russe de toute l’Europe (2). Si l’on ajoute à la LVF, les Waffen SS, les engagés dans la Kriegsmarine, etc… le nombre de Français sous le casque allemand aura été de 40 000, un chiffre équivalent à celui des engagés dans la « France Libre » avant le ralliement de l’AFN aux côtés des Alliés.

Les Français ont toujours volé au secours de la victoire ; ils seront peu nombreux à rejoindre Londres, peu nombreux à combattre le bolchevisme, peu nombreux à entrer dans la Résistance, et relativement nombreux dans l’Armée d’Afrique, et il s’agissait en grande majorité de « Pieds-noirs » mobilisés par le général Giraud (j’y reviendrai plus tard). Mais attardons-nous un peu sur la LVF.

Edgar Puaud - Célébrités liées à OrléansEdgar Puaud sera son commandant de septembre 1943 jusqu’à sa dissolution en juillet 1944.

Son premier porte-drapeau, blessé au combat (et décédé le 4 juillet 1943) était Constantin Amilakvari, ancien adjudant-chef de la Légion. Le frère du colonel Dimitri Amilakvari tué le 24 octobre 1942, lors de la seconde bataille d’El Alamein, à la tête de la 13ème demi-brigade de Légion Étrangère (13°DBLE). Le président Georges Pompidou a eu un oncle, le lieutenant Frédéric Pompidou, qui servit également dans la LVF (3).

Avec le succès des troupes soviétiques en juin 1944, la LVF sera entraînée dans la débâcle du front russe. Durant la retraite, elle est chargée de stopper l’avance soviétique. Le 26 et 27 juin, 600 soldats de la LVF, commandés par Jean Bridoux, se battent près de la rivière Bobr en Russie blanche.

Un combat héroïque et inégal durant lequel ils arrivent à stopper la progression soviétique pendant quelques jours et à détruire de nombreux blindés. Un journal soviétique écrira : « …Sur la rivière Bobr, des unités blindées appartenant aux deux fronts de Russie blanche se sont heurtées à la résistance de deux divisions françaises ». En réalité ces Français courageux étaient l’équivalent d’un bataillon.

En juillet 1944, Heinrich Himmler donne l’ordre du démantèlement de la LVF. Sa dissolution officielle est prononcée le 1er septembre 1944. La plupart de ses 1 200 rescapés sont regroupés (avec les survivants d’autres unités auxiliaires de la Wehrmacht) dans la 33° Division SS « Charlemagne » (4). L’aumônier général de la Légion, Jean Mayol de Lupé rejoindra lui aussi la « Charlemagne ».Jean de Mayol de Lupé - Mémoires de Guerre

Quelques soldats Français figureront parmi les derniers défenseurs de Berlin, fin avril – début mai 1945, face à l’Armée Rouge. Il est de bon ton, de nos jours, de les considérer comme des traîtres, de salir leur mémoire, simplement parce qu’ils appartiennent au camp des vaincus : vae victis !

Pour ma part, j’ai toujours écrit que j’avais un respect total pour les gens capables de risquer leur vie pour un idéal, pour une cause qui leur semblait juste. En l’occurrence, les soldats de la LVF se battaient pour la France car ils considéraient que le communisme – la peste rouge – était pire que la peste brune. L’aumônier de la LVF, jean Mayol de Lupé, avait su convaincre les catholiques que le combat qu’ils menaient était une croisade, un combat légitime, contre le matérialisme athée. Leur chef, Edgar Puaud, déclarait « Dites aux Français que ceux qui se battent à l’Est sont de vrais Français qui se battent pour leur pays ». Qui oserait dire, s’il est honnête, que les deux frères, Constantin et Dimitri Amilakvari, ne sont pas morts pour la France ? Alors, respectons la mémoire de tous nos morts, ceux du camp des vainqueurs comme ceux du camp des vaincus.

Dans quelques jours, la France fêtera la fin des hostilités de la seconde guerre mondiale, le 8 mai 1945. Parfois, en écoutant les fanfaronnades de certains pseudos historiens, on en vient à se demander comment les Allemands ont pu rentrer si facilement chez nous, tuer environ 100 000 de nos soldats et en faire prisonniers presque deux millions. Mais l’histoire est écrite par les vainqueurs.

Et depuis, on essaie de faire gober au bon peuple que la France s’est libérée toute seule ; De Gaulle, comme Jeanne d’Arc avec l’Anglais, boutant le Teuton hors du pays à grands coups de croix-de-Lorraine, aidé par les maquisards gaullistes et les FTP (5) communistes. Assez régulièrement je tente de rétablir la vérité ou de nuancer cette histoire enjolivée, embellie, voire carrément romancée.

L’Allemagne a été battue par …360 divisions soviétiques, et sur notre sol, par 90 divisions américaines, 20 divisions britanniques et les divisions françaises de l’Armée d’Afrique. Rappelons, pour mémoire, que lors du débarquement en Provence d’août 1944, le général Giraud mobilisa 27 classes de Français d’Algérie.  176 500 furent réellement incorporés. Ils se sont bien battus. 

On m’objecte souvent que j’oublie « le poids considérable de la Résistance ». Non, je n’oublie rien et j’ai un profond respect pour les vrais résistants. Mais la Résistance, d’après l’historien Basil H. Liddell Hart, a représenté l’équivalent de deux divisions ; deux… sur les 500 venues à bout des troupes allemandes.   Il faut se souvenir aussi que lors de la Libération, l’Armée a réussi à incorporer – péniblement – moins de 100 000 résistants alors que, sur les trois départements d’Algérie, le général Giraud avait réussi à mobiliser 300 000 hommes. Ceci se passe de commentaire !

Le 8 mai, j’irai au monument aux morts de ma commune ; j’aurai une pensée pour nos morts, TOUS nos morts, y compris ceux dont on ne veut pas parler pour ne pas ternir certains mythes.

Parlons, par exemple, d’un épisode peu glorieux de la vie du futur maréchal Leclerc ; épisode oublié par ses thuriféraires. Cette histoire a été racontée en détail par Christian de La Mazière, auteur du livre « Le rêveur casqué » (6), dans son livre-testament « Le rêveur blessé » (7) :

« En 1945, tout à la fin de la guerre, un petit lot de prisonniers était échu en partage à un échelon de la 2ème DB. Ces prisonniers de guerre étaient des Français. Certes ils étaient revêtus d’un uniforme allemand …mais ils ne s’étaient pas battus contre l’Armée française, leur engagement étant exclusivement contre l’Est, l’URSS, les rouges. Tirer sur des soldats français, l’idée ne serait venue à aucun. C’était tout simplement inconcevable, absurde. …Ces jeunes gens étaient tous de bonne foi et courageux, comme le reconnut De Gaulle dans ses mémoires, mais ils étaient embarrassants ces rescapés de la « Charlemagne ».On les fusilla sans jugement, sans conseil de guerre, sans rien, comme on détruit des animaux nuisibles … ».

En fait, Leclerc en personne a apostrophé le jeune lieutenant qui commandait les survivants de cette unité : « Vous n’avez pas honte de vous battre sous l’uniforme allemand ? ». Et l’officier lui aurait répondu : « Vous vous battez bien sous l’uniforme américain ». En 1981, « Paris-Match » a relaté les faits, sans que cela soulève la moindre polémique.

L’article montrait une photo de Leclerc, son inséparable canne à la main, qui faisait face à un petit groupe de Waffen SS français prisonniers. La légende disait :

« Avec chagrin mais sans pitié, Leclerc va les faire fusiller : ces rescapés de la « Charlemagne » ont été capturés le 8 mai 1945 par la 2ème DB. Le général Leclerc les accuse d’avoir revêtu l’uniforme allemand. Il s’entend répliquer que lui-même sert sous l’uniforme américain. Une insolence et un défi qui leur vaudront d’être fusillés ».

Publié sur internet, le récit de ce crime de guerre n’a pas soulevé d’indignation :

« Une douzaine de recrues, issues de la Charlemagne, se rendent aux troupes américaines qui les livrent le 6 mai à la 2ème DB du général Leclerc, cantonnée à Bad Reichenhall. Les prisonniers sont interrogés par Leclerc en personne.  Le lendemain, ils sont fusillés sans jugement et sans que les autorités du GPRF (8), informées de leur capture, aient été tenues au courant de cette décision. La responsabilité de Leclerc dans cette exécution sommaire a été évoquée, sans qu’il soit possible de déterminer si la décision a été prise par le chef de la 2ème DB en personne…Les corps sont abandonnés sur place, sans sépulture, par les Français, et enterrés plus tard à la hâte par les Américains… ».

C’était le 8 mai 1945, jour de la reddition de l’Allemagne.

Dans « Un héros très discret » (9) Jean-François Deniau tente d’enjoliver cette triste histoire : le lieutenant-colonel Dehousse, faux résistant et faux héros, fait fusiller des jeunes Waffen SS pour leur épargner un procès infamant et pour que leurs familles les croient morts « pour la France ». La vérité est moins glorieuse : on n’a même pas jugé utile de les enterrer. Il faudra attendre… 1949 pour que – à la demande de la famille d’un des fusillés – leurs corps soient exhumés et placés dans une tombe commune au cimetière de Bad Reichenhall.

Les gens qui ont une sensibilité à géométrie variable – et Dieu sait s’ils sont nombreux ! – vont arguer que ces Français, qui trouvaient la peste rouge bien pire que la peste brune,  étaient des salauds ; qu’ils ont choisi leur camp – celui du mal – et que leur camp a perdu.

Le 8 mai, je penserai aussi à eux, et au sergent-chef Dubois, cité dans un livre sur la Légion Étrangère. Saint Cyrien, il avait été fait chevalier de la Légion d’Honneur comme sous-lieutenant pendant l’offensive de juin 1940, puis il avait reçu la Croix de Fer allemande comme oberleutnant sur le front russe, puis à nouveau la Légion d’Honneur comme sergent-chef de la Légion Étrangère (sous son nom d’emprunt) en Indochine. Quand l’Armée lui a offert de retrouver son nom et son grade de lieutenant dans « la régulière » il a choisi de rester dans la Légion, sa famille.

Il a été tué sur « Béatrice » à Diên-Biên-Phu le 13 mars 1954. In mémorian.

Éric de Verdelhan

02/05/2024

1) Article du 28 avril, sur la bataille de Camerone, sur « Minurne Résistance », « Riposte Laïque » et quelques sites paras ou Légion.

2) Seules la Suisse et la Suède, pays neutres, ont fourni moins de volontaires.

3) Comme tant d’autres, après la guerre, il s’engagera dans la Légion Étrangère et finira sa carrière comme capitaine à Sidi Bel Abbès.

4) Division de Waffen SS français qui succéda à la LVF. Il faut lire Jean Mabire ou Saint Loup (nom de plume de Marc Augier) pour connaître l’épopée de ces soldats oubliés qui, contre les Soviétiques, ont souvent servi de « chair à canon » aux Allemands.

5) FTP : Francs-Tireurs et Partisans, maquis majoritairement communistes. 

6) « Le rêveur casqué » de Ch. de La Mazière; Laffont ; 1972.

7) « Le rêveur blessé » ; De Fallois ; 2003.

8) GPRF : Gouvernement Provisoire de la République Française.

9) « Un héros très discret » de Jean-François Deniau ; Olivier Orban ; 1989. Excellent roman dont Mathieu Kassovitz a tiré un mauvais film en 1996.

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1 Commentaire

  1. Merci pour ceux qui ont été oubliés. En effet il y eut parmi les « collaborateurs » qui ont mis leur peau au bout de leur idées, des patriotes. Des st Cyriens même !.S’il y eut des « salopards » comme dans toutes les armées, il y eut de vrais combattants. Certains, frères, se trouvaient dans des camps opposés et parfois même se retrouvèrent face à face !.A la Libération la plupart furent condamnés. Ceux qui avaient tiré sur des français furent fusillés par la justice ou par les épurateurs « courageux » de la 25ème heure, d’autres invités à rejoindre l’Indochine où ils combattirent contre les …communistes (qui le leur firent payer d’ailleurs avec les sabotages bien connus ou avec des kapos comme Boudarel), d’autres renvoyés chez eux après quelques mois de prison pour avoir…revêtus un uniforme étranger (j’ai vu les attendus), d’autres enfin furent acquittés car trop jeunes et inconscients. Il est vrai aussi que si des collaborateurs commirent des crimes, des résistants ne furent pas en reste et idem dans l’armée de Libération (CF en Italie et en Allemagne, où les généraux furent parfois contraints de faire fusiller des soldats qui s’adonnaient aux viols des allemandes), de ceux là on parle moins ou avec discrétion. Les vrais soldats, guerriers, se combattent sans haine…Normalement. Quant à Mabire ou Saint Loup ils ont tendance à enjoliver, mieux vaut les productions à compte d’auteur comme Rostaing ou BAYLE.