MACRON POUR UN “VIVRE-ENSEMBLE” « CALÉDONIE-FRANCE »
(L’Imprécateur)

Macron est en Nouvelle Calédonie. Comme d’habitude, il a voulu imposer son style de communication. Un humoriste local s’en moque : « 350.000 selfies, il faut revoir le dernier recensement ! » (LNC 5-05-18).

Ce dernier recensement, justement, donnait 270.000 habitants.

Une grande manifestation pour la France

Une manifestation pro-française a eu lieu à Nouméa ce vendredi 4 à midi. 12.000 personnes environ, joyeuses mais déterminées, s’arrêtant pour chanter la Marseillaise tous les 300 mètres, scandant « Calédonie française » entre temps, ou chantant la chanson venue de Tahiti dont le refrain est « C’est qui qui paye ? – C’est la France ! ».

12.000 marcheurs, ce sont 4,4% de la population totale. L’équivalent, en France de plus de 3 millions de personnes défilant Champs Élysées. Il n’y avait que très peu de manifestants venus des autres villes. On était vendredi à midi. La plupart des gens travaillent et la situation n’est pas encore grave. Et puis, il fallait faire cette démonstration de présence plutôt que de force, pendant le séjour de Macron. L’important est qu’il y ait eu de nombreux Mélanésiens en plus de Wallisiens et autres Polynésiens et Vietnamiens.

Aucune marque d’un parti politique quel qu’il soit. Les Républicains calédoniens, organisateurs de la manifestation, ont voulu « l’union sacrée » de ceux qui sont unis sur l’essentiel : rester français. (Ce que Les Républicains, en France, ne savent pas faire et jettent l’anathème sur le FN et sur les autres composantes de la Droite à chaque occasion d’union.)

J’ai vu plusieurs leaders politiques qui ne sont pas membres des Républicains. Il en manquait néanmoins beaucoup, notamment ceux de Calédonie Ensemble qui se disent pro-français, en croyant toujours que si indépendance il y a, elle se passera en douceur et que « tout le monde restera ».

 

Kanaky indépendante, ce serait le départ des Français

Dans les premières dizaines de mètres, un vieil homme (entre 85 et 90 ans ?) marche à mon côté. Il me prévient qu’il ne restera pas longtemps parce qu’il a mal aux hanches et aux genoux : l’arthrose. Je lui demande pourquoi il n’est pas resté chez lui à regarder le reportage télévisé de la manif.

« J’étais au Togo avant l’indépendance en 1960, je faisais du transport avec un camion à travers le Sahara entre Alger et Lomé, et pas de politique. Tout le monde me connaissait et je n’avais aucun ennemi. J’ai cru que je pourrais rester. Un mois après l’indépendance, j’ai été expulsé sans explication. J’ai poursuivi mon activité depuis Alger pour approvisionner les Touaregs et le Mali. Expulsé à nouveau en 62 par l’Algérie. Je suis allé au Vanuatu et j’ai repris mon métier de transporteur, mais avec un bateau entre Port Vila et les îles. Tous les grands chefs des tribus des îles m’appréciaient et me demandaient des services. Expulsé à l’indépendance en 1980. Je me suis installé en Calédonie et je sais que s’il y a l’indépendance « kanak », personne ne sera épargné par les expulsions, à commencer par ceux qui collaborent avec les indépendantistes. Paradoxalement, ceux qui pourront rester sont ceux qui n’ont pas d’attache dans le pays parce que les indépendantistes savent qu’ils n’ont rien à en craindre. Mais moi, à 85 ans, où vais-je aller ? C’est pour ça que je suis là ! »

 

Les Calédoniens veulent montrer leur présence et leur force

Les paroles de ce monsieur me donnent à réfléchir. Je rejoins en tête du cortège la présidente des Républicains calédoniens, Sonia Backès. Elle me connaît de réputation et me promet tout de suite qu’on se reverra plus tard, mais là, elle a une manif à gérer. Je connais bien son vice-président, un canaque d’Ouvéa, l’ex-sénateur Simon Loueckhotte, un ami. Il m’explique que le but de la manifestation n’est pas d’empêcher la mise en application des accords de Nouméa dont il est l’un des signataires, mais de rappeler à Macron, qui consacre 80% du temps de son séjour aux Canaques, que les Canaques sont minoritaires dans la population (moins de 40%) et que parmi eux les indépendantistes n’ont pas la majorité absolue. S’il croit pouvoir décider de l’indépendance par idéologie et repentance coloniale, il trouvera en travers de sa route une majorité de Calédoniens décidés à ne pas se laisser faire.

 

Plus que Macron, c’est son entourage socialiste qu’il faut craindre

Je croise une autre grande personnalité politique de la Calédonie. Là, c’est elle qui me demande aussitôt ce que je pense de la situation. Eh bien, je pense que Macron fera comme d’habitude, il va donner aux indépendantistes (qui ne sont pas que des Kanaks – il y a aussi les socialistes blancs) des espoirs, « et en même temps » promettra d’autres espoirs, mais en sens inverse, aux loyalistes. C’est sa façon de rester neutre.

Il faut plutôt surveiller ceux qui parlent à sa place, comme le préfet indépendantiste Alain Chrisnacht, tuteur intellectuel de l’actuel Haut-Commissaire de la République, le socialiste Thierry Lataste. Chrisnacht étant le rédacteur des Accords, y a glissé plusieurs pièges pour rendre l’indépendance inéluctable.

Il sait que le référendum de novembre 2018 sera perdu par les indépendantistes. Tous les sondages montrent que l’indépendance est de plus en plus rejetée, même chez les Canaques. Mais, Chrisnacht disait récemment sur France 24 que cela n’a aucune importance puisqu’il y aura un second référendum en 2022 et un troisième en 2026. Et si, au pire, les trois étaient perdus, cela n’aurait aucune importance non plus, puisque les transferts de souveraineté se poursuivront entre temps et que la Nouvelle-Calédonie aura acquis, sans l’accord de sa population, une entière souveraineté de fait, équivalente à l’indépendance. Celle-ci ne sera plus qu’une formalité administrative à faire acter par l’ONU, et… exit la France.

Au référendum, la question posée dissocie souveraineté et indépendance

Le plus curieux, c’est que la question qui sera posée reflète cette hypothèse :

« Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? »

Il y a un pléonasme apparent, puisque la « pleine souveraineté », c’est l’indépendance nationale. L’indépendance n’ajoute que la reconnaissance internationale de cette pleine souveraineté. Mais le « et » intercalaire (entendez « et accède à »), dissocie les deux notions. La souveraineté étant acquise, l’indépendance peut venir plus tard : vous aurez la souveraineté et, à une date ultérieure non-définie, l’indépendance. Ainsi, peu importe le résultat des trois référendums. La souveraineté étant acquise, l’indépendance viendra automatiquement après.

Ils sont malins les socialistes ! Ils ne nient pas que la décolonisation, mise à niveau sociale et économique entre « colons » et « colonisés » est acquise. Il suffit de croiser Louis Kotra Uregei, président de l’Union des Syndicats des Travailleurs Kanaks Exploités, et en même temps président milliardaire de plusieurs grosses sociétés, dans son magnifique Ford F150 Raptor, ou encore la sœur d’Eloi Machoro, qui fut le chef de guerre des indépendantistes, dans sa Porsche Cayenne, pour en être convaincu.

C’est par idéologie anticoloniale, qu’ils veulent que la Calédonie devienne indépendante grâce à eux.

  • Peu leur importe que la France perde, si cela arrivait, ce qui est certainement l’une des toutes premières ressources mondiales en métaux et terres rares indispensables à la transition énergétique et au développement du numérique et des industries « cleantechs ».
  • Peu importe aussi qu’elle perde sa place d’empire maritime le plus vaste du monde derrière celui des USA, qui fait d’elle une puissance économique et politique essentielle dans le Pacifique.

Ce qui importe aux socialistes, c’est que 30.000 Canaques indépendantistes, qui ne sont pas la majorité dans leur propre peuple, obtiennent leur indépendance marxiste envers et contre toute forme de démocratie, y compris celle de référendums populaires en série.

 

Dernier discours : Macron souhaite que Calédonie et France voient l’avenir ensemble

Je viens d’écouter le discours du président ce samedi soir. Très calme, une voix douce, rien à voir avec l’hystérie des discours électoraux. Comme prévu il a célébré toutes les communautés : les Canaques, les colons, les missionnaires, les Pieds-noirs, les Européens, les Asiatiques (Vietnamiens et Indonésiens) et les Polynésiens, les félicitant d’être un modèle d’intelligence politique et de vivre-ensemble pour la France.

Le plus intéressant est qu’il a clairement exprimé son désir d’un avenir en commun, soulignant un peu perfidement que la Calédonie n’a pas sa souveraineté alimentaire puisqu’elle est inférieure à 20%, ni industrielle, ni énergétique, ni marine. Il a évoqué une « souveraineté collective », qui permettrait de « construire ensemble » l’avenir dans un « grand projet d’axe Paris-New Delhi-Canberra-Nouméa-Papette » qui vise clairement à contenir l’hégémonie chinoise grandissante dans l’Indo-Pacifique. Il a terminé en insistant sur « un avenir en commun » France-Calédonie. Sous quelle forme ? – Il est clair pour moi qu’il visait à lancer l’idée d’une indépendance-association au cas où la Calédonie deviendrait indépendante. Ce qu’il ne souhaite pas car il sait que la Kanaky indépendante tomberait vite avec ses énormes richesses minérales dans le giron de la Chine qui contrôle déjà les voisins, Vanuatu et Fidji.

L’Imprécateur
05/05/2018