Bloquant les issues de la ZAD, 2.500 gendarmes bien équipés. Dans la ZAD, environ 70 jeunes fils et filles majoritairement issus de la bourgeoisie, en jeans et t-shirts crasseux. Ils ont lâché leurs études par fainéantise mais sous le prétexte et sans doute l’espoir de créer une société nouvelle, et pourquoi pas un monde nouveau où tous seraient heureux dans l’égalitarisme forcé d’une société « néo-agricole » (sic !).
Face-à-face, 2.500 contre 70, 1 à zéro pour « les 70 », ce qui aura au moins fait rire Maduro et Poutine à qui notre prétentieux président donnait encore récemment des leçons de maintien de l’ordre et de respect des valeurs républicaines et démocratiques. Mais ce « 1 à zéro », c’est le gouvernement qui l’a voulu en interdisant aux gendarmes « d’entrer au contact ». Interdiction formelle de brutaliser, même en douceur, ceux qui vous lancent des cocktails Molotov chargés aux excréments.
L’enlisement de la tentative ratée d’expulsion
Après, c’était trop tard : arrivée massive de centaines de Black Blocs et autres ultragauchistes violents venus soutenir les zadistes, les routes surveillées (mais pas les champs), le site abandonné la nuit par les forces de l’ordre, permettant la reconstruction rapide des cabanes, etc.
Les gendarmes ont obéi aux ordres. Les jeunes lapins-crétins ont gagné ! La préfète à qui ils avaient récemment montré leurs trous-de-balle qui sont leurs cartes d’identité, les reçoit et se fait même conforter par la présence d’un ministre écolo, Nicolas Hulot, pour ajouter au ridicule de la situation.
N’y a-t-il donc personne à l’Élysée et à Matignon pour comprendre que ce n’est pas seulement la préfète et le ministre qui se sont fait ridiculiser, que c’est la France qui a été trainée dans la boue saturée d’étrons et de pissât fermenté de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes ?
Cependant, la persévérance de ce gouvernement (gouvernement particulièrement doué pour persévérer dans les erreurs) et la tentative qu’il a faite auprès des lapins-crétins pour négocier leur retour à la civilisation a fait réfléchir l’historien que je suis.
L’achat de la paix sociale par un phalanstère [1]
Ce gouvernement a, je pense, voulu tenter une seconde fois de gagner la paix sociale au prix d’une reculade présentée comme un progrès social, en entrant dans le jeu du phalanstère que les écolos mettaient en place avec leur ferme collective cernée de petits essais de plantations diverses et d’un troupeau collectif.
Voulez-vous devenir propriétaire sans bourse délier, sans perdre de temps avec des formalités administratives, en étant subventionné, et surtout sans payer le moindre impôt ? Facile ! Faites comme les zadistes de Notre-Dame-des-Landes : créez un phalanstère.
L’invention mirobolante mais stupide de Charles Fourier
« Phalanstère » est un mot créé par Charles Fourier vers 1820. Le phalanstère est fondamentalement conçu dans l’œuvre de Fourier comme le dispositif expérimental central destiné à démontrer, par la pratique, la validité de sa théorie crypto-marxiste de la possibilité d’un monde industriel nouveau, où le bonheur collectif viendrait du partage de tout à égalité, sans travail organisé et rémunéré, sans patrons.
Fourier attire tout d’abord l’attention sur quelques-unes des conditions géographiques de cette expérimentation : l’essai doit être localisé près d’un cours d’eau ou dans une zone humide (cas de NDDL) sur un terrain propice à la plus grande variété possible de cultures, mais néanmoins à proximité d’une grande ville. Ici, c’est Nantes.
Le protocole expérimental intègre ensuite un certain nombre de prescriptions sociologiques, portant sur la structure même de la « phalange » qui doit venir l’habiter et l’animer : celle-ci doit en effet regrouper, selon des règles de composition minutieusement élaborées par Fourier, des personnes présentant la plus grande variété possible en fortunes, en âges et en caractères [2]. Or on trouve chez les zadistes quelques ouvriers, beaucoup de jeunes bourgeois ayant rejeté leur milieu et des intellectuels marxistes.
Le phalanstère produit des conflits et de la misère
Au XIXème siècle, de multiples essais de phalanstères ont été tentés, notamment dans les colonies, en Argentine, au Brésil, au Mexique, aux États-Unis (Texas), en Nouvelle-Calédonie (Sud-Yaté). Tous, tous sans exception, ont abouti rapidement à des échecs, parfois sanglants. Mais l’utopie fait rêver et d’autres formes de phalanstères ont vu le jour récemment : comme les immeubles de Le Corbusier que Fourier avait imaginé avec leurs rues internes, leurs écoles et leurs multiples salles de réunion. Certains sont devenus célèbres, comme la Communauté de Longo-Maï en Provence dans les années 70.
Longo Maï était une « coopérative agricole et artisanale autogérée, internationale, d’inspiration alternative, libertaire, laïque, rurale et anticapitaliste ». Fondée en 1973 à Limans (Alpes-de-Haute-Provence), après les premiers mois d’enthousiasme, la répartition du travail fut jugée inégale, donc plus personne où presque ne participait aux travaux collectifs, après la sieste on y jouait beaucoup à la guitare sous les drapeaux noirs en collectant les pièces que jetaient les touristes !
Le modèle-type : Auroville à Pondichéry
En Inde, c’est Auroville, créée en 1968 (ce n’est pas une coïncidence) non loin de Pondichéry par une française, Mira Richard, surnommée « La Mère » et Sri Aurobindo, son amant. Auroville sombra dans la violence. Étant à Pondichéry dans les années 90 j’en ai eu confirmation par les intéressés sur place. La Mère fut elle-même séquestrée puis assassinée pour avoir voulu dénoncer les dérives de la communauté de l’ashram. « Ils la murèrent dans sa chambre et décidèrent que puisque Mère se refusait à devenir déesse de son vivant, elle serait une déesse morte.« (Wikipédia)
Auroville survit aujourd’hui comme parc touristique, les touristes étant très majoritairement des Indiens qui viennent voir ce zoo de gauchistes européens. Elle est en situation complètement artificielle, peuplée d’une vague secte à l’effectif fluctuant (environ 2.000 personnes qui se renouvellent au rythme d’environ 800 par an), composé essentiellement de « blancs » de passage, vieux hippies « barbes à poux », routards, drogués… qui font le pari de vivre quelques mois sans passeport, sans recours aux services sociaux et en cultivant leurs jardins de légumes bio.
Trois jardiniers donnent les conseils et les instructions, Christian, Éric et Pierre, trois français ! Les indiens, eux, gagnent de l’argent à Auroville avec les boutiques de souvenirs et les restaurants, naturellement « végans » ! Auroville étant structurellement déficitaire vit de dons venus du monde entier, mais surtout de subventions du gouvernement indien et de l’UNESCO. Finalement, on constate dans ce zoo de gauchistes blancs, l’échec flagrant des méthodes de production de l’économie socialiste qui ne peut survivre qu’assistée largement par les subsides de l’économie capitaliste.
La récupération des phalanges gauchistes par le capitalisme
Le principe du phalanstère finit souvent récupéré par des industriels, comme Jean-Baptiste Godin qui en créa un à Guise (fermé en 1968), parce qu’ils apprécient de loger et regrouper leurs ouvriers et employés dans ces immenses bâtiments collectifs, gérés par les ouvriers eux-mêmes, qui sont encore plus autoritaires et coercitifs que leurs patrons qui les ont sous la main tout en jouant aux généreux patrons socialistes. Les patrons les subventionnent avec l’aide de l’État.
Le phalanstère de Guise est conçu comme une prison. Les portes et fenêtres sont desservies par des paliers extérieurs donnent sur une cour intérieure. Tout le monde sait ce que fait et où va tout le monde. Ragots et conflits assurés en quelques semaines.
Pourtant, dès 1859, Goncourt (Journal, p. 656), dénonçait « La stupidité utopique du phalanstère : un bonheur coupé pareillement et du même morceau à chacun, comme une part de galette… phalanstère tout rempli du matin au soir de disputes, de chamaillades, d’engueulements… (où il arrive que l’on voie – comme cela s’est vu à la ZAD de NDDL) un individu le plus souvent ivre et tout nu ». Ivre quand il n’est pas shooté aux drogues dures. Cruel, Goncourt, mais réaliste !
Unis tant qu’ils ont un ennemi commun (État, fonctionnaires, gendarmes…) les zadistes finissent toujours par se disputer, parfois s’entre-tuer, comme cela s’est vu dans le phalanstère créé en janvier 1864 en Nouvelle-Calédonie.
L’échec du phalanstère de Nouvelle-Calédonie
Les « associés », tous fouriéristes convaincus, commencèrent, en faisant brûler des herbes, par mettre le feu accidentellement à la grande maison en bois dans laquelle se trouvaient les approvisionnements, les semences et les outils. Il faut penser au sens du vent quand on fait du feu près d’un bâtiment en bois, ça ne s’apprend pas à l’université !
Dès octobre 1864, après neuf mois, celui qui faisait le lien avec l’administration indique qu’ils ne sont déjà plus qu’une dizaine, « les autres se sont lassés de cette vie de privations et de monotonie. Le travail de la terre ne leur allait plus ; tous étaient des gens des villes, habitués aux bien-être et aux distractions… les ravages causés par les rats, l’ignorance des « associés » des méthodes de culture, enfin leur apprentissage d’un métier inconnu à tous ». Le 27 octobre 1870, les six derniers abandonnent leur laboratoire de « néo-agriculture » pour un monde nouveau, heureux grâce au socialisme. Bien qu’abreuvés de subventions par l’administration coloniale, ils avaient accumulé des dettes importantes que l’administration prit en charge.
On ne fait pas des Paysans avec des jeunes gauchistes des villes !
La mauvaise méthode du gouvernement, signe de son incompétence
Si, comme je le suppose, c’était à Notre-Dame-des-Landes le plan du gouvernement, il s’y est pris avec une immense maladresse. La première erreur étant de vouloir faire remplir aux zadistes des papiers pour les intégrer en douceur en leur donnant des aides. Ils se sont torchés avec.
Si la décision était de ne pas intervenir pour respecter la promesse du président de régler le problème dès le 1er mars par la force gendarmière de sa volonté présidentielle puis après l’échec de négocier, il fallait les laisser se débrouiller seuls. Attendre qu’ils demandent des aides sociales pour survivre dans leur paradis socialiste, attendre qu’ils se soient mis tous les paysans et toutes les autorités municipales du coin à dos, attendre les premiers malades, les premières bagarres et les départs spontanés et là, faire reportage sur reportage pour montrer la saleté (déjà grande actuellement), les terres dégradées, le bétail malade d’être mal soigné, les plantations bio pullulant de parasites et, finalement, l’échec de ce « modèle » d’économie socialiste devant apporter bonheur et prospérité écolo au monde entier. Comme cela s’est toujours, sans une seule exception, produit dans l’histoire du socialisme et de ses phalanstères.
L’Imprécateur
20/04/2018
[1] Un phalanstère (du grec φάλανχ – phalanx – formation militaire rectangulaire, et σθήρεος – stereos – solide) est un regroupement organique des éléments considérés nécessaires à la vie harmonieuse d’une communauté appelée la phalange. Le concept, très en faveur dans les milieux « intellectuels » au XIXème siècle, fut élaboré par Charles Fourier. C’est un ensemble de logements organisés autour d’une cour couverte centrale, lieu de vie communautaire.
[2] Charles Fourier, Théorie de l’unité universelle (1822) et Le nouveau monde industriel (1829).