«… Je manifeste toujours tout seul. Mes idées sont trop originales pour susciter l’adhésion des masses bêlantes ataviquement acquises aux promiscuités transpirantes et braillardes inhérentes à la vulgarité du régime démocratique imposé chez nous depuis deux siècles par la canaille régicide… »
(Pierre Desproges)
Plus le temps passe et plus j’ai l’impression d’être un étranger, un Patagon, dans mon propre pays : je n’en comprends plus les coutumes, la langue, les traditions, les pseudos-valeurs « ripoux-blicaines ». Cet attachement forcené aux sacro-saints « droits-de-l’homme », cette hystérie qui consiste à défendre bec et ongles un « état laïc » (imposé par les loges) alors que nous sommes, qu’on le veuille ou non, imprégnés par 2000 ans de culture chrétienne, ce goût masochiste pour la repentance et l’auto-flagellation, cette détestation du « petit blanc » au profit d’une faune allogène et bigarrée qui refuse nos lois et brûle notre drapeau.
Est-ce la date du 13 mai qui me rend morose ? Sans doute : le 13 mai 1958 marque l’une des plus belles manipulations de notre histoire ; le retour aux affaires du « général-micro » pour, parait-il, sauver l’Algérie française. On connait la suite : promesses non-tenues, mensonges, trahisons et, le 19 mars 1962, l’abandon d’un merveilleux « morceau de France » aux égorgeurs du FLN…
Le 13 mai 1968, dix ans plus tard, c’est autre chose : un caprice d’enfants gâtés, de fils de petits bourgeois, qui crachaient dans la soupe en cassant leurs jouets. La « Grande Zohra » qui, telle une lope, fuyait se réfugier auprès de Massu à Baden-Baden.
Le seul point positif de cette pantalonnade aura été l’amnistie des défenseurs de l’Algérie française et le retour en France des clandestins de l’OAS. On raconte que cette amnistie aurait été obtenue par Massu, sans doute pour se faire pardonner de s’être défaussé lors du putsch d’Avril 1961 ? D’autres attribuent cette clémence gaullienne à l’insistance de Georges Pompidou, mais peu importe après tout… Depuis, on nous parle régulièrement des « acquis de mai 1968 ».
Les « accords de Grenelle » sont grandement responsables de notre désindustrialisation, et la fameuse « libération des mœurs » − le droit de « baiser à c. rabattues » avec n’importe qui (les cuistres parlent de « vagabondage sexuel ») − aura provoqué, dans un premier temps, la propagation du SIDA, puis la reconnaissance des invertis, puis les revendications des féministes qui veulent toutes « balancer (leur) porc ». Mai 1968, c’est en effet une bénédiction… pour les fabricants de préservatifs les avocats spécialisés dans le divorce, et les organisateurs de « gay-pride ».
Les « anciens combattants » de mai 68 − Con-Bandit, Alain Krivine, Serge July, Romain Goupil et quelques autres − sont invités sur les plateaux télé pour raconter « leur guerre », et, pendant ce temps-là, on occulte le centenaire de la Grande Guerre. D’ailleurs, vous aurez remarqué qu’en France, quand on évoque 14-18, c’est toujours pour parler des mutineries de 1917, des fusillés « pour l’exemple », de la chanson de Craonne, des fraternisations entre communistes français et allemands (1). Et il est important de ne jamais dire un mot − l’omerta totale − sur celui qui mit fin aux mutineries en améliorant et en humanisant le sort des poilus, le général Philippe Pétain.
Pourtant la « Grande Guerre » a inspiré quelques grands romans qui marquèrent la littérature du XXème siècle. On pense volontiers aux « Croix de bois » de Roland Dorgelès, à « Ceux de 14 » de Maurice Genevoix, à « La main coupée » de Blaise Cendrars, et, naturellement, à l’extraordinaire « Voyage au bout de la nuit » de Louis-Ferdinand Céline.
Du côté allemand, la moisson aura été aussi fertile avec, notamment : « Orages d’acier », d’Ernst Jünger et « À l’Ouest rien de nouveau » d’Erich Maria Remarque.
Mais, pour moi, un autre grand roman mérite d’y être associé : « Les Réprouvés » d’Ernst von Salomon. Un roman que j’ai découvert en 1970, durant mes classes chez les paras, à Bayonne, deux ans à peine avant la mort de son auteur.
Contrairement aux écrivains précités, Ernst von Salomon, né en 1902, fut trop jeune pour connaître l’enfer des tranchées.
Il appartenait à la génération des « tard-venus, dont le héros romanesque est Fabrice del Dongo. » Pour autant, son patriotisme n’admettait ni la défaite de l’Allemagne, ni le chaos de la jeune République de Weimar.
Le personnage principal de son livre lui ressemble comme un frère, comme un clone.
Il y a, chez ce protestant prussien, un kantien qui ne sommeille pas. L’action qu’il va mener lui sera donc dictée par le devoir qui, non seulement sera désintéressé, mais lui coûtera cinq années de prison. C’est l’illustration, caricaturale, de son idéal moral !
Ernst von Salomon s’engagera dans ces « Corps Francs » dont beaucoup ignorent aujourd’hui l’existence (2) tant cette période des années 1920 outre-Rhin reste nébuleuse aux yeux des Français.
Au sein des «Corps Francs», il combattra les Spartakistes à Berlin et les Bolchevistes − c’est ainsi qu’il les nomme − dans les Pays Baltes, en Haute-Silésie.
Il rejoindra même quelques mois, faute d’avoir trouvé un étendard germanique sous lequel servir, les rangs des Russes Blancs, pour se battre contre les Rouges.
Ce « soldat perdu » était révolté par le mépris total dans lequel la « populace rouge » et la bourgeoisie, préoccupée par son confort, tenaient les combattants revenus du front.
Il ira jusqu’à participer au complot d’un groupe nationaliste qui aboutira, le 24 juin 1922, à l’assassinat de Walter Rathenau, ministre des Affaires étrangères.
Par facilité intellectuelle, on pourrait attribuer cet engagement radical d’un garçon de 16 ans à un goût d’adolescent pour l’aventure romantique. Ce serait une erreur, car d’autres clés de lecture s’imposent, deux notions fondamentales de la culture allemande qui lui étaient contemporaines.
D’abord la théorie géopolitique du « Lebensraum » qui fut définie par Friedrich Ratzel (1844-1904) (3) et qui dessinait les frontières du Reich incluant l’Alsace-Lorraine à l’Ouest et de nombreux territoires à l’Est (Autriche, Pologne, Tchéquie, etc.). Cette vision pangermaniste nourrissait, depuis la fin du XIXème siècle, l’imaginaire de beaucoup d’Allemands. Elle survivra à la défaite de 1918 et servira, plus tard, de prétexte à la folie expansionniste d’Adolf Hitler.
Ensuite, il faut prendre en compte la « masculinité » de la culture allemande (4).
Une masculinité qui aurait pu s’accommoder d’une « défaite honorable», mais qui ne pouvait accepter l’humiliation imposée par les Alliés (dommages de guerre colossaux, occupation partielle du territoire, désarmement…etc.). Ce sentiment demeure, pour nous Français, difficile à comprendre ; il s’exprime pourtant, inconsciemment, jusque dans les mots de nos langues respectives : notre représentation symbolique de la France est une figure féminine, « Marianne » ou la « Mère-Patrie. »
D’ailleurs, dans ses « Mémoires de guerre », de Gaulle ne l’imagine pas dans une statue de Vercingétorix ou de Charlemagne, mais dans « la princesse des contes ou la madone aux fresques des murs ». A l’opposé, le patriotisme allemand fera référence au « Vaterland », symbole résolument masculin qui tient à la fois de la « terre du père » et de la notion de « Père-Patrie ». Ces deux paramètres, négligés par le Traité de Versailles, feront le lit du Nazisme et de la seconde guerre mondiale. Pour autant, Ernst von Salomon, qui était un homme intègre, un pur, un lansquenet, n’adhèrera pas, au parti nazi et se tiendra éloigné du conflit.
« Les Réprouvés » n’est pas un roman historique. L’histoire lui sert simplement de toile de fond. L’auteur s’y dévoile dans un texte magnifique, noir, sans illusion, parfois cynique. Il y exalte des valeurs viriles d’une manière qui déroutera parfois le lecteur.
L’extrême-droite européenne en a fait son livre de chevet mais la bonne littérature doit échapper aux classifications partisanes et « Les Réprouvés » appartient définitivement au très grand genre littéraire : il s’affranchit de toute récupération. Le style d’Ernst von Salomon s’impose, exceptionnellement pur, puissant, habité, saisissant même. Il offre au lecteur un plaisir trop rare, celui de découvrir à chaque page un véritable chef-d’œuvre, même si ce terme est aujourd’hui galvaudé. Bien évidement, les imbéciles qui, par idéologie politique, voudraient occulter l’œuvre de Charles Maurras et les pamphlets de Louis-Ferdinand Céline, ne recommanderont jamais la lecture de ce livre magnifique.
Citons, pour comprendre, un passage, un peu long sans doute, mais très caractéristique de l’état d’esprit de l’époque :
« Une nuit, pendant ces temps incertains, je rêvai de l’entrée des Français, oui, j’en rêvai, bien que jamais encore je n’eusse vu un soldat français…Soudain ils étaient dans la ville… la flamme raide des drapeaux flamboyants montait droit comme un cri, et comme un cri le chant allègre des clairons dominait le bruit cadencé de leurs pas brefs et martelés – où avais-je vu cela, où entendu cela ?…
« Cette marche du régiment de Sambre-et-Meuse, cette musique vibrante, endiablée, intrépide, qui clamait sa joie vers le ciel, qui la jetait dans le cœur de l’ennemi, en imprégnait les pierres elles-mêmes et devant elles c’était la fuite, la panique, la terreur sans nom de la fatalité.
« Démesuré était le mépris railleur, torturant le triomphe insupportable, le rire du vainqueur, du maître, ce rire insultant à la faim, à la misère, aux gémissements, aux derniers soubresauts d’une résistance brisée, désespérée. Puis venaient des colonnes rapides de petits corps bruns, agiles et minces comme des chats, des Tunisiens au pas feutré, qui découvraient des dents d’une blancheur éclatante ; ils se dandinaient et roulaient des yeux vifs et brillants qui lançaient des éclairs. Il flottait autour d’eux comme une senteur de désert, une inquiétude née sous un soleil de feu, sur un sable blanc qui miroite… Derrière eux les spahis dans leurs manteaux flottants au lumineux coloris, sur des chevaux minuscules et tenaces, les spahis, agiles et félins, comme assoiffés de sang. Enfin, noirs comme la peste, sur de longues jambes des corps musculeux, satinés, avec des narines ouvertes et avides dans des faces luisantes, les nègres… Et nous rejetés, piétinés, domptés. Ô Dieu ! Cela ne doit pas être ! Et nous anéantis devant cet élan, nous gisant dans la poussière, réduits à l’obéissance, des vaincus, des déshonorés, des abandonnés, pour qui la gloire est à jamais perdue…. »
L’humiliation du Traité de Versailles, le pacifisme bêlant de l’après-guerre et le « Front Populaire » nous ont amenés, nous Français, à la déculottée de juin 1940. On voulait se persuader, par lâcheté, que la grande boucherie de 14-18 serait « La der des der ». Depuis, on nous a fabriqué le mythe de « la France libérée par elle-même », histoire de donner bonne conscience à un peuple de lâches : ces 40 millions de pétainistes qui, comme par miracle, étaient 40 millions de gaullistes après le débarquement de juin 1944. Alors oui, j’avoue sans la moindre honte que je préfère l’exaltation des valeurs viriles d’Ernst von Salomon aux « marches blanches » pleurnichardes de notre France dégénérescente.
Éric Zemmour a parfaitement raison quand il dit que, chez nous, « L’homme est devenu une femme comme tout le monde ». Et tant pis si ça irrite la dinde Marlène Schiappa !
Éric de Verdelhan
13/05/2018
(1)- J’en veux pour preuve le dernier film de Jean Becker, « Le Collier Rouge » tiré d’un roman de Ruffin.
(2)- Lire, sur ce sujet, le livre − remarquable − de Dominique Venner : « Baltikum ».
(3)- Et non par Adolf Hitler comme des imbéciles se plaisent à l’écrire aujourd’hui.
(4)- Telle que définie par le sociologue Gert Hofstede.