Paru dans Le Vaillant Petit Économiste
Ce matin-là, on a enlevé le drapeau à la mairie. On l’a remplacé par celui de l’Union Européenne.
Il y a peu de monde sur le parvis. Vous alliez entonner la Marseillaise mais c’est l’Hymne à la Joie qui retentit.
Nous sommes un « 9 Mai ». C’est la fête de l’Europe.
Des militaires patrouillent mitraillette au bras pendant que d’autres filtrent l’entrée de la « zone de manifestation sécurisée ».
Vous vous retournez. Un drone, pas plus gros qu’un colibri est en train de vous dévisager.
Vous recevez une notification sur votre téléphone. C’est la compagnie d’assurance : pour votre sécurité, il ne faut pas rester trop longtemps au même endroit (au bout de 3 rappels, une amende est prélevée automatiquement sur votre compte).
Nouvelle notification sur votre téléphone, 3 attentats ont été déjoués cette semaine.
En rentrant chez vous, vous vous arrêtez au distributeur géant qui a remplacé la supérette. Sur l’écran vous choisissez un plat préparé de bœuf bourguignon. ACHAT REFUSÉ. Vous avez déjà consommé votre « quota-santé » de viande. Nouvelle notification de votre assureur sur votre téléphone : « une bonne alimentation contribue à une bonne santé ». Vous tremblez pour votre bonus.
Vous vous rabattez sur le gratin végétarien que vous propose l’écran avec insistance. ACHAT REFUSÉ. Vous n’avez plus assez de crédit disponible.
Vous venez pourtant de recevoir votre allocation retraite universelle. Vous appelez la banque en vain. La seule chose que vous obtiendrez de la machine est un petit sachet de carottes à la belle couleur orange et au goût de javel.
Vous tournez dans votre poche une vieille pièce de monnaie que vous gardez comme une relique depuis que l’argent liquide a été interdit pour lutter contre le financement du terrorisme.
Vous ne vous risquerez pas au marché noir ce soir. Depuis que le gouvernement a mandaté des sociétés privées pour lutter contre les transactions illicites, le nombre de drones de surveillance a explosé.
Nous sommes en 2025. Et vous vous demandez bien comment on a pu en arriver là.
On a supprimé les contrôles aux frontières… Mais était-ce pour mieux les réinstaller au cœur même de nos villes ?
Est-ce vraiment pour préserver la paix que l’on a instauré un climat de guerre perpétuelle ?
Est-ce au nom de la libre concurrence qu’on a créé des sociétés plus puissantes encore que les États pour vous dicter jusqu’à ce que vous devez mettre dans votre assiette ? Non pas pour votre santé, mais pour leurs profits ?
Serait-ce cette norme sanitaire européenne qui donne aux carottes ce goût de javel ? Ou le traité de libre-échange qui a eu la peau du camembert au lait cru.
Personne, pourtant, ne voulait de cette Europe-là.
- Les Grecs en 2015 avaient bien voté contre le plan de sauvetage de l’Europe. Ils l’ont eu quand même. Aujourd’hui déjà la retraite de base d’un Grec est en dessous du seuil de pauvreté.
- Les Français en 2005 avaient voté contre la constitution européenne : ils l’ont eu quand même. Aujourd’hui déjà 80% des lois votées par le parlement français ne sont que des ratifications de directives européennes.
- Les Italiens aussi avaient dit non en 2016 juste après que le Royaume-Uni ait voté sa sortie de l’Union-Européenne…
Tous les pays qui organisent un referendum sur la construction européenne disent NON. Non nous ne voulons pas de cette Europe-là.
Et encore n’a-t-on pas posé la question aux Espagnols, aux Portugais, aux Hollandais, aux Allemands…
Le président slovaque Robert Fico qui présidait jusqu’au 1er janvier le Conseil de l’Europe a beau supplier les États membres d’arrêter les referendums sur l’Europe, le débat s’invite maintenant dans les élections nationales : française, hollandaise, allemande et italienne.
Il faut que Pierre Moscovici, Commissaire Européen aux affaires économiques et ancien ministre de l’économie française monte au créneau pour agiter le chiffon rouge de sanctions de Bruxelles si ce n’est pas un candidat pro-Euro qui est élu. La voix de M. Moscovici a-t-elle plus de valeur que celle de 45 millions d’électeurs français ?
Malgré toute la propagande, la réalité est bien là : vos enfants vivent moins bien que vous au même âge.
Est-ce bien cela que nous voulons ?
À votre bonne fortune,
Olivier Perrin