MACRON : FAUTE D’ACTION, ON COMMUNIQUE
(Jean Goychman)

Faute de pouvoir agir, Emmanuel Macron communique

Et il communique sur tout.

Plus que tous les ministres de son gouvernement, les membres les plus importants de son entourage semblent être ses « communicants », pour reprendre un terme un terme de plus en plus utilisé. Je me souviens d’un documentaire diffusé sur France 3, intitulé « le vrai Macron », ce qui laisse fortement penser qu’il y a une sorte de dédoublement du personnage et que celui qui nous est présenté diffère sensiblement de la personne réelle. François Henrot, directeur de la banque Rothschild, nous livre également en confidence qu’il avait remarqué, parmi toutes les qualités d’Emmanuel Macron, un don inné pour « communiquer, c’est-à-dire raconter des histoires » (repère vidéo : 03:44). On ne saurait être plus clair…

 

Les lendemains qui déchantent

Emmanuel Macron a fait une campagne présidentielle, je dirais même « a été l’objet d’une campagne présidentielle » menée comme une campagne de publicité. Il fallait donner au client l’envie d’acheter le produit. Et le produit, ce n’était pas un programme politique, mais Emmanuel Macron lui-même.

Phénomène somme toute courant aux États-Unis, mais plutôt nouveau en France. Tout était centré sur sa personne. Pas de parti politique, pas d’expérience politique en tant qu’élu, pas d’implantation locale, bref, il jouait le rôle d’un homme politique. Qui a écrit le scénario ? Qui a financé le film ? Pas plus que le spectateur d’un film ne s’en préoccupe, les spectateurs de ses meetings ne se sont posé la question. Jean Gabin, dans « le président » d’Henri Verneuil, se livrait avec brio à l’exercice. Ce film avait été inspiré par le roman de Georges Simenon, mais je m’empresse d’ajouter que toute ressemblance de situation serait naturellement purement fortuite.

Où en sommes-nous 15 mois après l’élection ?

Emmanuel Macron voulait redynamiser la construction européenne. C’était d’ailleurs l’axe principal de son action future. Pour lui, tout passait par l’Europe. La France devait s’y dissoudre, comme les autres pays, qui devaient dès lors penser en termes de « souveraineté européenne » pour compenser la perte de leur propre souveraineté. Curieuse vision d’une souveraineté partagée née du renoncement à sa propre souveraineté ! Notre président avait compris que l’essentiel était de prononcer le mot, dont peu importait le sens… Bref, une Europe fédérale ouverte au monde qu’elle préfigurait, appartement-témoin d’un « multilatéralisme » qui marquerait de son emprise l’ensemble de la planète, allait lui permettre de donner sa pleine mesure.

Pourtant, rien ne se passa comme il l’avait prévu.

Progressivement, la « lèpre populiste » comme il le dit lui-même, prenait le dessus, élection après élection. Et le phénomène devenait mondial. Les soutiens sur lesquels il croyait pouvoir indéfectiblement compter lui firent défaut les uns après les autres. Les élections allemandes, autrichiennes puis italiennes, révélatrices d’un profond malaise des peuples face à une Union Européenne sans boussole, lâchée par ses promoteurs américains, interdirent l’accès à la route du fédéralisme et à la voie du Mondialisme qui lui est consubstantiel. Emmanuel Macron ne peut donc qu’assister au délitement de cette Europe sur laquelle il avait apparemment tout misé.

 

Piégé par lui-même

En ayant mis l’Europe (sous-entendu fédérale) au centre de son discours, son seul paramètre de pilotage était de réussir à convaincre Angela Merkel que, meilleur que tous ses prédécesseurs, il allait faire accepter aux français la cure d’austérité nécessaire pour rentrer « dans les clous » de la « règle d’or » de 2012. Il pensait ainsi probablement que la chancelière serait alors obligée de le suivre et d’accepter un ministre des finances de la zone euro, conduisant de fait au fédéralisme.

Empêtrée dans ses problèmes d’alliances introuvables, nous savons aujourd’hui qu’Angela Merkel, grande perdante des élections allemandes de l’automne 2017, n’apportera aucune aide au président français, lequel se retrouva de plus en plus isolé dans une Europe qui, élection après élection, est de plus en plus remise en question par les peuples eux-mêmes.

 

Les financiers grands gagnants de la « règle d’or »

La communication masque, une fois de plus, la réalité de la situation.

Le gouvernement italien a décidé de laisser filer le déficit budgétaire pour améliorer le sort du peuple italien. Il a fait ce que tous les gouvernements démocratiquement élus, placés dans une telle situation, devraient faire. Cet engagement implicite est perdu de vue par certains, qui préfèrent privilégier le système financier dont, apparemment, ils bénéficient.

Ceux-là s’abritent derrière les traités pour imposer des mesures ineptes. La « règle d’or » permet en fait de garantir que les intérêts des dettes souveraines seront payés, année après année, aux financiers qui nous prêtent de l’argent qu’ils créent à partir de rien et ne leur coûte pas un centime.

Cela, Macron le sait mais ne le dit pas.

Or, à bien y réfléchir, ce système a ôté toute possibilité d’action à nos gouvernants en les privant du pouvoir réel qui était de contrôler la monnaie de leur pays afin de l’adapter à son économie. Au fil des années, la monnaie qui était avant tout une institution au service du peuple, a été « marchandisée » par les financiers. Ceux-ci ne l’émettent que sous forme d’une dette qui leur génère des intérêts qui sont, dans les emprunts que font les États pour boucler leurs budgets, garantis par les impôts de leurs citoyens.

 

Les ratés de la com’

Seulement voilà, la communication ne fait pas tout.

LE FRONT POPULISTE

Même dans les plans les plus élaborés où l’on pense avoir réponse à tout, l’impensable arrive. Le « grain de sable » parvient toujours à bloquer la machine, aussi perfectionnée soit-elle. Ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Benalla » a mis en difficulté notre président au moment même où sa popularité commençait à décliner. Hasard du moment ou choix délibéré ? La question se pose… Toujours est-il que la réponse des communicants ne fut guère crédible. On sentait bien qu’il y avait du mou. La première salve était partie, mais ils ne savaient pas si c’était un tir isolé ou de simple réglage pour la suite. Et la suite vint, d’une manière progressive, avec des informations distillées chaque jour. De son côté, Emmanuel Macron fit le service minimum, comme s’il attendait d’avoir une vision à la fois plus claire et plus globale de l’étendue de l’attaque. Car après l’affaire Benalla, qui nous promet, au travers de la commission sénatoriale, quelques rebondissements probables, survint l’affaire Alexis Kholer. On montait la hausse du canon vers le haut de la hiérarchie élyséenne. Ne voulant pas s’exposer en terrain ainsi découvert, notre président choisit la retraite opportunément justifiée par la période des vacances, bien à l’abri derrière les murs propices du fort de Brégançon.

 

Et maintenant ?

La route de l’Europe semble coupée, le sujet de l’immigration risquant de devenir un endroit de « sables mouvants » dans lequel il ne semble guère judicieux de s’aventurer. Sur quel sujet va-t-il asseoir sa communication ?

  • Le budget 2019 ? – Opération très « casse-gueule »
  • La réforme des retraites ? – Attention danger !
  • Les élections européennes ? – Pas facile en l’état.

Ne doutons pas une seconde que l’effervescence ne règne chez les communicants de choc. Il va leur falloir faire preuve d’imagination. Ne les sous-estimons pas : ils sont encore capables de nous surprendre. Ce quinquennat, qui n’avait déjà pas l’apparence d’un « long fleuve tranquille » va-t-il se transformer en rodéo pour Emmanuel Macron où le seul objectif sera de ne pas être éjecté par la monture de plus en plus récalcitrante, incarnation du vote populaire qui l’a mis en selle ?

 

Jean Goychman
27/08/2018