Le Forum mondial de l’économie de Davos s’achève. Quels enseignements et quelles conclusions en tirer ? Cette réunion annuelle à laquelle tout ce qui compte (ou croit compter) à la surface de la planète se fait un devoir de s’y montrer. Certains le font avec une certaine discrétion, d’autres d’une manière très ostensible. L’essentiel étant d’y être.
Des avis partagés
Les commentaires des journalistes sur le Forum de Davos sont rarement unanimes. De fait, chaque commentaire reflète un peu la conception que son auteur se fait de l’évènement. On peut y voir une version « grand public » des conférences du Club des Bilderberg, mais cela entraîne inévitablement sur le terrain du complotisme, mot redouté de tous les « bien-pensants ». On peut également le considérer comme une sorte de rendez-vous de la bienfaisance, qui permettrait aux puissants de ce monde d’échanger avec les humanistes soucieux du devenir de l’Homme et de la planète… Pour ma part, je pense que c’est incontestablement un grand rendez-vous mondialiste. Je le situe dans la lignée du colloque de Walter Lipmann, le précurseur en 1938, puis la Société du Mont Pellerin en 1946, suivie du Club des Bilderberg en 1954, et enfin le Forum de Davos, inauguré en 1971, juste deux ans avant la naissance de la Commission Trilatérale en 1973 [1].
Des centres de réflexion convergents dans leurs objectifs
Tous ces « think-tanks » participent de la même idée, mais différent quelque peu sur les moyens de parvenir à réaliser leur objectif. En clair, il s’agit d’assurer au plan mondial la primauté de l’économie sur le politique. Ceci ne se fera que s’il existe une autorité mondiale, sorte de « gouvernement » dont les membres ne seront naturellement pas élus, mais se coopteront au sein d’un groupe auquel l’accès sera volontairement limité. Le fondateur du Club des Bilderberg, David Rockefeller, n’en a jamais fait mystère depuis plus de 25 ans. Le Forum de Davos est, sans l’avouer explicitement, dans la même lignée. La Commission Trilatérale, très influente au niveau de la Commission Européenne (puisque beaucoup de commissaires participaient à ses travaux) a continuellement « orienté » les travaux de Davos, notamment sur la généralisation des zones de libre échange, processus par lequel un monde globalisé devrait apparaitre. Le problème essentiel auquel les tenants de la mondialisation – qui veulent installer ce gouvernement mondial – doivent faire face est le manque d’engouement des peuples envers une autorité qui ne pourrait que les priver de leur souveraineté. Feu Peter Sutherland, pilier du Forum de Davos, n’a pas ménagé ses efforts pour tenter de convaincre les gens qu’elle n’était qu’une illusion [2].
Un nouveau clivage mondial apparaît
Après la « guerre froide » de la seconde moitié du XXème siècle, une nouvelle ligne de fracture est en train d’apparaître dans le monde. Nous avons d’un côté une sorte d’élite mondialisée qui tire profit du libre échange généralisé, de la disparition des frontières et des mouvements migratoires et de l’autre, des peuples qui voient avec effroi leurs conditions de vie se détériorer. Les classes moyennes, issues du fameux ascenseur social que les démocraties avaient réussi à mettre en place ne fonctionne plus aujourd’hui. Le Forum de Davos met ce nouveau clivage en évidence.
Emmanuel Macron incarne cette élite mondialisée de la finance et du libre échange. Il prône habilement la souveraineté européenne, ce qui est un moyen de faire disparaître celle des nations qui constituent cette Europe. Il emploie le slogan « France is back », ce qui ne veut strictement rien dire, mais qu’il faut interpréter comme un signal donné à l’élite pour dire que la voie est libre aux investissements étrangers. Il tient un discours en anglais (la langue de Davos à 95%) devant un public conquis d’avance et enchaîne sur un discours en français, dans lequel il veut rassurer les français, et uniquement eux, sur ses intentions. En clair, cela s’appelle un double-langage.
De son côté, Donald Trump, qui a compris d’où venait le vent qui menaçait les mondialistes, prononce un discours très souverainiste, commençant par réaffirmer la supériorité du système américain et de la nation américaine, qu’il résume dans les mots « America is first ». On peut noter que Trump n’emploie pratiquement jamais le terme « États-Unis » pour parler de son pays, mais celui d’ »Amérique ». Cela marque son ancrage historique par un rappel de la « Doctrine de Monroe » [3] qui établit d’une manière incontestable la souveraineté de l’Amérique et du peuple américain sur le continent.
On constate une TOTALE OPPOSITION AVEC LE PRINCIPE MÊME DE LA MONDIALISATION que certains commencent à appeler « globalisation ». Notons également que Trump conçoit que chaque chef d’État d’un pays souverain fasse de même et défende les propres intérêts de son État et de son peuple.
Le grand retour des peuples
De fait, Donald Trump inscrit son discours dans la Charte des Nations Unies de 1946 (avant que l’ONU devienne mondialiste) et fait également référence à la « Charte de la Havane » [4] qui jetait les bases d’un commerce équitable entre les nations, les importations et les exportations devant s’équilibrer. Ce discours, qualifié de « populiste » par ses adversaires, trouve cependant un écho de plus en plus visible. Il suffit de regarder en Europe pour voir que beaucoup de peuples désirent reprendre en main leurs destins respectifs et croient de moins en moins à la construction européenne telle qu’elle est orientée. Ils tiennent à garder leur souveraineté et le contrôle de leurs frontières. On voit également que, en plus des États-Unis, la Chine et la Russie tiennent a peu près le même discours.
L’offensive du FMI et la future « guerre des monnaies »
Emmanuel Macron le sait. Et c’est bien la raison pour laquelle il lance la proposition d’un FMI qui devrait contrôler la monnaie mondiale. Jusqu’à présent, ce rôle est dévolu de facto à la Réserve Fédérale américaine et au dollar, et ce depuis 1971, lorsque l’abandon de la convertibilité de cette monnaie avec l’or a permis à cette dernière d’imprimer de la monnaie papier sans limite.
Emmanuel Macron sait parfaitement également que la Chine, la Russie, l’Iran et quelques autres pays tentent de faire émerger une autre monnaie internationale, afin de payer les transactions pétrolières. Or, la Chine est le premier importateur pétrolier du monde et c’est donc le dollar qui est directement menacé. De son coté, le FMI essaye de pousser en avant une autre monnaie, qui serait basée sur un panier de devises, et dont il exercerait le contrôle. Cela permettrait au fameux triptyque mondialiste (FED – FMI – Banque Mondiale) de garder la main.
Quel résultat pour la cuvée « Davos 2018 » ?
Ce Forum permet de constater, année après année, que la ligne de fracture entre les tenants du mondialisme et ceux du maintien de la souveraineté des États-nation apparaît de plus en plus nettement.
Et le problème risque de se compliquer singulièrement pour les mondialistes en raison de la montée en puissance de pays comme la Chine et la Russie, bien décidés à ne pas céder aux sirènes de la globalisation.
Jean Goychman
28/01/2018
[1] https://mondialisationetcies.wordpress.com/commission-trilaterale/
[2] https://minurne.org/billets/13874
[3] http://www.cosmovisions.com/ChronoEtatsUnis-Doctrine-Monroe.htm. De fait, la doctrine de Monroe est antimondialiste car elle s’oppose à toute ingérence étrangère dans la politique américaine et constitue la base de l’isolationnisme américain. En clair, que chacun se débrouille…
[4] https://www.universalis.fr/encyclopedie/charte-de-la-havane/