LA “RÉPUBLIQUE INALTÉRABLE”
(général Martinez)

Depuis la publication par le journal Le Monde d’un article révélant les agissements scandaleux commis le 1er mai dernier par un très proche conseiller du président de la République, chaque jour qui passe apporte son lot de révélations toutes aussi extravagantes et incroyables les unes que les autres. Et d’une affaire qui aurait dû rester cantonnée dans son traitement au niveau individuel portant sur cet individu au comportement qu’on peut qualifier de voyou, voire de barbouze, cette affaire dite « affaire Benalla » est en train de virer au cauchemar pour la présidence de la République car l’état de droit est mis à mal et c’est un véritable scandale d’Etat qui est découvert et qui atteint directement le président de la République lui-même. Pourquoi ?

En premier lieu, le cas Alexandre Benalla, désormais poursuivi pour « violences en réunion n’ayant pas entraîné d’Incapacité », « immixtion dans l’exercice d’une fonction publique », « port public et sans droit d’insignes réglementés », « recel de détournement d’images issues de la vidéo protection » et « recel de violation du secret professionnel » doit interpeller les représentants de la nation et les citoyens français à deux titres.

Tout d’abord, présenté aujourd’hui comme un simple chargé de mission ou conseiller, il bénéficiait en réalité d’un statut particulier du fait de sa proximité avec le président ce qui lui donnait accès, à 26 ans, à certains privilèges et passe-droits exorbitants (logement de fonction dans une dépendance de l’Elysée, salaire insensé, véhicule haut de gamme de type berline avec chauffeur, port d’arme, badge de type H permettant l’accès dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, titre de lieutenant-colonel dans la réserve citoyenne, promesse d’appui pour une candidature au poste de sous-préfet (nomination au tour extérieur) cette candidature ayant été retirée, habilité secret défense…) qu’il considérait de nature à lui permettre de s’arroger des pouvoirs excessifs que personne n’osait ou ne pouvait contester puisque protégé par le président. C’est ainsi d’ailleurs qu’il a pu obtenir des bandes de vidéo-surveillance communiquées par trois fonctionnaires de police de haut rang. C’est dire le pouvoir de ce voyou et sa certitude d’impunité jusque là.

Par ailleurs, cette affaire est révélatrice d’une dérive de cette République exemplaire prônée par le président de la République. On peut même avancer qu’elle est le symptôme d’un dérèglement du pouvoir personnel et que le président démontre par ailleurs sa méconnaissance de la menace qui pèse aujourd’hui sur le pays. Sélective dans les sanctions qu’elle peut être amenée à prendre, cette République favorise curieusement l’infiltration ou le noyautage de nos institutions et des cercles dirigeants de notre pays par le recrutement ou l’entretien de relations obscures, malsaines et inquiétantes avec des personnages dont la loyauté à l’égard de l’Etat français et de de la nation peut être mise en doute. Alexandre Benalla, d’origine marocaine, dont on peut penser qu’il possède une capacité certaine d’influence sur le président, est notamment très sensible à la cause musulmane et à la « Ligue de défense judiciaire des musulmans » créée par l’avocat Karim Hachoui, avocat des voyous, radié du barreau de Paris pour manquements déontologiques et inscrit aujourd’hui au barreau d’Alger et avec lequel il entretient ou a entretenu des relations suivies. D’autres relations avec des personnes non moins embarrassantes ne peuvent pas être ignorées : Makao, ex-garde du corps du président reçu récemment à l’Elysée, s’affiche sans complexe avec Jawad Bendaoud, logeur des assassins du Bataclan ; n’oublions pas l’hésitation du président, en avril 2017, pour prendre ses distances avec Mohamed Saou, référent d’En Marche pour le Val d’Oise, qui pourtant ne cachait pas ses accointances avec « l’islam politique » ; que dire de « l’humoriste » Yassine Belattar pour qui le problème c’est l’homme blanc de plus de 60 ans et qui conseille, voire guide le président à qui le couplet sur « les deux mâles blancs » a probablement été suggéré ; sans oublier Hakim El Karoui conseiller chargé de l’islam qui préconise la création d’une taxe halal pour financer ce que le président croit être une religion. Rappelons que Alexandre Benalla a été introduit dans les rouages du parti socialiste par Najat Valaud Belkacem qui, avec d’autres, n’a fait qu’appliquer dans son action politique la stratégie culturelle islamique à l’extérieur du monde islamique élaborée par l’OCI. Enfin, dans l’optique de la création évoquée par certains d’une police parallèle au sein de l’Elysée, avec des individus comme Alexandre Benalla on ne peut pas exclure, sous couvert de la sécurité du chef de l’Etat, la mise sur pied d’une officine clandestine dérivant vers un système d’écoutes téléphoniques et le montage de coups tordus visant, entre autres, des organisations patriotiques qui dénoncent le danger islamique. La clairvoyance ne paraît pas animer nos responsables politiques et le président semble témoigner une certaine complaisance à l’égard des adeptes du système islamique.

En second lieu, il est évident que sans la révélation de cette affaire accablante par le journal Le Monde personne n’aurait rien su. Elle a donc été soigneusement cachée par nos dirigeants politiques qui à présent se félicitent, toute honte bue, que la justice soit saisie. Il semble cependant que le président de la République n’a pas pris la mesure de la gravité de la situation lorsqu’il a été informé au moment des faits. Mais il ne prend pas conscience non plus de la crise politique qui est en train de se développer depuis cette révélation, jetant le trouble dans les esprits, provoquant l’ébranlement de nos institutions et alimentant la tension chez nos concitoyens persuadés de l’impunité liée au pouvoir de cette « république des copains et des coquins ». Alors, seulement deux questions se posent.

La première porte sur la nature de la relation entre Alexandre Benalla et le président de la République. Pour quelle raison le premier bénéficiait-il de tels privilèges et passe-droits qui le conduisaient à profiter de sa position pour s’arroger en toute impunité des pouvoirs extravagants ? Et pourquoi était-il protégé par le président ? Car, si cette affaire a été soigneusement cachée, et si, de surcroît, la sanction arrêtée était totalement inadaptée – il semble cependant qu’elle n’ait pas été appliquée – c’est bien qu’il était protégé. D’ailleurs, compte tenu de la gravité des faits, le président avait la possibilité, à son retour d’Australie, de demander sa révocation. Il ne l’a pas fait alors que son exercice du pouvoir nous a habitués à des réactions immédiates et brutales lorsqu’il est contrarié. Personne ne peut oublier qu’il y a tout juste un an il poussait le général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées, à démissionner pour avoir fait son devoir et rappelait aux militaires que le chef, c’est lui ! Plus récemment, personne n’oublie le limogeage de Eric Fournier, ambassadeur de France en Hongrie, pour avoir dénoncé dans une note interne la «magyarophobie» des médias français et anglo-saxons. Par ailleurs, personne n’oubliera qu’en 2016, alors qu’il avait été relaxé par le tribunal, le général Christian Piquemal avait été radié des cadres des officiers généraux par M. Hollande pour avoir dénoncé le non-respect de la Constitution et la non-application des lois de la République par l’Etat à Calais. Personne n’a pu oublier, en 2013, l’éviction du général Bertrand Soubelet qui n’a dit que la vérité aux parlementaires qui l’auditionnaient. Est-ce cela la République exemplaire ?

La seconde porte sur l’article 40 du code de procédure pénale et sur l’obligation faite aux différentes instances ou personnes ayant eu connaissance des actes de violence commis par Alexandre Benalla d’en informer le parquet. On imagine aisément que compte tenu de la personne concernée (très proche conseiller du président, ce dernier ayant en outre une conception très verticale du pouvoir), et alors que cette question n’a pas pu ne pas être évoquée dès le 2 mai, quel responsable (ministre de l’Intérieur, préfet de police, cabinet du ministre de l’Intérieur, directeur de cabinet de l’Elysée, secrétaire général de l’Elysée) aurait pris l’initiative de saisir le parquet avec le risque de mettre le président en porte-à-faux ? Cela dit, personne n’ayant pris cette initiative, il revenait logiquement au président lui-même de le faire ou de donner aux services de l’Elysée l’ordre de le faire. Encore une fois, pourquoi le président ne l’a-t-il pas fait ? Et cette seconde question nous ramène à la première car elle sont liées. Tout converge donc vers le président.

Dans cette affaire grave qui tourne au scandale d’Etat, même si des têtes vont tomber, il n’y a pas de réel fusible et le président, qui le sait, est en première ligne et sortira très affaibli de cette débâcle politique. Car finalement, le plus important dans le dénouement de ce scandale ne réside pas dans l’incident du 1er mai mais dans la personnalité d’Alexandre Benalla associée aux dérives qui seront dévoilées par l’enquête. Les réponses attendues à ces deux questions légitimes détermineront si le président a manqué à ses devoirs dans l’exercice de son mandat. Auquel cas, il pourrait tomber sous le coup d’une procédure de destitution prévue par l’article 68 de notre Constitution.

Si la République peut être inaltérable, elle est au service de la France et ceux qui la dirigent ne sont pas au-dessus des lois.

Général (2S) Antoine Martinez

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Coprésident des Volontaires pour la France
23/07/2018