LES BANQUIERS CENTRAUX VEULENT QUE VOUS CHANGIEZ DE VOITURE
(Jean Goychman)

Avez-vous remarqué que, depuis quelque temps, on ne vous donne plus, dans les publicités audio-visuelles, le prix catalogue des voitures. On ne vous parle plus que du loyer mensuel de votre futur véhicule. Dans les temps jadis, lorsque se posait le problème de l’acquisition ou du remplacement de votre auto, vous faisiez des comparaisons entre les différentes marques susceptibles de vous satisfaire au mieux, et le critère du prix était un élément de décision important. La mondialisation par la liberté des échanges ayant, de ce strict point de vue, induit à la fois une baisse des prix et une augmentation de la qualité, le nombre des autos en service a considérablement augmenté, ainsi que leur longévité.

Un parc automobile vieillissant

La moyenne du parc automobile français dépasse les 9 ans 1 et augmente régulièrement depuis plus de 25 ans. Outre la fiabilité et le bon vieillissement de nos voitures, la paupérisation progressive de la société française – et elle n’est pas la seule – explique certainement le peu d’empressement de nos concitoyens à remplacer leur automobile. Si on ajoute à cela le peu de différence en matière de performance, en matière de consommation notamment, par rapport aux véhicules de la dernière décennie, tous les ingrédients de la stagnation sont à peu près réunis. Or, après l’immobilier, l’achat d’une voiture constitue le second secteur de crédit bancaire. 2

La baisse des taux du crédit doit être compensée

Si le taux est moins élevé, le banquier gagne moins. Enfin, tout est relatif. N’oublions pas que, grâce au système des réserves fractionnaires, le banquier peut créer l’argent d’un prêt avec une simple ligne d’écriture… Le taux du crédit doit donc être rapporté aux fonds propres réellement engagés par la banque. Un effet de levier de 10 avec un taux de 1% sur l’ensemble du prêt génère quand même 10% bruts au niveau des fonds propres, dans lesquels figurent l’argent des déposants. 3

Mais revenons à nos (chères) autos. Comme dit le vieil adage, on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. Alors, comment susciter le besoin de changer de voiture ? A priori, les banques ne disposent d’aucun moyen pour contraindre les utilisateurs à changer de montures plus rapidement. Évidemment, un miracle est toujours possible, et il peut se produire sous différentes formes. Après plusieurs décennies de campagne médiatique sur le réchauffement climatique – avéré ou non – (l’essentiel étant que la majorité y croie) on pourrait, dans le louable souci de sauver la planète, diminuer d’une façon autoritaire les émissions polluantes. Bien sûr, les véhicules les plus anciens risquent de ne plus satisfaire à la réglementation, mais lorsqu’il s’agit de sauver des vies, vous comprenez…

Les voitures polluent, mais pas les avions

On remarquera que la pollution est très sélective car on ne fait référence qu’aux émissions de gaz et de particules émanant des voitures. Les avions, qui utilisent le même carburant que les moteurs Diesel, avec le même comburant (oxygène de l’air) émettent exactement les mêmes résidus de combustion, mais, apparemment, cela ne compte pas. Et je ne vous parle pas des cargos qui sillonnent les océans, vecteurs indispensables d’une mondialisation bien pensée. Donc, les voitures, surtout si elles sont âgées, polluent. Il faut donc tout faire pour les mettre à la casse et tant pis pour ceux qui n’ont pas les moyens de s’en acheter une nouvelle. Le coup des Diesel est absolument remarquable. Tout le monde en a vanté les mérites. Il y a 10 ans seulement, ils étaient moins polluants, plus fiables, et les gouvernements successifs ont maintenus un écart sensible de taxation entre le gas-oil et l’essence, ce qui incitait les gens à acheter des modèles Diesel, même s’ils étaient un peu plus chers à l’achat. Il y a deux ou trois ans, changement total de cap et haro sur le Diesel. Tout commence avec l’affaire des Volkswagen importées aux USA. Les autorités américaines ont accusé le constructeur allemand d’avoir triché. Ce n’était que le début d’une histoire à tiroirs dont le but était visiblement de culpabiliser ceux qui avaient des Diesel. La suite était prévisible : augmentation du prix du gas-oil et mesures sélectives d’accès dans certaines villes pour les Diesel âgés réputés polluants. On remarquera qu’à Paris, les péniches ne doivent pas être pourvues de moteur Diesel…

La sécurité routière a bon dos

En plus des mesures liées à la pollution, la Commission Européenne 4, s’abritant derrière une analyse corrélative montrant l’évolution du nombre d’accidents dus aux défauts techniques des véhicules, a décidé de renforcer les contrôles techniques en faisant passer de 126 à 400 le nombre des points contrôlés. On découvre également qu’une nouvelle catégorie de défauts, dits critiques, fait son apparition. Le délai de remise en état pour ces derniers est de 24 heures. Bien évidemment, la réglementation européenne l’emportant sur les règlements nationaux, nous devrons nous y conformer… En y regardant d’un peu plus près, on peut faire une autre corrélation : le parc automobile européen est comme tous les autres, il augmente dans le temps. Il n’est pas anormal que le nombre d’accidents causés par des défaillances techniques augmente également, et il augmente plutôt moins vite, car la fiabilité des voitures est meilleure. Mais il faut bien inventer des raisons pour imposer les changements de véhicules.

La notion de prix n’existe plus

Avez-vous remarqué qu’à quelques exceptions près, les voitures n’ont plus de prix affichés ? On nous vend uniquement des mensualités de crédit. Telle voiture veut 149 euros par mois, telle autre 229, mais on ne donne jamais le prix d’achat. Bref, on vous vend du crédit. Remarquez aussi qu’on ne parle plus de vente, mais de location longue durée, souvent avec l’entretien inclus. Bref, on veut vous vendre une rente à vie. Arrivé au terme de la location, vous pourrez, bien-sûr, lever l’option d’achat. Combien de gens pourront le faire ? Car le secret est bien gardé. Si vous demandez à la banque qui vous finance une étude comparative entre un achat conventionnel au prix catalogue et ce que coûtera la formule LOA (Leasing avec Option d’Achat) on vous répond que c’est très difficile à établir, que la TVA, tout ça… Bref, vous les ennuyez ! Pour un peu, on demanderait de signer sans poser de question. Tout ce qu’on vous demande, c’est d’obéir sans discuter.

Il faut bien que les banques vivent

Évidemment, comme toujours en matière de crédit, la banque sera gagnante en premier chef. Ensuite, ce sera l’industrie automobile, souvent dépendante des mêmes établissements bancaires.

Bien sûr, il faudra faire un peu de lobbying auprès des différentes autorités à même de faire évoluer la réglementation, afin de précipiter un peu le phénomène de renouvellement, mais le jeu en vaut largement la chandelle. Et nous, pauvres mortels, ignorant tout ce qui se trame dans notre dos, nous continuerons, une fois de plus, de payer, encore et toujours. On peut quand même se demander, au risque probable d’être mal vu : quel est le bilan énergétique de tout ça ?

Et nos dirigeants politiques semblent s’étonner de notre manque de confiance envers eux ?

Jean Goychman
02/03/2018

1 http://www.fiches-auto.fr/articles-auto/l-auto-en-chiffres/s-1206-age-moyen-du-parc-automobile-francais.php
2 https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-170790-credit-auto-proche-dune-sortie-de-route-2092858.php
3 http://img.over-blog-kiwi.com/0/91/11/94/20151015/ob_c61c00_reserve-fractionnaire-banque-d-anglete.png
4 http://www.turbo.fr/actualite-automobile/838324-controle-technique-reglementation-partir-2018/