LES MÉDIAS ET L’INFORMATION DIRIGÉE
(Jean Goychman)

La saturation de nos récepteurs sensoriels

Pour aveugler les radars allemands durant la seconde guerre mondiales; les bombardiers alliés larguaient des nuées de bandelettes d’aluminium, appelées « windows ». Les écrans des radars ne montraient plus qu’une sorte de « neige » et les échos des avions devenaient invisibles le temps de la chute de ces paillettes. Aujourd’hui, on aveugle nos esprits par un procédé, somme toute, assez similaire.

Le brouillage-radar de l’actualité

Lorsque se produit un évènement, seule la résonance que lui donneront les médias permettra de le classer comme important ou pas. Prenons un simple exemple dans l’actualité. Je mets en parallèle deux évènements qui se sont produits simultanément ou presque:

Le décès du chanteur Johnny Hallyday et le non-respect par l’Allemagne d’un accord signé en 2002 sur la mise en commun de forces militaires. Ces deux évènements se sont produits pratiquement le même jour. Je ne sais pas quel est celui qui vous semble le plus important plus vous, mais si on en juge par le temps que les médias – et particulièrement les chaînes TV d’informations en boucle – il n’y a pas photo.

Les obsèques de Johnny Hallyday, évènement marquant de la décennie

La nouvelle est tombée très tôt le jeudi 7 décembre (anniversaire de l’attaque de Pearl-Harbour et de l’entrée des États-Unis dans la deuxième guerre mondiale). Tous les médias se sont consacrés exclusivement à la mort du chanteur. Plus rien d’autre n’a existé pendant 24 ou 48 heures. Si vous vouliez avoir d’autres nouvelles par la télévision, il fallait regarder les chaînes étrangères. Le lendemain, quelques phrases et quelques images étaient diffusées sur la déclaration, pourtant de retentissement mondial, faite par Donald Trump au sujet du déménagement vers Jérusalem de l’ambassade américaine en Israël. Et ceci s’est poursuivi jusqu’au lundi 11 décembre, après que nous ayons eu droit in-extenso à la cérémonie des obsèques, puis de l’envol du cercueil depuis Le Bourget, l’arrivée à Saint-Martin suivie de celle à Saint-Barthélémy. Si on classait l’importance des évènements par temps d’émission, on le trouverait certainement dans le groupe de ceux qui ont marqué la décennie.

La trahison allemande passe pour un détail sans importance

En 2002, aux termes d’accords appelés « Accords de Schwerin », l’Allemagne avait signé avec la France un accord portant sur la PESD (Politique Européenne de Sécurité et de Défense) [1]. Ces accords se plaçaient dans la lignée du fameux Traité de l’Élysée de 1963 dit « de l’amitié franco-allemande ». Eh bien ! Nos « amis » allemands ont décidé de s’en affranchir en passant directement un marché de 400 millions d’euros avec OBH Systems, entreprise allemande construisant des satellites.

Ce marché porte sur l’achat de 2 satellites d’observation militaires à haut pouvoir de résolution.

Pourtant, d’après le journal La Tribune [2], « “Ce système a permis à chaque pays de se spécialiser et d’éviter de dupliquer les moyens, la France fournissant les images optiques, l’Allemagne et l’Italie les images radars” avait précisé en juillet 2015 l’ancien ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian ».

Les Allemands auraient-ils agi de la même manière avec de Gaulle ?

On peut sans trop s’avancer affirmer que NON. En avez-vous seulement entendu parler ? A part cet article de La Tribune, je n’ai, pour ma part, rien entendu la dessus dans les médias “mainstream”, c’est-à-dire ceux ou on vous abreuve d’images en boucle entre deux séances interminables de clips publicitaires.

Certes, je n’ai pas veillé nuits et jours, mais j’ai regardé les journaux de 13:00 et 20:00. A croire que cela n’intéresse personne. Au moment même ou Emmanuel Macron se targue de construire l’Europe avec les Allemands – et notamment par la création d’une force militaire commune – ces derniers nous laissent tomber comme une vieille chaussette et personne ne dit mot. Chaque fois que la France décide de faire quelque chose par elle-même, les inconditionnels du fédéralisme euro-mondialiste crient à l’isolement et au repli sur soi. On trouve, somme toute, naturel que d’autres le fassent. Lorsque les parlementaires allemands ont vidé de sa substance le Traité de 1963, de Gaulle a réagi sans éclat mais avec fermeté en allant chercher une alliance de revers avec l’URSS. Cela a rendu les Allemands « plus souples » notamment sur la politique agricole.

En 2017, aucune réaction. Rien ! Nada ! Circulez !

L’audimat est-il la seule justification ?

Cette tendance lourde de focaliser l’actualité sur un seul évènement est-elle uniquement dictée par les résultats d’écoute mesurés par l’audimat ? – Difficile de le croire. Sans tomber dans le fantasme de la conspiration universelle, on peut constater que ne pas trouver dans toute une journée d’informations diffusées en continu un seul créneau de quelques minutes pour parler d’une chose dont les conséquences futures peuvent se révéler considérables pose néanmoins le problème de l’objectivité de certains médias. Le décès de Johnny Hallyday est certes une triste nouvelle, surtout pour sa famille, ses proches et ses amis ou ses fans. Mais c’est malheureusement le sort commun à tout être vivant quel qu’il soit.

Du reste, l’académicien Jean d’Ormesson, qui nous a quittés la veille du départ de Johnny Hallyday, n’a pas eu droit au même « traitement de faveur ».

Allumer le « contre-feu » ?

Ne s’agit-il pas, de fait, lorsque l’actualité politique ne se révèle guère clémente envers les puissants qui nous dirigent, de passer, telle une sorte de « pertes-et-profits » du silence afin de ne pas porter atteinte à leur crédit ? Je ne dis pas qu’eux-mêmes en soient à l’origine, mais je ne pense pas non plus qu’ils aient fait le forcing pour commenter certaines choses devant les caméras. Johnny Hallyday, qui voulait avec beaucoup de talent, « allumer le feu » n’a-t-il pas un peu servi de contre-feu ?

Jean Goychman
11/12/2017

[1] http://www.dokumente-documents.info/uploads/tx_ewsdokumente/DOC_2002_3.pdf

[2] https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/observation-spatiale-quand-l-allemagne-se-joue-de-la-france-760854.html#comment1847003