AFFAIRE BENALLA-MACRON : UNE FUSÉE À PLUSIEURS ÉTAGES ?
(Jean Goychman)

Depuis une dizaine de jours, l’affaire Benalla monopolise littéralement tous les médias. Je ne vais pas revenir sur ce qui a déjà été largement commenté et continuera de l’être pendant les prochains jours. La chose qui me paraît la plus frappante est le décalage dans le temps entre l’élément déclenchant et sa révélation médiatique.

 

Un secteur devenu primordial

La communication est devenue un vecteur essentiel sur le terrain politique. C’est aussi bien une arme offensive que défensive. Sa mise en œuvre nécessite des stratégies de plus en plus élaborées. Elle s’apparente à un jeu d’échecs dans lequel les adversaires essayent de masquer le plus longtemps possible la pièce sur laquelle va se porter l’attaque. En d’autres termes, ce que les adeptes du billard appellent « la bande avant » à tendance à se généraliser. C’est ainsi que l’affaire Benalla est devenue l’affaire Macron. La grande inconnue réside dans l’intervalle de plus de deux mois entre les événements et leur annonce. Est-ce purement fortuit ou calculé ?

 

Événement isolé ou début de séquence ?

Steve Banon

Trop tôt pour l’affirmer, mais le blog « Insolentiæ » peut apporter un élément de réponse. Son auteur, notre ami Charles Sannat, établit une relation entre les positions internationales et européennes défendues par le président Macron et les attaques médiatiques dont il est l’objet. Il cite même une phrase prononcée par Steve Banon lors d’un interview avec le magazine allemand Die Welt : « Macron et Merkel tomberont comme des quilles ! »

Charles Sannat, s’appuyant sur un article publié dans le magazine Challenges (réputé plutôt favorable aux idées d’Emmanuel Macron) et intitulé « Bannon crée une organisation pour paralyser l’Union Européenne » nous déclare sans ambages qu’une lutte à mort s’est engagée entre « Mondialistes » et « Souverainistes ».

Or ce conflit, qui existe depuis pratiquement la fin de la deuxième guerre mondiale, s’était jusqu’à présent déroulé à l’avantage exclusif des Mondialistes (tenants de ce que d’aucuns appelaient le « Nouvel Ordre Mondial ») vient de connaître un tournant important avec l’entrée à la Maison Blanche en janvier 2017 du Président Donald Trump.

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La nouvelle donne mondiale

Car si les « Mondialistes », à la tête desquels on trouve l’État Profond américain, ont réussi à façonner le monde depuis plusieurs décennies grâce à leur doctrine (ou plutôt « leur dogme ») du Libre-échange généralisé étendu à la Planète, un courant de pensée souverainiste remettant en selle l’idée de la Nation comme entité souveraine, a cependant émergé au fil du temps. Longtemps rendue responsable – au mépris de la réalité – des guerres du passé, l’idée de la Nation comme « seule réalité internationale » est en train de s’imposer. En prenant un peu de recul, on constate que la 1ère guerre mondiale a fait disparaître les empires monarchiques ; la 2ème, les empires coloniaux ; il faut donc aujourd’hui, pour établir un gouvernement mondial (but ultime des Mondialistes) faire disparaître les Nations. Seulement voilà… La financiarisation du monde, nécessaire pour obtenir la croissance économique sans laquelle les États ne peuvent payer les intérêts des dettes sans laquelle la monnaie des banques centrales ne peut être émise, n’a pu s’obtenir qu’en industrialisant les pays émergents. Ces pays sont devenus, pour certains d’entre eux des Nations puissantes, comme la Chine, qui ne veulent pas se voir imposer un pouvoir planétaire.

Dans le projet mondialiste, l’Europe représente l’appartement-témoin, celui que l’on fait visiter aux clients pour emporter la vente et qui fait passer de l’idée au concret. Il faut bien reconnaître que c’est loin d’être un succès et que Steve Bannon a bien l’intention d’exploiter cet échec.

 

Macron et Merkel : les cibles désignées

L’affaire Benalla arrive, de ce point de vue, au moment critique. Le début des vacances est traditionnellement une période où il ne se passe pas grand-chose. Et l’opinion publique n’en est que plus réceptive. Peut-être est-ce une raison de ce décalage de plus de deux mois ? Le journal Le Monde, par lequel l’affaire est arrivée, était pourtant considéré comme favorable à Emmanuel Macron, tout comme le Huffington Post ou Libération. Or, ils ne l’ont guère épargné, bien au contraire. Tout comme les chaînes de TV BFM TV ou LCI qui sont restées en boucle sur le sujet durant des journées entières. Elles avaient beau inviter sur leurs plateaux des députés de la majorité LREM, leur langage « convenu » s’est révélé plutôt contre-productif.

Que s’est-il donc passé qui a provoqué ce lâchage en rase-campagne ?

Ne pouvant plus compter sur Angela Merkel (elle-même en proie à de sérieuses difficultés) Emmanuel Macron – qui a dû annuler son déplacement sur le site du tour de France – pensait pouvoir se refaire avec ses visites en Espagne et au Portugal. Mais le bruit de la tempête Benalla les a rendues inaudibles. Le projet de câble sous-marin reliant la France à l’Espagne pour lui fournir de l’énergie électrique n’a pas captivé les foules. Pas plus que son vibrant appel à la souveraineté européenne à laquelle personne ne croit plus…

 

La main des Souverainistes derrière tout ça ?

Comment ne pas y penser ?

Qui d’autre aurait intérêt à agir de la sorte ? Il faut dire qu’Emmanuel Macron, qui préfère les qualifier de nationalistes ou de populistes, qu’il compare ensuite à la lèpre, n’a pas non plus fait dans la dentelle.

Ensuite, outre les vacances, la campagne pour les élections européennes va bientôt s’engager. Elle va prendre une importance capitale car c’est la première fois qu’il existe un véritable doute sur la majorité future du parlement européen. En fin politique, Steve Bannon le sait et il ne ménagera pas ses efforts pour pousser les Souverainistes vers la victoire.

Il y a également le bras de fer du BREXIT qui se profile avec toutes les incertitudes qu’il porte.

 

Emmanuel Macron a-t-il déjà fait son temps ?

Mais il n’y a pas que cela. Ses prédécesseurs – Nicolas Sarkozy et François Hollande – ont vu également des retournements d’opinion dus à des campagnes médiatiques qui ont conduit à d’inexorables baisse de leur cote de popularité. Ce fut à la fin 2008 pour Sarkozy et dès la fin 2012 pour Hollande. Les « affaires » n’étaient pas identiques mais eurent les mêmes résultats, qui empêchèrent la réélection de Sarkozy et conduisirent Hollande à ne pas se représenter.

Emmanuel Macron subira-t-il le même sort ?

Si tel était le cas, nous devrions assister dès l’automne prochain à la mise à feu des étages suivants de la fusée.

 

Jean Goychman
31/07/2018


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