«…Les Socialistes espagnols, longtemps avant l’intervention militaire de Franco, avaient déjà poignardé la république. Dès 1933, leur leader, Largo Caballero, avait fait le choix de tourner le dos à la démocratie en prônant la « révolution socialiste et sanglante ; une révolution qui ne se fera que dans la violence ! »…Dans une Espagne en paix, les Socialistes avaient fait distribuer des milliers d’armes pour préparer le grand soir ibérique…Chaque jour les milices socialistes faisaient abattre des ennemis de classe : ouvriers, paysans, bourgeois, catholiques, et des parlementaires de droite !
Tout cela relativise un peu le coup de force d’un Francisco Franco, général légaliste, qui avait déjà refusé par trois fois de tremper dans un coup d’état… »
(Eric Brunet (1)).
Me voilà de retour d’une pérégrination d’une semaine en Espagne et au Portugal : une étape à Burgos, la patrie du Cid, puis quelques jours à Aveiro, la Venise Portugaise, et retour avec une halte à Cuidad Rodrigo et une autre à Zarautz, agréable station balnéaire du pays basque espagnol.
À peine rentré, je n’ai nullement envie de commenter l’actualité – assez affligeante ! – de la Macronie. Le procès de Marine Le Pen et des assistants parlementaires du FN sent le roussi mais je présentais ça dès le début de ce procès « stalinien ». Les démocrates en peau de lapin défilent sur les plateaux-télé et nous disent, avec une indignation sur-jouée, que les « fascistes » du FN devenu RN sont aussi des escrocs. Après nous avoir volé le résultat des européennes, puis des législatives, ils se préparent à jouer l’élection présidentielle de 2027, entre eux, entre gens fréquentables, appartenant à « l’arc ripoux-blicain ». C’est tout simplement scandaleux mais il fallait s’y attendre. La réélection de Donald Trump, que TOUS les médias donnaient perdant, les met dans une colère noire.
Ma virée dans la péninsule ibérique m’a donné envie de vous parler d’une histoire dont les médias officiels ne parlent jamais car elle dérange les bien-pensants, les donneurs de leçons de gauche et les ayatollahs du camp du bien. Ces gens qui ne voient qu’un ennemi, la « peste brune ».
Dans notre inconscient collectif, la guerre d’Espagne – de 1936 à 1939 – c’est l’escadrille de Malraux, c’est Hemingway, ce sont les Républicains et Démocrates de tous les pays qui s’enrôlaient massivement dans les « Brigades Internationales » pour lutter contre le « Fascisme » incarné par les troupes marocaines et les légionnaires de Franco. Les Républicains espagnols étant le camp des justes et celui des Nationalistes, la « peste brune », car allié à l’Allemagne nazie et à l’Italie de Mussolini. Pourtant, que cela plaise ou non, la vérité est un peu différente…
Juste après le début de la guerre, dès le 17 juillet 1936, les organisations « prolétariennes » (communistes et anarchistes) prennent le pouvoir dans les villes et dans les campagnes. En Catalogne et en Aragon, malgré les consignes de la Confédération Nationale du Travail (CNT), l’économie est collectivisée par les militants de base. En Andalousie, des groupes anarchistes décrètent l’abolition de la propriété et de la monnaie. Des milices socialistes, anarchistes, communistes, apparaissent dans tout le pays. Parmi les violences commises durant la guerre d’Espagne, les attaques contre le clergé espagnol ont causé un émoi particulier dans ce pays fortement christianisé.
Pour l’historien Guy Hermet (2), le massacre des prêtres espagnols représente « la plus grande hécatombe anticléricale avec celles de la France révolutionnaire puis du Mexique en 1911 ». Des groupes anarchistes s’en prennent à des prêtres et à des églises dès les premiers mois de la guerre civile. La propagande nationaliste avance le chiffre de 20 000 prêtres massacrés. L’historien britannique Antony Beevor (3) cite le chiffre de 13 évêques, 41 814 prêtres, 2 365 membres d’ordres divers et 283 religieuses, pour la plupart tués au cours de l’été 1936. Des exactions sont commises en Aragon, en Catalogne et à Valence, où des églises sont incendiées et vandalisées. Des prêtres sont brûlés vifs dans leurs églises, et l’on signale des dizaines de cas de castration et d’éviscération. Les violences contre le clergé ont lieu à peu près partout sauf au pays basque espagnol (pour la simple raison qu’une partie du clergé basque est du côté des Républicains). Rapporté aux effectifs du clergé espagnol, le nombre de victimes représente 13 % des prêtres diocésains, 23 % des religieux et 3 à 4 % des religieuses. Ces pourcentages, qui comptabilisent tout le territoire espagnol, sont largement dépassés s’agissant de la seule zone « loyaliste ».
Les assassinats de prêtres concernent 87,8 % de ceux du diocèse de Barbastro et 63,5 % de ceux du diocèse de Lérida. D’autres diocèses perdent 30 à 50 % de leurs prêtres, parfois plus.
Pendant plusieurs mois, en dehors du pays basque, le seul fait d’être reconnu comme prêtre peut être un motif d’assassinat. Dans la région de Barcelone, où les Anarchistes sont rapidement maîtres de la rue, le massacre commence dès le 19 juillet : des groupes de prêtres, parfois capturés dans leurs cachettes, sont fusillés jusqu’en mars 1937. Et des « incidents mortels » se produisent jusqu’en avril et mai. Les incendies de bâtiments religieux se multiplient dans la région, et seule la cathédrale de Barcelone échappe au feu et aux déprédations. La « Sagrada Família » en cours de construction est endommagée par des vandales ; les maquettes et plans de l’atelier de l’architecte Antonio Gaudi sont détruits par les Républicains. Dix mille volumes précieux de la bibliothèque des capucins de Sarria sont volés ou incendiés. 977 « martyrs de la guerre d’Espagne » ont été officiellement reconnus par le Vatican, et concernés par des procédures de béatification.
Mais la « terreur rouge » n’a pas concerné que des prêtres. Dans plusieurs grandes villes, où Socialistes et Communistes dominent, les partis et les syndicats de gauche réquisitionnent des bâtiments et créent des « commissions d’enquêtes », connues sous le nom de « checas » (en référence à la tchéka soviétique) : des Franquistes, des partisans de l’insurrection nationaliste, sont traînés devant des « tribunaux populaires », quand ils ne sont pas abattus sommairement.
« Mieux vaut condamner cent innocents que d’absoudre un seul coupable »,
déclarait Dolorès Ibarruri, la « pasionaria » communiste espagnole. Des Monarchistes, des personnalités de droite, des officiers demeurés en zone républicaine après l’échec du coup d’état, sont tués sans jugement ou après des simulacres de procès : 1 500 officiers sont abattus sans jugement sur les arrières du front.
Dans le climat de suspicion générale, des criminels trouvent commode d’agir sous étiquette politique : certaines checas deviennent des gangs dirigés par des voyous. Madrid connaît une vague de meurtres politiques ou supposés tels. Dans la nuit du 22 au 23 août, une foule de miliciens prend d’assaut la prison Moledo : une quarantaine de prisonniers politiques, des notables de droite et d’anciens ministres, sont massacrés. Manuel Azaña, horrifié par les évènements de Madrid, est à deux doigts de démissionner de ses fonctions de président de la République.
Début novembre, à l’approche de la conquête de Madrid par les Franquistes, et tandis que le Communiste Santiago Carrillo est conseiller à la sécurité intérieure de la junte de défense madrilène, entre 2 500 et 2 750 détenus politiques sont fusillés lors du massacre de Paracuellos, qui représente l’apogée des sacas envers les prisonniers politiques. Cet épisode sordide mérite qu’on s’y attarde : le 7 novembre 1936, la guerre est aux portes de Madrid. La capitale est remplie de journalistes et d’écrivains, anglais, américains, français : le Komintern a compris tout l’intérêt qu’il pouvait tirer de la mise en scène de la chute de Madrid. Santiago Carrillo, conseiller à la sécurité intérieure, va planifier l’impensable : la liquidation en masse, sur une durée de deux mois, de tous les pseudos « suspects » emprisonnés à Madrid. Plusieurs dizaines de milliers d’Espagnols vont être arrachés à leurs cellules et dépouillés de leurs objets personnels : des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards, des prêtres, des intellectuels… Tous des civils arrêtés quelques semaines plus tôt par les terribles tchékistes républicains. Les prisons de Modelo, de Ventas, de Porlier, de San Anton, vont ainsi être vidées selon la même procédure officielle, sur l’ordre d’un gouvernement soutenu par Léon Blum.
« On va lier les poignets des prisonniers avec du fil de fer. Les détenus, hommes, femmes et enfants, vont ensuite être embarqués dans les célèbres bus à impériale de Madrid…environ 70 civils par véhicule. Chaque bus sera escorté par une vingtaine de miliciens républicains. Destination : le village de Paracuellos. D’importantes fosses ont été préalablement creusées…Par groupe de 30, les détenus sont poussés au bord des fosses puis mitraillés par des volontaires…Au fond de la fosse, un milicien républicain les achève d’un coup de révolver dans la nuque. Lorsqu’une fosse est pleine (environ 1500 corps), elle est recouverte de chaux…On parle de 11 000 corps de civils dans ces charniers de Paracuellos… » (4).
D’autres villages vont connaître le même destin que Paracuellos : Bobadilla, Alarcon…etc… Après cet épisode tragique, les violences politiques tendent à diminuer. Elles s’apparentent à une répression de type stalinien, avec tortures et assassinats. Les victimes n’en sont plus uniquement des hommes de droite.
L’épuration vise aussi les factions minoritaires de l’extrême-gauche espagnole.
Parallèlement, une « guerre civile dans la guerre civile » se développe dès 1937, avec les conflits entre Républicains. Des affrontements, meurtriers, entre Communistes et Anarchistes en Catalogne s’achèvent, en mai 1937, par la victoire des Communistes. Ils se livrent à des purges contre la CNT et le POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste). Le chef du POUM, Andreu Nin, est jeté en prison avant d’être assassiné par une équipe des « Brigades Internationales », commandée par un agent soviétique. En mars 1939, a lieu une deuxième guerre civile interne au camp républicain, durant des combats opposants, à Madrid, des Communistes et des Anarchistes.
Les exactions commises durant la « terreur rouge » ont touché tout le territoire républicain, mais leur répartition fut inégale. Certaines régions d’Andalousie ont connu de véritables carnages. A Malaga, un important bombardement de l’aviation nationaliste sur un marché de la ville entraîne une vague de répression en juillet : des suspects sont traînés hors des prisons pour être massacrés. La plus grande partie de la Catalogne est affectée par la terreur : dans les derniers jours de juillet, le passage des colonnes anarchistes est accompagné d’exécutions dans plusieurs villages.
Des listes noires de notables, de prêtres et de Franquistes sont dressées et des « brigades spéciales » s’emploient à les retrouver. Ils sont aussitôt passés par les armes. A Figueras, patrie de Salvador Dali, les Anarchistes font exécuter les détenus de la prison et incendient le couvent des religieuses françaises. 250 prisonniers transférés, par train, depuis la prison de Jaén – dont le doyen de la cathédrale – sont assassinées durant le trajet par des miliciens.
Ces crimes odieux heurtent une partie de l’opinion, espagnole comme étrangère. En France, le gouvernement de Léon Blum réfrène ses sympathies pour les Républicains espagnols et s’aligne sur la politique non-interventionniste du Royaume-Uni.
Ce n’est qu’à partir du bombardement de Guernica en avril 1937, et du battage médiatique fait autour, que l’opinion internationale bascule en faveur de la République espagnole.
Guernica, qui a donné lieu à un tableau célèbre de Picasso dès 1937, Guernica qui a donné son nom à une promotion de notre Ecole Nationale d’Administration, a été un traumatisme pour l’opinion mais également un bel exercice de manipulation et de désinformation, pas même destiné à faire oublier les tueries de Paracuellos puisque personne n’en parlait !
Décidément, les gens de gauche ont toujours eu une indignation à géométrie variable.
Eric de Verdelhan.
18/11/2024
1) « Dans la peau d’un réac », d’Eric Brunet ; Nil ; 2010.
2) « La Guerre d’Espagne », de Guy Hermet ; Seuil ;
3) « La Guerre d’Espagne », d’Antony Beevor ; Paris, Calmann-Lévy, 2006. Et « Antony Beevor, La Guerre d’Espagne », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 22 juin 2009.
4) « Dans la tête d’un réac » déjà cité.
FAIRE UN DON ?
Minurne fonctionne depuis sa création en 2011 sans recettes publicitaires.
Si nos articles vous plaisent, vous pouvez nous aider en faisant un don de 5 €,10 € ou 20 € (ou plus, bien sûr) via Paypal.
Cliquez ci-dessous (paiement totalement sécurisé).
1 Trackback / Pingback