« Atlantico, nous dit Wikipedia, est un site d’informations, plutôt classé à droite, politiquement indépendant et rigoureux ».
Un peu comme nous, donc ?…
Sauf qu’il accepte la publicité et qu’il est payant…
Oui c’est vrai…
Sauf que, m’y promenant par hasard, je tombe sur une énormité que ne désavoueraient pas Hollandescu et sa clique de menteurs.
Un traitement de l’information économique qui n’est de fait NI indépendant, NI rigoureux !
De quoi s’agit il ?
Des excellents chiffres du commerce extérieur allemand en 2014 : un excédent de 217 milliards d’euros, excusez du peu ! L’équivalent du PNB d’un pays comme le Portugal ou la Grèce ! Le record du monde en matière d’excédent commercial…
Mais, au lieu de saluer comme il se devrait cette performance allemande (et d’en tirer les conclusions qui s’imposent pour le « modèle français », lequel accumule avec constance les déficits depuis 2007), le « journaliste économique » d’Atlantico nous présente, sous un titre prometteur « le très vilain petit secret du commerce extérieur allemand » une explication pour le moins tordue et alambiquée…
A la question « pourquoi cet excédent record ? », il développe en effet une analyse qui laisse pantois : ce ne seraient NI la compétivité allemande, NI une bonne maîtrise technique des exportations, NI la connaissance des marchés extérieurs, NI le dynamisme commercial, qui seraient à l’origine de ce succès, non, rien de tout celà, tenez vous bien…
La raison profonde (le « vilain secret »), c’est que les salariés allemands seraient devenus si pauvres qu’ils ne consomment plus assez et sont donc OBLIGES d’exporter leurs excédents !
Les pauvres…
Je résume, je simplifie, mais c’est bien la thèse de Nicolas Goetzman, expert économique sur Atlantico… Encore un génie qui s’ignore…
Suit une litanie des malheurs de l’Allemagne. On lui a tellement serré la vis, à ce pauvre peuple, qu’il est à la limite de la misère. Gouverné d’une main de fer par un gouvernement de comptables, exploité sans relâche par des multinationales sans coeur, salaires bloqués, il travaille de plus en plus, gagne de moins en moins, fabrique donc des produits industriels à bas coût qu’il ne peut pourtant même plus acheter, tant s’est écroulé son pouvoir d’achat. Alors, les producteurs teutons vont chercher ailleurs les débouchés qu’ils ne trouvent plus sur le marché intérieur, faute de demande solvable.
CQFD.
Ca, mes chers amis, il fallait le trouver !
Mais je ne suis pas plus étonné que ça. Ce genre d’argumentation recouvre parfaitement la communication officielle concernant l’Allemagne, dont il est de bon ton de dénigrer systématiquement ses performances :
– L’Allemagne a moins de chômeurs que la France ?
– Elle crée des emplois alors que la France en détruit ?
C’est « parce que les lois sociales y sont moins favorables », « qu’un salaire minimum n’y a été que récemment instauré », « qu’il y a une majorité de petits jobs précaires », que « les femmes allemandes traditionnellement ne travaillent pas » (les germanistes les plus cultivés nous ressortant le fameux et éculé « Kinder, Kirche, Küche *), etc…
La vérité est que le peuple allemand est un peuple travailleur, qui possède un sens aigü des lois économiques, que le pays est bien géré, avec moins de fonctionnaires que la France, beaucoup moins de réglementation, un régime fiscal stable et incitatif, (contrairement au nôtre, changeant et confiscatoire), que la formation des jeunes allemands est tournée par l’alternance vers le travail et le monde de l’entreprise, etc…
La vérité est que, bien avant l’euro, le Deutsche Mark était une devise forte, qui réévaluait en même temps que la France dévaluait son Franc. Parce que les gains de productivité étaient partagés en Allemagne entre le capital et le travail, ce qui fut historiquement loin d’être le cas en France. Parce que l’Allemagne avait compris depuis longtemps qu’elle devait rester compétitive sur les marchés extérieurs, ce qui lui a permis de conserver un secteur industriel que la France a laissé dépérir suite aux revendications syndicales corporatistes, à des gouvernements faibles et dotés d’une vision à trop court terme. C’est pour celà que la France n’a plus de ports maritimes (merci les dockers et la CGT), plus d’imprimeries (merci la CGT et le syndicat du Livre), plus de textile, plus de métallurgie… Mais toujours, toujours, beaucoup de fonctionnaires, beaucoup trop…
Au lieu de mépriser les performances allemandes, cherchons plutôt à nous en inspirer pour la gestion de nos propres affaires. Notre gouvernement d’incapables se satisfait aujourd’hui de la petite amélioration de la conjoncture, liée à la chute du prix du pétrole brut, à la baisse de l’euro, à la reprise de quelques pays. Mais il n’est strictement pour rien dans cette petite embellie qu’on nous annonce pour 2015. Il ne fera que profiter de la conjoncture sans avoir – loin s’en faut – réalisé les réformes nécessaires à son redressement durable.
Comme l’écrivait Marc Fiorentino mardi dans son morning zapping (édito quotidien dont je vous conseille vivement la lecture au petit-déjeuner) « la France risque d’être le passager clandestin de la croissance européenne »…
« L’économie n’est pas une science exacte. Loin de là. On sait notamment que la psychologie joue un rôle fondamental et qu’elle est peu quantifiable et prévisible. Mais il y a quand même quelques certitudes : la baisse du pétrole de 50%, la chute de l’euro de 20% et les taux d’intérêt à zéro égalent 0.5% de croissance en plus. C’est le tarif minimum. Normal donc que les états et les instituts commencent tous à relever leurs prévisions de croissance. Ce qui est étonnant c’est qu’ils aient mis plus de deux mois à se décider de le faire. Même en France peu de gens se hasardent encore à prévoir une croissance supérieure à 1% .
Pourquoi cette hésitation? En France ce gouvernement n’a pas un bon track record en termes de prévisions. Rappelons qu’ Hollande a prédit une inversion de la courbe du chômage pour la fin de l’année 2013 et que cela lui colle à la peau depuis. Il ne veut pas se mouiller pour la croissance et attendra que l’INSEE se jette à l’eau. D’autant que, contrairement à l’Allemagne, notre commerce extérieur, facteur important de la croissance ne s’améliore pas vraiment et la France reste plombée par un des coûts du travail les plus élevés au monde ce qui explique un chômage qui freine la consommation.
Mais les choses vont s’améliorer. On se demande quelle aurait été notre croissance si nous n’avions pas eu la baisse du pétrole, de l’euro et des taux. Mais nous avons de la chance. Nous sommes sauvés, une fois de plus, par des facteurs totalement extérieurs et la croissance va s’améliorer malgré un environnement toujours aussi défavorable, malgré les effets d’annonce, pour les entreprises.
La zone euro vient de recevoir une injection massive de remontant.
Une fois de plus la France sera le passager clandestin de la croissance européenne. »
Marc Fiorentino (« morning zapping »)
Quand la République Fédérale Allemande (RFA – 62 millions d’habitants) a absorbé l’ex Allemagne de l’Est (RDA – 17 millions d’habitants), ruinée et dévastée par 44 ans de communisme, les « experts » français se moquaient alors de cette Allemagne qui se traînait derrière l’Europe de l’Ouest.
Mais la fourmi teutonne intégrait à marche forcée 17 millions de prussiens, décidait courageusement la parité entre les 2 monnaies allemandes et se préparait à devenir la puissance qu’elle est devenue. Tournée vers l’Est, et prenant des positions économiques stratégiques et durables dans les ex-pays du glacis soviétique, elle se préparait ainsi à la mondialisation qu’elle serait finalement la mieux apte à affronter.
Point de germanophilie naïve dans mes propos, mais sachons reconnaître la valeur des efforts de l’Allemagne, au lieu de les dénigrer sottement avec des arguments directement sortis d’un chapeau tyrolien !
Marc Le Stahler
* « Kinder, Kirche, Küche » = « les enfants, l’église, la cuisine », la trilogie bien connue de la femme allemande, qui n’interdit pas, notez le bien, aux mêmes détracteurs envieux de la réussite allemande, de pleurnicher (ou de se gausser, c’est selon) sur la baisse de natalité outre-Rhin. Quand on n’est pas dans l’information mais dans l’incantation, on n’est pas à une contradiction près..