Dans nos campagnes ce ne sont pas de féroces soldats qu’on entend mugir, mais certains cercles politiques qui, réfléchissant à la question de l’abstention aux élections, commencent à susurrer qu’il faut trouver un autre moyen que les élections pour gérer le pays.
Sortir de la démocratie ? Il y a bien de ça dans l’air avec une élite politique professionnelle privilégiée, surpayée et surprotégée, qui entre en politique en entrant à l’école et n’en sort qu’entre quatre planches.
Le plus étonnant est que le Front National sert d’argument pour justifier cette réflexion porteuse de mort démocratique. Les auto-proclamés « républicains » étant détenteurs de la légitimité démocratique puisque, le FN a raison, ils se partagent le pouvoir par l’alternance organisée UMPS en le refusant aux autres, les déclarés « non-républicains » par Valls. Il serait plus économique, disent-ils, de se passer des psychodrames électoraux et d’institutionnaliser la caste politique où l’on entrerait avec un diplôme ENA, Sciences Po, ou même autre, cela reste à déterminer, et l’on ferait carrière jusqu’au départ en retraite ou au décès. Cela ne changerait rien à la situation actuelle, sinon que le moment de l’alternance serait décidé par un contrat, éventuellement constitutionnalisé, et l’exploitation des sondages.
Il est vrai qu’avec le taux d’abstention actuel, un élu se retrouve à exercer le pouvoir avec une base électorale réelle de 25 à 30 % au mieux, souvent moins, au lieu des 51 ou 52 % donnés par des résultats officiels qui excluent la prise en compte du mécontentement manifesté par l’abstention et le vote blanc des électeurs (11 millions en 2012).
Élu en 2012 par 18 millions d’électeurs sur 46, un gros tiers
En gros, cela reviendrait à mettre en place le système « démocratique » soviétique : les fonctionnaires à vie gouvernent, une méta-élite, à vie elle aussi mais de temps en temps purgée par des procès, décide de tout, organise pour la beauté du geste démocratique des élections où le gagnant est désigné d’avance et le peuple est félicité pour avoir confirmé à 98 ou 100 % les décisions prises.
Les opposants n’ont ainsi aucune légitimité, aucune légalité aussi, et peuvent être mis soit dans des asiles psychiatriques, soit au travail forcé dans des camps de rééducation.
Il en résulterait, argumentent les tenants de cette thèse, une gestion plus fluide et moins coûteuse du pays. Ce n’est malheureusement pas ce que montre l’histoire des deux derniers siècles ! Car ce modèle de société dirigée par une classe de fonctionnaires inamovibles a été expérimenté en Europe de l’Est, en Asie et même en Amérique et spécifiquement à Cuba où il a produit des résultats catastrophiques aussi bien en économie qu’en matières sociales. Après le célèbre constat de Fidel Castro le 15 juillet 2010 : « Le socialisme, ça ne marche pas » (The Atlantic), c’est son frère président de Cuba, Raúl Castro, qui avait dressé pour le quotidien du Parti communiste cubain, Granma, le tableau d’une administration et d’une classe politique restant en place à vie une fois recrutées, minées par l’absentéisme, la corruption, l’incompétence et le mépris du peuple.
Avec l’expérience, nous pouvons constater que la France est déjà bien engagée dans cette voie et il serait souhaitable de faire le ménage dans l’élite administrative et politique avant d’en arriver prochainement à la nécessaire solution chirurgicale qu’ont mise en œuvre les frères Castro pour amorcer le redressement de leur pays : limoger immédiatement 600 000 fonctionnaires, en sortir un million supplémentaire (11 millions d’habitants à Cuba) du statut de service public, dont une partie a été reprise par les administrations tout aussi immédiatement, mais sous contrat de travail privé avec des évaluations de compétences et de rendement à satisfaire.
Cuba va déjà mieux !
Pour défendre son pré carré parsemé de privilèges salariaux, fiscaux et sociaux, la classe politique française a trouvé une accusation stigmatisante pour ceux qui la critiquent : ils sont traités de « populistes ». Se croyant détentrice unique de la morale républicaine, omnisciente et omni-compétente elle accuse le peuple d’être nationaliste, identitaire, xénophobe, islamophobe, homophobe, manipulé par des réactionnaires vicieux et malhonnêtes en marge des valeurs républicaines.
C’est le premier signe de sa négation de la valeur fondamentale de la République qu’est la démocratie : croire qu’élite et peuple sont antinomiques.
Le peuple a besoin d’une élite, c’est une institution aussi vieille que la famille hétérosexuelle. Le clan primitif, conglomérat de quelques familles unies par le sang, met à sa tête le plus fort, le plus malin, le meilleur connaisseur des herbes qui soignent, le plus sage, peu importe, il lui faut un chef qui le guide et qui soit éventuellement responsable des malheurs qui accablent le clan. En échange il reçoit une meilleure nourriture, des femmes, le droit de commander, surtout en temps de guerre. Il est contrôlé par le conseil des Anciens, forme primitive de Sénat. Ce qui est amusant, car si le projet qui couve (surtout à gauche) venait à être mis en œuvre en France, ce n’est pas le Sénat qui devrait être supprimé comme le propose le parrain Claude Bartolone, mais l’Assemblée nationale.
Pourquoi élire des représentants du peuple, si le peuple n’est qu’une masse de « beaufs », incultes, nationalistes et xénophobes ?
L’élite est indispensable au peuple, mais il n’y a pas d’élite sans peuple c’est une énorme erreur que de croire la chose possible, et le peuple délaissé ou méprisé par son élite, comme l’est actuellement le peuple français, en change par la voie douce si c’est possible, l’élection, ou s’en débarrasse par la violence, et c’est la révolution.
Le peuple français veut encore croire la méthode douce possible, mais manifeste son agacement envers une élite politique corrompue, irresponsable bien qu’elle se dise « en responsabilité » dans son affreux patois, méprisante, imbue de connaissances qu’elle croit au top niveau, acquises dans ses prestigieuses écoles mais ne sont que de la bouillie pour chats qui n’a rien à voir avec la réalité économique, sociale et politique du pays, laquelle na jamais été marxo-keynésienne comme elle l’imagine.
Priver le peuple français de l’exutoire électoral, même s’il n’est pas satisfaisant et ne répond pas aux attentes de l’élite, ce sera le pousser à choisir l’autre voie, la violence que d’aucuns entendent déjà gronder dans le pays.
Au populisme, que l’élite politique de droite comme de gauche veut exclure de la légitimité et de la tolérance démocratique, elle associe le nationalisme et l’identité qui y est associée, considérant que ce sont des symptômes de régression politique et républicaine.
C’est mal connaître l’histoire de la République. Elle a commencé par un extraordinaire élan nationaliste et identitaire qu’elle a cherché à exporter dans l’Europe entière. La Marseillaise est un formidable concentré de populisme, raison pour laquelle elle émeut les Français de cœur et laisse de marbre les Français de papiers. Notre élite politique n’est plus qu’une société du spectacle, qui remplace l’efficacité par la compassion, les résultats économiques et le progrès social par « les enfoirés », le sidaction et les marches contre le terrorisme. Les techniques du marketing de la communication sont mises en œuvre par des démagogues et des imposteurs cyniques, uniquement préoccupés de maintenir leurs postes, leurs rentes et leurs privilèges exorbitants. Ils ont perdu le peuple et le peuple se venge en les méprisant dans l’abstention.
Ils sont convaincus que le peuple vit de pulsions et d’humeurs irrationnelles qu’il faut ignorer et nécessitent un encadrement sévère. Les plus stupides vont même jusqu’à croire que la mondialisation et le remplacement du peuple de souche par un peuple immigré sont des valeurs républicaines, ignorant que celles que les Hollande, Valls, Mélenchon ou Duflot revendiquent, comme l’égalité sexuelle et sociale ou la laïcité, sont les valeurs fondamentales du christianisme.
Tout ce qu’ils ont réussi à faire depuis 1981, c’est à créer des crises financières, casser une société qui fonctionnait bien comme en témoignent les trente glorieuses précédentes, paupériser et endetter l’État et la population, rendre le chômage endémique et généraliser l’insécurité permanente. Et maintenant, nouveau danger et nouvelle démonstration de leur incompétence et de l’impuissance qui en résulte, ils prétendent soigner le cancer islamiste par des potions et des emplâtres, des incantations et des marches citoyennes.
S’ils regardaient au tour d’eux au lieu d’ausculter leur nombril dans les salons nauséabonds du Siècle et de Bilderberg, ils verraient que le nationalisme est partout dans le monde moderne le plus puissant principe de légitimité politique. Associé à la démocratie dont il est l’expression républicaine, il est le seul capable d’opposer suffisamment de résistance à une globalisation sauvage pour pouvoir la réguler, la policer et la rendre acceptable, à l’immigration pour la rendre productive et enrichissante pour tous, indigènes européens comme néo-colons africains et orientaux, à une Europe qu’il a appelée de ses voeux mais a été transformée en lourde et repoussante machine purement administrative, à la lumpen-prolétarisation voulue par l’élite mondialisée qu’il faut endiguer pour retrouver croissance, prospérité et plein-emploi.
« Les véritables ennemis de la démocratie sont l’intransigeance idéologique et le refus du compromis, le fanatisme et le désir de réaliser sans tarder le paradis sur terre« .
On peut ajouter à cette phrase de Pierre-André Targuieff, « pour l’homme socialiste nouveau, asexué, lobotomisé et discipliné » auquel ressemble déjà beaucoup notre vieille élite de gauche en plein dépérissement intellectuel et politique.
Éliminons-la par nos votes.
Maurice D.