BREXIT : LE BAL DES HYPOCRITES
(Jean Goychman)

Bien que voté par le peuple britannique par référendum en date du 23 juin 2016, l’affaire ne semble guère avancer. Pourtant, dans le Traité de Lisbonne, ersatz du projet de constitution européenne refusé par le peuple français (entre autres, car le référendum n’est pas une denrée très prisée dans l’Union Européenne) et réintroduit – en douce – par un entre-soi de parlementaires forcément « mieux comprenants » que la populace populiste, il existe un article numéroté 50 qui aborde le sujet.

En théorie, cet article 50, assez laconique, stipule que : « Tout État membre peut décider conformément à ses règles constitutionnelles de se retirer de l’Union ».

C’est un peu court, jeune homme, aurait dit Cyrano. En fait, cet article reste très discret, pour ne pas dire muet, sur la procédure à suivre tant par le pays désirant sortir de l’Union que celle que doit effectuer de son côté l’Union Européenne pour autoriser cette sortie. En gros, c’est un accord qui se voudrait amiable : on se sépare mais… on reste copains.

 

Un piège bien caché

On peut y voir une certaine bonne volonté de la part de cette Union Européenne, qui ne voudrait pas trop compliquer les choses au cas où l’un de ses « enfants » voudrait s’émanciper.

C’est une vision angélique.

En fait, cette absence de procédure bien balisée permet surtout de mettre tous les bâtons dans les roues nécessaires pour décourager les imprudents qui oseraient braver, voire défier, cet « Empire du Bien » que prétend être l’Union Européenne sous sa forme actuelle. Cela ressemble fort à une sorte de « clapet anti-retour » judicieusement interposé sur la route de la liberté.

 

La politique du pire

L’Union Européenne sait qu’elle est de plus en plus fragile.

L’absence de résultats concrets conformes aux promesses faites, des crises économiques et financières, des politiques d’austérité qui laminent en poussant inexorablement des populations entières issues des classes moyennes vers les seuils d’une pauvreté redoutée et pour finir une immigration non-désirée par la plupart des peuples qui se la voient imposée par une oligarchie de plus en plus arrogante. Dans ces conditions, accepter un BREXIT qui permettrait aux Anglais de conserver certains privilèges au titre d’une amitié passée pourrait se révéler suicidaire.

Il faut qu’en aucun cas le BREXIT puisse donner le sentiment aux autres peuples que, finalement, la vie à l’extérieur de l’Union ne serait pas si terrible, voire même meilleure que s’ils étaient restés.

C’est donc sans surprise que les négociateurs (côté européen) ont cherché quel était le point faible des sécessionnistes. Et apparemment ils ont trouvé le talon d’Achille. C’est l’intégrité même du Royaume-Uni qui est directement menacée. Ils vont obliger, du moins le pensent-ils, l’Angleterre à faire un choix cornélien.

 

De la promesse non tenue à la menace coercitive

Cette volonté de la part de l’Europe était d’ailleurs affirmée dès le départ par le président de la Commission Européenne, Jean-Claude Junker, qui déclarait : « le BREXIT ne se passera pas comme un divorce à l’amiable ». On peut même avoir le sentiment aujourd’hui l’Union Européenne joue son va-tout. Depuis plusieurs mois, les discussions se sont enlisées et le négociateur européen désigné, Michel Barnier, laisse entendre que le schéma du « BREXIT dur » (c’est à dire sans aucun accord) est de plus en plus probable. Il sait très bien que ceci sera inacceptable pour les Irlandais du Nord et peut-être même pour les Gallois. Quant aux Écossais, ils ont récemment manifesté une certaine volonté d’indépendance par rapport à l’Angleterre. Certes, le référendum a été gagné par les partisans de l’Union, mais de justesse. De plus, ressent-on nettement que les médias pro-européens de langue anglaise sont à l’offensive depuis le début.

Bref, tout le monde comprend que ce BREXIT sera un peu « l’heure de vérité » de cette Europe qui ne trouve plus sa justification que dans le fait de démontrer que ceux qui la quitterait perdraient plus que ceux qui resteraient. Curieux paradoxe pour une construction politique qui se voulait basée sur l’intérêt mutuel des peuples, auquel se substitue progressivement une sorte de chantage qui peut se transformer rapidement en menace à peine voilée.

 

Quitte ou double ?

Le pire scenario serait qu’après un BREXIT « dur », dans lequel l’Angleterre serait considérée comme un pays « tiers », donc un retour à un état antérieur à son entrée dans le Marché Commun de 1973, s’en sorte mieux que les pays de l’Union. C’est donc une véritable partie de quitte ou double qui va se jouer. L’importance de l’enjeu européen va conduire les partisans de l’euro-mondialisme et leurs adversaires à s’affronter dans un combat sans merci dans lequel tous les coups seront probablement permis. Adversaire résolu de l’Union Européenne, le président Trump a déjà annoncé la couleur. Il est prêt à venir au secours de l’Angleterre si Theresa May s’engage dans un départ total, faute de quoi il n’exclue pas de dénoncer les accords bilatéraux entre les USA et l’Angleterre.

 

Les Anglais ont des billes

Cela dit, les Anglais possèdent un certain nombre d’atouts dans leur jeu, parmi lesquels on trouve notamment le monopole de production des ailes des Airbus. Ils fournissent également une partie des moteurs et un certain nombre d’équipements indispensables. Les syndicats anglais de l’ADS Group (professionnels de la construction aéronautique) ont envoyé le 7 juin 2018 une lettre à Michel Barnier pour lui faire part du danger que représenterait pour Airbus un BREXIT non-négocié. Ils attirent son attention sur le risque d’un arrêt des chaînes d’assemblage au cas où la Grande Bretagne redeviendrait un simple pays tiers…

 

Seule une Europe des nations est possible

La partie qui s’engage est donc décisive, bien au-delà d’un simple départ d’un seul pays parmi les 28 membres de l’UE. C’est l’existence même de l’Union Européenne qui risque de se jouer, du moins dans sa forme actuelle. Il semble plus que jamais nécessaire de proposer une nouvelle voie vers une autre forme d’Europe qui se ferait autour des Nations avec l’assentiment des peuples.

Délibérément écartée depuis des décennies par les euromondialistes qui ont tout fait pour imposer une Europe fédérale (qui n’a aucune chance de voir le jour), ce chemin semble le seule réaliste pour pouvoir rassembler les peuples européens en préservant les nations et leur souveraineté.

Jean Goychman
21/07/2018