Quelques heures à peine après la publication du dernier éditorial du général Antoine Martinez (titré l’Inévitable Rupture), nous apprenions la démission du Chef d’Etat Major des Armées, le général Pierre de Villiers.
Dans la crise sécuritaire majeure que nous vivons, tant en France que sur les théâtres d’Opérations Extérieures, le communiqué du général Martinez – à lire ci-dessous – met en relief une rupture historique entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire.
Marc Le Stahler
20 juillet 2017
(COMMUNIQUÉ)
Comme cela était prévisible, le général Pierre de Villiers a donc démissionné. Sa décision est celle d’un homme blessé qui a su crier jusqu’au bout la vérité à ceux qui ont en main la destinée de la France mais qui n’ont pas pris la mesure de la mission qui est la leur et qui trahissent les idéaux de la nation. Le geste de ce valeureux soldat estimé et respecté par tous mérite d’être salué. Sa décision, logique et cohérente témoigne de son sens des responsabilités, du devoir et de l’honneur.
Cependant, cet événement, jamais connu sous la Vème République, révèle une crise majeure qui couvait et qui s’est installée, probablement durablement, entre une partie de l’élite politique et l’institution militaire qui est, avant tout, au service de la nation. Et l’élément déclencheur revient au Chef de l’État lui-même qui, par son discours ravageur et humiliant, a offensé non seulement le général de Villiers mais l’ensemble du monde militaire. Il a, en effet, commis une faute grave qui est indubitablement une marque de faiblesse qu’il dévoile et qui sera lourde de conséquences. Car il jette ainsi le doute sur ses capacités et son aptitude à appréhender les vraies menaces qui pèsent non seulement sur la vie de nos soldats en opérations, faute de moyens suffisants et adaptés, mais sur la vie des citoyens français sur leur propre territoire du fait de son refus, comme son prédécesseur, de reconnaître l’ennemi.
C’est pourquoi, les trois chefs d’état-major des trois armées (Terre, Air et Marine) qui ont été solidaires jusqu’ici du général de Villiers auraient dû le suivre en démissionnant à leur tour pour créer un choc salutaire. Peut-être le feront-ils dans les tout prochains jours. Car il faut rappeler aux responsables politiques qu’ils ont – ils semblent l’avoir oublié – des devoirs à l’égard de la nation. Le pouvoir légal qu’il détiennent ne leur permet pas de faire n’importe quoi.
Cela dit, le président de la République a nommé un nouveau Chef d’état-major des armées, le général Lecointre. Dont acte. Mais cela ne clôt pas cette crise et le nouveau Chef d’état-major ne peut pas accepter n’importe quoi. Après le général de Villiers, il en va de sa crédibilité, de l’estime et de la confiance des militaires dont il prend à présent le commandement. Mais, comme l’autorité, la confiance et l’estime ne se décrètent pas. Sa tâche sera donc difficile et délicate.
Car le Chef de l’État ne semble toujours pas avoir bien compris les causes de cette crise en déclarant que le rôle du Chef d’état-major des armées n’est pas de défendre un budget. Chacun sait, et les militaires plus que tout autre, que c’est le ministre de la Défense – pardon, des Armées – qui en est chargé et il n’aura échappé à personne que depuis le début du quinquennat, le ministre des Armées est aux abonnés absents.
Il n’en reste pas moins qu’il revient au Chef d’état-major des armées de répondre honnêtement aux questions des parlementaires, représentants du peuple, membres des commissions concernées et de leur dire non pas « sa » vérité mais « la » vérité sur la situation de nos armées, surtout lorsque le pays est en guerre. Et il faut bien qu’en dernier ressort, les citoyens soient informés de la situation. C’est le devoir du Chef d’état-major des armées, que cela plaise ou pas, même au président de la République.
Général (2S) Antoine Martinez