« Disruption » est un terme rarement utilisé en dehors des milieux scientifiques.
Quand une étincelle électrique suffisamment riche en énergie perce un isolant réputé efficace, il y a disruption ; en astronomie, la disruption est l’éclatement d’une étoile sans que les astronomes arrivent à identifier le petit événement qui l’a provoqué, etc. Bref, il y a disruption quand un fait en apparence minuscule, genre tempête dans un verre d’eau, provoque la destruction d’un système qui paraissait indestructible.
Personne ne peut encore dire quelles seront les dégâts définitifs provoqués par l’affaire Benalla sur le « système » Macron réputé à l’épreuve de toutes les attaques de l’opposition, du populisme, du trumpisme ou du poutinisme. La commission d’enquête du Sénat reprendra ses auditions à la rentrée et les enquêtes de justice et de police commencées en juillet se poursuivront. On verra ce qui en sortira. Mais quoi que ce soit, Macron a déjà perdu deux grands combats : celui de la communication et celui de l’invulnérabilité dont il se prévalait et dont témoigne son stupide « qu’ils viennent me chercher ».
L’effondrement de la communication de Macron
L’équipe de communicants du président était, disait-on, imbattable, la fine fleur des spécialistes en communication. Elle terrorisait beaucoup de journalistes qui acceptaient sans discuter, sans vérifier et sans enquêter ses « éléments de langage ».
L’affaire Benalla était connue de l’entourage du président depuis début mai.
Quand elle a éclaté à la mi-juillet, l’invraisemblable s’est produit. On a découvert une équipe affolée car non préparée, sans directive, improvisant des messages confus et contradictoires ne manquant pas de mensonges flagrants, débordée par l’emballement médiatique sur Benalla. Elle qui croyait tous les médias à sa botte. Elle a à la fois perdu ainsi l’initiative et sa réputation.
Les intervenants de la garde rapprochée de Macron ont fait preuve du même amateurisme.
- Dénégations offusquées et mensonges pour commencer, suivis des explications vasouillardes de Bruno Roger-Petit, incompétent notoire arrivé à son poste de porte-parole par la volonté du prince en récompense de léchouilles.
- Incroyable bêtise de Castaner faisant du garde du corps préféré du président un bagagiste au service de footballeurs.
- Le ministre de l’Intérieur (comment s’appelle-t-il déjà ?) se parjurant en bêlant devant la commission parlementaire qui l’auditionnait et jurant qu’il avait appris par les journaux les aventures du cow-boy chéri du couple Macron.
- Le préfet de Paris, Michel Delpuech, mentant comme un arracheur de dents.
- Et quelques autres tous aussi nuls.
Tout ce cafouillis jusqu’au retour du prince devant une poignée de fidèles, reprenant la main pour affirmer que le problème avait été réglé au mieux, qu’il n’était ni l’amant ni la maitresse de Benalla (avait-il donc besoin de se justifier ?), qu’il n’avait rien à se reprocher mais qu’il assumait tout parce qu’il est le chef, et terminant par son désormais célèbre « S’ils veulent un responsable… qu’ils viennent me chercher »…
Comment un homme qui vantait la complexité de son intelligence a-t-il pu commettre une telle erreur de communication ? Car même un esprit simple, s’il a été en cour de récréation, sait que le « venez me chercher » est un chiffon rouge qui provoque neuf fois sur dix une attaque groupée. Les Français y ont vu un acte de virilité enfantine non aboutie.
Premier effet visible : le retournement de la presse mainstream
L’attaque médiatique est l’effet visible, mais elle cache une cause plus profonde : le lâchage des soutiens qui ont « fait Macron » avec leurs réseaux, leurs finances et leurs médias, journaux et chaînes de télévision dont ils sont les propriétaires, Xavier Niel, Patrick Drahi et quelques autres de moindre influence. Dont, peut-être (mais ils sont étrangement silencieux et n’ont pas volé au secours de leur pupille) ses mentors : Jacques Attali et Alain Minc.
Les médias qui débordaient d’enthousiasme pour le président, allant jusqu’à éviter de parler de faits délictueux qu’ils connaissaient mais qui auraient pu contrarier l’Élysée, ont fini par comprendre que la seule chose que Macron attendait d’eux, c’est leur obéissance aveugle.
Macron a commis une seconde erreur : il leur a ostensiblement montré son mépris, les tenant à l’écart du jeu élyséen, ne les appelant que lorsqu’il avait besoin d’eux pour faire avaler aux français une pilule amère et leur demandant alors de maquiller la vérité sur le chômage progressant, la dette et la dépense publique grandissant, les impôts et taxes augmentant, et, on le sait depuis quelques jours, la croissance annoncée pour 2018 n’étant pas au rendez-vous.
Après avoir avalé beaucoup de couleuvres, ils ont décidé de se rebiffer et c’est le plus solide d’entre eux, Le Monde, qui a lancé la torpille Benalla.
Une nouvelle erreur : accuser les russes d’avoir amplifié l’affaire Benalla
L’affaire EU Desinfolab, est devenue l’affaire dans l’affaire. Pour tenter de faire diversion, LREM a laissé fuiter que les russes ne seraient pas étrangers aux plus ou moins quatre millions de tweets qui ont commenté négativement l’affaire Benalla. « L’affaire Benalla a occupé Twitter en ce mois de juillet dans des volumes que nous n’avions presque jamais croisés auparavant. Ce volume a également été fortement amplifié par un petit nombre de comptes… Est-ce un gonflage numérique contaminé par de la désinformation ? »
Rappelons d’abord à LREM que l’affaire n’est pas venue de Tweeter, mais a été lancée par Le Monde et développée immédiatement par Libération et Huffingtonpost. Tweeter a embrayé ensuite.
Pour débusquer les facho-russophiles suspectés d’être à l’origine des méchants tweets, la petite ONG Desinfolab basée à Bruxelles a filtré, selon son propre rapport publié sur le site Y Les Crises, les 4 millions de tweets selon un seul critère : les tweeters ont-ils consulté les sites russes Russia Today et Sputnik ? Une énorme faute de méthodologie statistique aussitôt dénoncée par les vrais spécialistes. Car inévitablement, ils ont trouvé des tweeters ayant consulté ces deux sites, mais aussi beaucoup d’autres sites comme Libé ou Le Figaro.
Une loi générale des réseaux sociaux postule de manière empirique que 20% des utilisateurs produisent 80% du contenu. Or Desinfolab dit avoir trouvé 2.600 comptes qui auraient produit 1,6 million des 4 millions de tweets. On est en-dessous de la norme ! Et Desinfolab a notamment pointé chez ces 2.600 retweeters des militants de La France Insoumise et d’autres de La Manif Pour Tous. Et seulement trois faux comptes (peut-être robotisés) ont été débusqués sur les 55.000 fichés, ce qui est très peu comparé à la vague de tweets pro-Macron en 2017.
Desinfolab a-t-il été vexé par les critiques émises l’accusant de fake news ? Pour se justifier, ils ont publié la liste des opposants à Macron, une nouvelle et énorme faute professionnelle, sans prouver en quoi que ce soit d’une quelconque ingérence russe.
Un secrétaire d’État fantoche achève de crever la bulle : la barbouze qui a coulé le porte-avions présidentiel
Ce qui n’a pas empêché un autre chouchou de Macron, Mounir Mahjoubi (décidément, il n’y a que des alsaciens et des bretons dans l’entourage présidentiel !) de suggérer, en pleine affaire Benalla-Macron, de supprimer de vos smartphones l’application Twitter afin que vous ne soyez pas perturbés par les critiques des « haters et nuisibles grincheux » (sic) et n’écoutiez que la divine parole macronienne. Sans même prendre la peine de dire un seul mot au sujet du fichage politique réalisé par Desinfolab dont LREM s’est régalé, dont la CNIL est saisie, et qui constitue tout de même le plus gros scandale numérique relatif aux libertés individuelles en France. Et devinez qui est ce rigolo ? – Mounir Mahjoubi, « secrétaire d’État en charge du numérique » !
La macronie serait déjà morte si le ridicule tuait. C’est ainsi que l’étoile Macron a explosé.
L’Imprécateur
22/08/2018