SIC TRANSIT GLORIA MUNDI (Jean Pigeot)

Sic transit gloria mundi… (Ainsi passe la gloire du monde.)

Chez les latins, même s’il s’agit de rejoindre la maison du Père, le passage n’est jamais heureux ; le rituel qui l’accompagne a quelque chose de morbide. Si grand qu’il fût, un souverain pontife n’est plus qu’une dépouille couleur de pierre, exposée à la curiosité populaire, dans la vêture devenue dérisoire du temps de la gloire et de la puissance. A-t-on vécu une douzaine d’années sous le pontificat de Pie XII, la répétition de ce constat finit par imposer un relativisme face à l’événement, et une réserve dans le jugement. On ne peut en exiger autant de ceux qui ont surtout connu le long règne de Jean-Paul II.
Pourtant, que de changements intervenus depuis le pape Pacelli, entré en fonction à la veille de la Seconde Guerre mondiale, encore coiffé de la tiare à trois étages et présenté à la vénération des fidèles du haut de sa sedia gestatoria portée à dos d’hommes ! Un changement de millénaire. Une folle bascule d’une ère sur une autre, une rupture de civilisation qui a bousculé l’Eglise dans un maelstrom sans précédent.
A Rome, le chaos est survenu de qui on l’attendait le moins : du bon, paisible et matois patriarche de Venise, élu à la surprise générale en 1958, sous le nom de Jean XXIII. Il ne devait être qu’un pape de transition. C’est pourtant lui qui, en quatre ans de pontificat, alluma la mèche, celle du Concile Vatican 2.
Son successeur, en 1962, le cardinal Montini, était archevêque de Milan. Pour la première fois, j’entendis chuchoter qu’avec Paul VI, nous avions un « pape rouge ». On connaît la suite. Même au cours de ses vingt-sept ans de combat en faveur de la tradition et de lutte contre le ferment marxiste qui gangrenait la vie de l’Église, le lumineux, charismatique, providentiel pape Jean-Paul II ne parvint pas à cicatriser toutes les plaies ouvertes par cette réforme destructrice.
Et voici le pape François. François combien ? François tout court, comme s’il ne devait pas y en avoir d’autre. Souverain pontife ? Souverain sûrement, mais pontife non. Le successeur de Pierre se présente comme l’évêque de Rome. Il abandonne les appartements pontificaux, vieux de cinq siècles, pour s’installer dans l’auberge du Vatican, croisant le tout un chacun dans les couloirs et mangeant à la cantine au milieu du petit personnel. Ecce omo.
Y a-t-il plus pur héritier du Concile que ce prélat venu des terres de la « théologie de la libération », tumescence révolutionnaire poussée en Amérique latine et combattue avec vigueur par Jean-Paul II ? C’est pourtant bien un Sacré Collège presque entièrement composé par le pape polonais qui a élu François… Il arrive à l’Esprit saint de bégayer, comme lorsqu’il a inspiré l’élection d’Albino Luciani, Jean-Paul Ier pendant cinq semaines, en 1978, avant de se raviser… Mais sur ce coup-là, il a étourdi tout le monde.

Comment, dans ces conditions, se risquer à des jugements abrupts et des prédictions réalistes ?

Je considère encore qu’il est trop tôt pour établir un bilan de l’action pastorale et des nombreuses prises de position politiques de ce pape déroutant. Peut-être a-t-il trop favorisé les tenants de l’islam conquérant, plus qu’il ne semble s’être soucié du triste sort des chrétiens persécutés. Or on est loin de tout savoir sur son action dans ces domaines. Les vaticanistes assurent qu’une intense activité diplomatique a dû se développer en sous-main. Pourquoi pas ?
Mais dès maintenant, on sait que les fidèles de la messe tridentine (du nom du Concile de Trente qui en établit la liturgie en 1565) souffrent de voir pratiquement interdite la pratique de leur culte. Les prédécesseurs de François se montraient bien moins abrupts. Le rite conciliaire a pourtant vidé les églises et les séminaires de façon dramatique. Au moment où on commence à observer un regain des vocations et des baptêmes, phénomène encore inexpliqué, le successeur de François devra revenir à plus de souplesse.
Second grief : le déplacement du centre de gravité ecclésial, du vieil Occident chrétien vers le tiers-monde. C’était sûrement nécessaire, mais, à ce point, c’est caricatural. Comment les Français, pour ne parler que de nous, prennent-ils le fait que le pape François ne se soit jamais rendu chez eux ès qualités et n’ait même pas caché qu’il s’agissait d’un parti pris ?
Qu’on nous épargne les fariboles sur les archevêchés de Marseille et d’Ajaccio, dont les titulaires ont été fait cardinaux et qui ont reçu, eux, la visite du pape. Les deux archevêques étaient des clones idéologiques de François, et rien de plus. J’ai plusieurs fois souligné que l’archevêque de Paris et celui de Lyon, primat des Gaules, n’étaient toujours pas cardinaux et ne le seraient pas, contrairement à un usage séculaire. En quoi ont-ils démérité ? L’archevêque d’Alger, lui, a reçu la pourpre à l’automne dernier, et ce n’est sûrement pas par égard pour ses trois douzaines de pratiquants.
Jean Pigeot
22/04/2025

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