UNION EUROPÉENNE :
LA FIN DU DÉBUT ?
(Jean Goychman)

 

Le bateau Europe est en train de couler, mais personne ne veut lancer le « SOS » salvateur qui pourrait limiter les dégâts. Bien au contraire, on tente de nous faire croire que tout va bien, que les épreuves que traverse la (soi-disant) « Union Européenne » vont au contraire la renforcer et, somme toute, lui seront salutaires…

Même si nous sommes habitués au langage de nos politiques qui n’ont pas leur égal pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes, ce qui se déroule sous nos yeux est probablement l’une des dernières pages de la chimère européenne née au lendemain de la guerre. On ne peut pas dire que l’Europe est morte, car elle n’a jamais réellement existé. Certes, il y a eu quelques dates importantes, comme 1957 et le Traité de Rome avec ce qui a été appelé le « Marché Commun », ou l’adoption de la PAC (Politique Agricole Commune) en 1965, mais cela n’a pas suffi, pas plus que le Traité de Maastricht de 1992, pour créer une véritable entité politique européenne. Car tout le reste, hormis l’aspect économique et financier, faisait défaut.

 

Un grand projet caché

 

Bâtie sur la peur savamment entretenue d’un retour possible de la guerre entre les nations (« le nationalisme c’est la guerre ! ») les promoteurs de l’Europe, quelquefois appelés « les pères de l’Europe » parmi lesquels on trouve des individus comme Jean Monnet (que de Gaulle traitait de « malade » [1]) Robert Schuman ou encore Walter Hallstein ont tous avancé sous une sorte de faux-nez. Il s’agissait de faire disparaître les nations européennes dans un ensemble plus vaste, sans limites précises, dont on allait inlassablement vanter les mérites tout en évitant soigneusement de dire quel intérêt représenterait pour les Peuples ce nouvel ensemble. Évidemment, il y a des choses qu’on ne pouvait pas avancer : imaginez que, dans un élan de sincérité, on nous ait dit : « Nous allons créer un vaste espace dans lequel viendront se fondre les peuples et les nations, et avec eux leur culture, leur histoire et leur traditions. Ceci afin de créer in vivo ce que sera le monde de demain dans lequel les gens seront de partout et de nulle part et sur lequel la seule loi qui régnera sera celle du marché ». Le projet européen est, en réalité, un projet de « nouvel ordre mondial » qui ne veut pas dire son nom.

 

De Gaulle « vent-debout » mais non écouté

De Gaulle avait perçu le danger potentiel de ce projet mondialiste non-avoué. Il l’a dénoncé avec force tout au long de sa vie politique. Partisan d’une « Europe des Patries et des Nations » il a constamment dénoncé la supercherie d’une « Europe intégrée » dans laquelle on allait fondre les peuples et les nations « comme des marrons dans la purée ». À l’époque, peu de gens percevaient la réalité du danger et les partisans de l’intégration évoquaient la sénilité du Président, pensant qu’ils seraient bientôt débarrassés de son encombrante personne.

Il s’en suivit une longue période au cours de laquelle on aurait pu penser que les mondialo-fédéralistes allaient finalement gagner.

On est passé par le stade de « l’Europe qui nous protège ». Remarquez bien qu’on pouvait se demander « de quoi », puisqu’en fait de puissance militaire, celle-ci était essentiellement concentrée dans l’OTAN, donc américaine et que le danger représenté par l’Union Soviétique avait pratiquement disparu à la fin des années 60’ et les accords de désarmement réciproques.

Puis, ce fut « l’Europe puissance économique » qui allait pouvoir rivaliser avec les États-Unis et la Chine à la fin des années 80’. Ce discours était tenu alors même que l’ensemble des pays européens étaient en voie de désindustrialisation. C’est donc sur ce quiproquo intentionnellement entretenu que s’est poursuivie cette construction pseudo-européenne.

D’un côté, on se défendait (pour ne pas effrayer les peuples) de toute idée fédérale, et de l’autre (« en même temps »), on multipliait les actions qui allaient, au fil du temps, imposer ce fédéralisme.

 

La crise de 2011 réveille les consciences

La crise américaine de 2007 dite « des subprimes » propagea ses conséquences partout dans le monde, telle une onde de choc qui se réverbère comme les ondes-radio tout autour de la planète. Cette mondialisation, jusqu’alors présentée comme heureuse, qui allait couvrir les peuples de ses bienfaits, met en lumière une césure qui apparut de plus en plus profonde. Le concept du « too big to fail » a mis en évidence que les dés étaient « pipés ». Les banques, à partir d’une certaine taille, ne pouvaient plus faire faillite. Adieu, la main invisible des « marchés » ! Les peuples doivent payer. Les riches ne peuvent, dans ce concept, que s’enrichir davantage et les pauvres ne peuvent que s’appauvrir. La ligne de démarcation se situe très haut, puisque ce qu’il est convenu d’appeler « les classes moyennes » sont parmi les plus touchées. Or, ce sont ces classes moyennes, nées des deux révolutions industrielles, qui constituaient le plus beau fleuron de la démocratie.

L’ascenseur social ne fonctionne plus et la prise de conscience de cette réalité a agi comme une sorte de catalyseur, un révélateur grâce auquel les peuples – en particulier les peuples européens – ont réalisé que cette Europe, vendue comme « protectrice », risquait fort de les paupériser et de leur ôter la souveraineté sans laquelle la démocratie ne peut exister.

Cette première importante lézarde n’a cessé de s’amplifier au fil du temps, provoquant la montée de ce que l’Élite appelle, avec un certain dédain, les « mouvements populistes ».

 

L’immigration : coup fatal pour l’Europe

L’Europe est depuis des siècles, une terre d’immigration. Cela n’a jamais, jusqu’à présent, posé de problème. Les candidats à l’immigration venaient pour s’agréger le mieux possible aux Peuples vivant sur les territoires où ils allaient désormais vivre. Cela leur imposait des devoirs avant de bénéficier de droits. Mais entre une immigration de proximité européenne, englobant même la Russie et une immigration transcontinentale, pour ne pas dire monde, il existe une énorme différence. Le processus est très bien analysé par Douglas Murray [2] qui met en évidence le fait que seules les élites dirigeantes ont, depuis le départ, voulu traiter uniquement entre elles de cette question. Cette façon de procéder, hélas coutumière, dans les prises de décision de l’Union Européenne, induit une suspicion sur le but réel poursuivi. Bien que les dirigeants favorables à l’immigration s’en défendent, s’agit-il ou non d’un « grand remplacement » planifié de l’actuelle population européenne par un flux migratoire entretenu qui permettrait de créer une sorte de « peuple de synthèse » ? Car ces mouvements migratoires ont commencé juste après la guerre et Douglas Murray rappelle qu’une fois encore, les Anglais ont « tiré les premiers » en acceptant chez eux les peuples du Commonwealth. Il faut dire qu’à l’époque et en raison de la guerre, la main d’œuvre était rare et il fallait pallier cette carence.

Ce phénomène s’est reproduit un peu partout en Europe de l’Ouest. Certaines de nos villes et surtout leurs banlieues, ont commencé à ressembler aux cités d’origine des migrants. Séparés du reste de la population autochtone par les barrières de la langue, de culture et de religion, ces gens avaient tendance à se regrouper, empêchant ainsi leur intégration.

 

2015 : l’année de la prise de conscience

Obnubilée par le libre-échange généralisé, voulant à tout prix supprimer toutes les frontières internes pour qu’il n’y ait plus d’obstacle à la circulation des gens, l’Union Européenne s’est tiré une balle dans le pied. Les guerres civiles du proche et Moyen-Orient ont mis sur la voie d’un exode forcé des millions de gens qui ne pouvaient que converger vers l’Europe. La pompe de l’immigration ayant été amorcée plusieurs décennies, ce mouvement était devenu mécanique. L’absence de frontières internes et d’obstacles naturels faisait que tous ceux qui arrivaient à prendre pied sur le continent européen pouvaient s’y déplacer à leur gré. Sous couvert de la demande d’asile inscrite dans le droit international, nombre d’immigrés « économiques » se glissèrent parmi les populations qui pouvaient bénéficier de ce droit, saturant très rapidement les capacités d’accueil des pays européens.

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C’est ainsi que la chancelière allemande ouvrit toutes grandes les portes de l’Allemagne. Plutôt favorables par principe (et peut-être pour faire oublier certaines choses) le peuple allemand, accablé de la propagande continue des vainqueurs, accepta dans un premier temps cette venue massive de près d’un million de personnes. Mais cela ne dura pas. L’être humain est avant tout un animal qui n’aime pas voir son territoire envahi.

De Gaulle avait résumé ce trait de caractère de notre cerveau reptilien en parlant de « Colombey-les-Deux-Mosquées », image qui résumait assez bien le changement de culture imposé par les flux migratoires massifs. Depuis, les choses se sont aggravées sans que les pays de l’Europe réputée unie puissent apporter le plus petit commencement de solution, laissant seuls les pays « de première ligne » face à ces problèmes qui devenaient insolubles.

L’Union Européenne, qui se devait protectrice, a, une nouvelle fois, failli à sa mission.

 

Que reste-t-il de « l’idée européenne » qui nous a été vendue en 1950 ?

À vrai dire, pas grand-chose, si ce n’est le goût amer de la désillusion. Faite au départ pour les Peuples, l’Europe est devenue le pré-carré d’une élite technocratique mondialiste qui ne trouve que la « PEUR » pour tenter d’enrayer la montée de ce qu’ils appellent les « Populistes ». En gros, tout ce qui s’oppose à l’Europe sous sa forme actuelle ne peut que relever du populisme. C’est bien peu. Et en tous cas, pas de nature à ramener la confiance populaire sans laquelle rien de durable ne peut être entrepris. Et ce ne sont ni les replâtrages ni les expédients envisagés aujourd’hui qui changeront quoi que ce soit.

 

Jean Goychman
27/06/2018

 

[1] De Gaulle À Peyrefitte.
[2] L’Étrange Suicide de l’Europe, de Douglas Murray (éd. L’Artilleur).