Enfin le président de la République revient à la raison ! Mercredi 21 octobre, recevant son homologue Ibrahim Boubacar Keïta, ci-devant président du Mali en visite d’État venu lui demander le maintien de la présence militaire française sans laquelle le régime s’effondrerait instantanément (et, accessoirement, un-peu-beaucoup d’argent), François Hollande a déclaré : « Nous respectons les choix, toujours, des autorités légitimes. En Syrie, le président El-Assad peut consulter son peuple, cela fait partie de son droit et le peuple doit répondre.«
Oh ! Pardon ! J’ai du mal lire la citation de Courrier international, il n’a pas parlé d’Assad, mais du président Sassou-N’Guesso du Congo !
Il l’encourage a organiser un référendum sur la Constitution congolaise afin qu’après trente années de dictature sanglante Denis Sassou-N’Guesso puisse rester trente ans de plus au pouvoir. Alors que Brazaville et Pointe-Noire, où les opposants qui veulent, comme l’ASL, renverser leur président légitimement élu sont sous les tirs de l’armée congolaise,
Sassou « fait tirer sur son peuple », comme dirait Fabius, et Hollande l’encourage au nom des droits des autorités légitimes dont la France « respecte toujours les choix ».
On croit rêver !
On sait que la diplomatie est une politique à géométrie variable.
On sait que les principes qui guident l’action des Etats n’ont pas grand-chose à voir avec la morale et beaucoup avec les intérêts économiques.
On sait que l’intérêt porté par un État aux autres États est exactement proportionnel à leurs richesses en pétrole, en gaz, en métaux ou en ressources agricoles.
On sait que ce que la diplomatie française condamne dans un pays, elle peut l’encourager dans l’autre.
Mais, écrit L’observateur Paalga de Ouagadougou, « il y a des revirements qui donnent le tournis et vous donnent l’envie de vomir tripes et boyaux. Est de ceux-là le spectaculaire virage dont vient de nous gratifier le chef de l’Etat français, François Hollande, pour ne pas dire la France tout entière, au sujet du référendum constitutionnel au Congo« .
« Lé grrrrand chef n’blanc » a raison, poursuit l’Observateur Paalga, un dirigeant politique doit en bonne démocratie demander l’avis ou l’arbitrage du peuple souverain quand une question qui engage l’avenir de ce peuple est posée. La Constitution du Congo pose deux limites aux ambitions dictatoriales d’un candidat à l’élection présidentielle : elle limite le nombre des mandats et elle fixe une limite d’âge. Le vieux crocodile de marigot Sassou est là depuis bientôt quarante ans, il est président depuis 1979, il aura 72 ans le 23 novembre prochain et malgré plusieurs liftings et beaucoup de bois-bandé, tout le monde au Congo sait qu’il commence à perdre ses boulons, comme disait Michel Audiard. Demandez à Antoinette, son épouse, ou aux nombreuses mères de ses nombreux enfants, car un homme important comme lui se doit, en Afrique, de semer des graines partout, c’est la coutume.
Ce militaire est chouchouté par l’Internationale socialiste, comme avant lui tant d’autres dictateurs sanguinaires. N’a-t-il pas fondé le Parti Congolais du Travail, un parti marxiste-léniniste comme il se doit ?
Elu président en avril 1979 au prix limité de quelques décès suspects de concurrents potentiels, il est réélu en 1984 et 1989. Il a été un président plutôt efficace et aimé du peuple, tout le contraire de Hollande. Aidé par l’envolée des prix du pétrole et l’ouverture de nouveaux gisements, il a modernisé le pays et a pu augmenter les salaires, tout en ajustant la durée du travail qu’il a rallongée de 5 ans pour tenir compte de l’allongement de la durée de vie des Congolais par une amélioration de la situation sanitaire.
Mais ça, « c’était avant ».
En 1992, les dispositions concernant la présidence sont modifiées dans la Constitution du Congo, la durée du mandat reste fixée à 5 ans, mais avec un seul renouvellement. Habilement, Sassou qui a déjà eu trois mandats passe la main (c’est une tactique similaire à celle de Poutine) et s’installe au Vésinet, banlieue ultra-chic de l’Ouest parisien.
Il revient au Congo en 1997 avec une garde personnelle, les « cobras » et des capacités de feu considérables grâce à des armes modernes et en abondance, qui lui permettent de tenir tête aux assauts de l’armée régulière contre sa résidence ! Le peuple le plébiscite toujours, ses cinq années d’absence ayant fait tomber dans l’oubli les épisodes de violence ayant précédé son départ en France.
Une véritable guerre civile est déclenchée entre l’armée assistée de milices zouloues et les « cobras » de Sassou qui a recruté et armé des anciens militaires en renfort. L’armée française n’aide pas le gouvernement régulier et se contente d’exfiltrer les résidents français. Qui a poussé l’Angola, le Mali et le Rwanda à envoyer des contingents pour aider Sassou ? On ne le sait pas, mais l’armée légale se voyant débordée le rallie le 15 octobre 1997.
Et le 25 octobre, le nettoyage ayant été fait, il se proclame président de la République.
En 2002 il modifie la Constitution, établit le mandat présidentiel à 7 ans renouvelable une fois et fixe la limite d’âge à 70 ans. C’est donc sa propre constitution qu’il veut modifier aujourd’hui pour continuer à régner. Seulement, les conditions ont changé. Il a rallongé à nouveau de 5 ans la durée légale du travail, mais pas pour compenser un nouvel allongement de la durée de vie. C’est au contraire pour essayer de remédier à une misère grandissante qui fait que malgré les aides internationales, le revenu journalier de la moitié des Congolais est tombé à 1 $ !
Par contre, l’élite socialiste au pouvoir s’est considérablement enrichie, un processus classique en régime socialiste.
Omar Bongo, autre président socialiste milliardaire, gendre de Sassou-N’Guesso. Né en 1935 et mort en 2009, le gendre avait huit ans de plus que son beau-père et trente ans de plus que sa seconde femme Edith Sassou.
Déjà, en 1991, Sassou-N’Guesso avait été très ennuyé par l’arrestation de son frère Maurice N’Guesso et de son ministre des Finances, Justin Lekoundzou Itihi Ossetoumba pour de gros détournements d’argent public. Socialistes, mais amateurs !
The Times affirme qu’en début 2006 Sassou passe 5 jours à New York (pour y rencontrer Georges W. Bush) et dépense 112 000 $, dont 18 700 pour une suite au Waldorf Astoria. Il y revient en septembre avec son équipe pour assister à une Assemblée générale de l’ONU, y loue 44 chambres et dépense 203 170 $.
Il paie toujours en argent liquide.
En juin 2007, le Parquet de Paris saisi d’une plainte pour détournement de fonds publics (un classique des mafias socialistes) découvre qu’il possède en région parisienne 18 appartements et hôtels particuliers, et l’Office Central de Répression de la Grande Délinquance Financière qu’il a ouvert dans diverses banques françaises et étrangères 112 comptes au nom de membres de sa famille, tous copieusement approvisionnés.
En 2009, c’est Monaco qui enquête sur l’immense fortune que sa fille Edith, mariée à Omar Bongo (président du Gabon), détient dans divers établissements financiers de Monaco, toujours provenant de détournement de fonds publics et très probablement de l’aide financière française et internationale.
Sassou-N’Guesso est quand même réélu président dès le premier tour par une élection dont le déroulement laisse sceptiques les observateurs.
Wikipédia décrit en une phrase qui vaut son pesant de pétrole congolais la manière dont Denis Sassou-Nguesso gère son pays par un moyen qui nous paraît ahurissant, mais est finalement plutôt courant dans bien des pays africains et socialistes: « la situation s’est dégradée (à partir de 1992) par des dettes lourdes engagées par les autorités sur les ressources pétrolières, dans le but de financer les guerres tribales.«
Actuellement, le Congo est toujours l’un des pays les plus endettés d’Afrique, l’un des plus pauvres et toujours épuisé par des guerres tribales, malgré des richesses pétrolières conséquentes : 4ème producteur de pétrole en Afrique, qui procure 90 % des recettes de l’Etat.
Denis Sassou-N’Guesso veut maintenant modifier la Constitution pour se permettre de briguer un nouveau mandat. Le Congolais moyen gagne en Francs CFA l’équivalent de 30 € par mois, mais Sassou a augmenté ses ministres à plus de 6 000 € et les députés à 3 000 € pour qu’en échange qu’ils l’aident à convaincre les citoyens sans faillir.
Et il a sollicité l’appui politique de François Hollande. Vous pensez bien que celui-ci n’a pas refusé son appui à un si « cher » ami qui est un si bon socialiste !
« Nous respectons les choix, toujours, des autorités légitimes. Au Congo, le président Sassou-N’Guesso peut consulter son peuple, cela fait partie de son droit et le peuple doit répondre. » (François Hollande, 21 octobre 1015).
Beau retournement de veste pour un Hollande qui avait déclaré il y a un an, le 21 novembre 2014, en remettant le prix de la Fondation Chirac (un copain à lui) à la militante tunisienne des droits de l’Homme Yamina Yahyaoui : « L’Afrique a besoin qu’on promeuve partout les valeurs démocratiques. Et encore ces derniers jours, la population du Burkina Faso a fait une belle démonstration qui doit, à mon avis, faire réfléchir ceux qui voudraient se maintenir au-delà du temps nécessaire à la tête de leur pays en violant l’ordre constitutionnel. Parce que ce qu’a fait le peuple du Burkina Faso, c’est tout simplement de faire respecter le droit et permettre que l’on empêche de réviser une Constitution, une loi fondamentale, pour convenances personnelles.«
Une seule condition, que Sassou-Nguesso vienne à COP21 et vote pour les propositions de cent milliards d’euros de « taxes écologiques » internationales qui vont y être proposées (et sont déjà annoncées) pour sucer un peu plus le sang des citoyens des pays qui travaillent, afin d’enrichir un peu plus les escrocs qui dirigent les pays pauvres.
N’en doutons pas, il viendra.
L’Imprécateur