ENTRETIEN – Le président de l’UDR assure qu’il n’aura « aucune réticence » à voter une nouvelle fois la censure si le gouvernement de François Bayrou n’engage pas des réformes «courageuses» sur le régalien et l’économie.
Par Emmanuel Galiero
Éric Ciotti : « Collectivités locales, réforme de l’État, bureaucratie… nous préparons une grande loi tronçonneuse !»»
LE FIGARO – Vous êtes reçu par François Bayrou à Matignon mercredi. Êtes-vous plus ouvert à son égard que vous ne l’étiez à Michel Barnier ?
ÉRIC CIOTTI – Je connais et respecte les deux hommes, mais je reste sceptique face à des alliages improbables dignes de la IVe République, mêlant socialistes, certains élus LR et macronistes. Cela n’inspire ni stabilité, ni clarté, ni confiance. Je jugerai toutefois sur les actes. Nous sortons d’un budget qui atteignait 40 milliards d’euros d’impôts et qui ne procédait à aucune réelle économie structurelle ! La protection des Français, des entreprises et des ménages face à l’assommoir fiscal sera notre ligne de conduite. Au gouvernement de ne pas s’en éloigner.
Vous engagez-vous à ne pas censurer le nouveau gouvernement ?
La censure est un dispositif voulu par le général de Gaulle pour protéger la République et les Français. Nous n’aurons aucune réticence à l’utiliser à nouveau si cela s’avère nécessaire. Pour nous, la censure n’est ni automatique ni interdite.
Contrairement à la gauche, nous sommes responsables. Pas de censure a priori, mais nous ne nous interdisons rien. Et c’est au gouvernement de montrer qu’il est prêt à faire de réels efforts : baisser l’immigration, refuser l’augmentation des impôts et engager la baisse des dépenses publiques.
Après l’abaissement de la note de la France par Moody’s, regrettez-vous d’avoir fait chuter le gouvernement Barnier ?
Ceux qui ont plongé la France dans cet abîme budgétaire et financier, ceux qui ont conduit la France dans cette quasi-faillite budgétaire jonchée de déficits et de dettes ne manquent pas de culot. Tout serait de la faute de la censure pour les exonérer de leurs fautes. La réalité est tout autre. D’ailleurs beaucoup de chefs d’entreprise se sont réjouis de cette censure qui rejetait un budget profondément contraire aux intérêts des entreprises. En octobre dernier, Fitch abaissait déjà la note française, sanctionnant un budget socialiste couronnant sept ans de faillite économique de Bruno Le Maire. Notre censure était libérale, c’était un bouclier fiscal visant à protéger les entreprises et les Français contre cette saignée inédite depuis 2012. Ce qui a véritablement creusé l’écart des taux d’intérêt avec l’Allemagne, c’est la dissolution de l’Assemblée : le jour de la dissolution, cet écart a bondi de 80 points de base, tandis qu’il s’est réduit le jour de la censure. Les marchés ont sanctionné l’irresponsabilité des macronistes et espèrent des réformes courageuses. Le gouvernement précédent n’a pas eu ce courage. Je doute, compte tenu du contexte, que François Bayrou incarne un véritable changement en la matière.
Votre vote contre le budget peut-il entamer la crédibilité de l’UDR et du RN ?
La perte de crédibilité, c’est d’alourdir encore plus les prélèvements obligatoires alors qu’ils sont déjà les plus élevés au monde. Comment un gouvernement prétendument de droite a-t-il pu oser refuser de supprimer l’AME tout en demandant un déremboursement des médicaments ?
Comment évolue votre relation avec Marine Le Pen et Jordan Bardella ?
C’est une alliance solide, dans la confiance et l’indépendance. Nous connaissons nos quelques points de divergences : j’ai voté contre l’abandon de la réforme des retraites et j’ai été le président du seul groupe portant la retraite par capitalisation à l’Assemblée nationale. Nous connaissons surtout nos très nombreux sujets de convergences sur la protection des Français face à l’immigration de masse et la baisse des impôts pour les Français. Nous avons bâti une relation de confiance, basée sur l’écoute et le respect de la parole donnée. Nous avons brisé le piège mitterrandien du ridicule cordon sanitaire pour enfin gouverner la France à droite !
C’est historique.
Après les premières auditions de la commission d’enquête sur les finances publiques, quelles sont vos observations ?
Nous attendons toujours des réponses claires sur cette dérive historique. Mais difficile de compter sur les auteurs de ce désastre pour nous éclairer : l’audition de Bruno Le Maire a été une véritable supercherie, confondante de mauvaise foi. « Certains osent tout, c’est à cela qu’on les reconnaît », disait Audiard. Celui qui a accumulé le bilan le plus lourd de notre histoire, avec 1 000 milliards d’euros de dette supplémentaire, 563 milliards de déficit commerciaux, 500 milliards de déficit public, s’est posé en professeur dictant des leçons ! On croit rêver !
Comment François Bayrou pourrait-il réussir ?
En écoutant les 11 millions d’électeurs représentés par l’UDR et le RN, et en adoptant des réformes ambitieuses sur l’économie et le régalien. Nous avons proposé ces dernières semaines des réformes profondes : délai de carence de cinq ans pour les allocations aux étrangers, suppression de l’Aide médicale d’État, rétablissement de la double peine pour les criminels étrangers, peines planchers…. Nous n’avons pas été entendus. Autant de mesures que nous avions portées ensemble avec Bruno Retailleau et mes anciens amis de LR, aujourd’hui ligotés au gouvernement et n’osant plus défendre ce qu’ils proposaient quelques mois plus tôt. Nous aurons un vrai test sur l’immigration. Nous verrons s’il y a un texte. Le ministre de l’Intérieur est un homme de convictions et je ne doute pas qu’il n’acceptera pas le chantage politique qui se dessine, celui de l’abandon d’une loi immigration en échange d’une neutralisation du Parti socialiste. L’immigration de masse et ses périls méritent bien plus de fermeté que des accords d’arrière-cuisine avec le NFP. Nous verrons bien si Beauveau vaut bien une messe ». À Bruno Retailleau de montrer qu’il ne se contente pas de paroles fortes et d’actes faibles, comme c’est hélas le cas depuis 2017.
Que symbolise l’inauguration du siège de l’UDR cette semaine ?
L’UDR se veut le parti des idées : enfin, la droite peut être elle-même, libérée du diktat moral de la gauche du petit Paris mondain ! Nous voulons proposer de nouvelles idées, oser des programmes disruptifs, briser les tabous. La droite peut enfin oser sur le régalien, sur la fiscalité, sur l’économie, sans se soucier des postures d’appareil.
Nous travaillons étroitement avec des économistes et des chefs d’entreprise pour préparer une baisse massive des dépenses publiques et une forte réduction du périmètre d’action de l’État. Par exemple pour la rentrée de janvier, nous préparons une grande « loi tronçonneuse », reposant sur trois piliers : une réforme des collectivités locales, pour réduire à uniquement deux échelons le millefeuille territorial – la commune et la province – en supprimant les régions et les métropoles ; une réforme de l’État, avec la suppression massive de structures coûteuses comme le Cese, le Haut-Commissariat au Plan, l’ARCOM ou les ARS et les centaines d’agences qui ne servent à rien. Nous voulons aussi une grande loi de simplification administrative pour supprimer les plans, les schémas et les normes, comme le SRU ou les DPE, qui empêchent de bâtir, de créer et d’innover. Nous voulons dégonfler la baudruche bureaucratique qui étouffe les Français et notre économie ! L’UDR est le seul parti politique français à assumer son inspiration dans les grandes réformes libérales prônées hier en France par Édouard Balladur ou François Fillon, et défendue aujourd’hui par Javier Milei, Elon Musk ou Donald Trump.
La droite LR compte plus d’élus et reste mieux implantée territorialement que l’UDR ?
En démocratie, il n’y a qu’une vérité : l’élection. Avec près de 15.000 adhérents et des centaines d’élus locaux, l’UDR va remplacer mécaniquement LR chez les militants et les cadres. Ce sera le cas dans les urnes. En juin dernier, nos 67 candidats ont rassemblé plus d’un million de voix, autant que les 400 candidats LR réunis ! Les Républicains sont devenus une simple chapelle du macronisme et le jugement des Français sera sévère pour ceux qui ont abandonné leurs idées, leurs convictions et leurs propositions, pour des ministères. Nos concitoyens assistent médusés au syndrome de Stockholm des caciques Républicains, pris en otage dans un gouvernement où ils sont impuissants. Ce que j’avais prédit se déroule : les LR sont engloutis dans la macronie. Leur sort est scellé.
Éric Ciotti et Emmanuel Galiero
16/12/2024
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