MACRON : LA GRANDE DESILLUSION
(Jean Goychman)

Je relisais ce matin un article de presse que j’avais archivé après l’élection présidentielle de 2017.

Publié par Vincent Ortiz sur le site « Le vent se lève » en février 2017 (1) et intitulé « comment les médias ont fabriqué le candidat Macron », l’auteur avait décrit pas à pas, en collationnant les titres des articles parus dans la presse écrite et audiovisuelle, l’ascension du candidat quasi-inconnu au début de l’année 2014 et la façon dont il avait été imposé par ces mêmes médias d’une façon progressive, tout au long d’une campagne qui, il faut bien le reconnaître, n’était pas sans rappeler par divers aspects celles que les publicitaires emploient pour faire acheter un nouveau produit destiné à un « segment de clientèle » spécifié. Sauf que, dans ce cas, il fallait toucher tous les segments de l’électorat.

Il y en a eu pour tout le monde !

L’objectif de la campagne de communication était de donner à chacun d’entre nous une raison pour, à terme, voter Emmanuel Macron. Bien sûr, cela n’était pas dit clairement, personne n’aurait été dupe. Non, c’était fait beaucoup plus intelligemment, par des articles ou des reportages qui étaient destinés tout d’abord à le « faire connaître », c’est à dire que chacun connaisse, outre son existence, sa figure et surtout pouvoir mettre un nom dessus.
Le « timing » (mot que je n’aime guère lorsqu’il est employé en français, mais qui est plus facile à écrire que « diagramme de temps dans lequel les actions envisagées devront être réalisées ») avait été soigneusement mis au point pour que la montée en puissance de cette opération puisse se dérouler sans que les gens aient l’impression d’un « matraquage » médiatique. Il s’agissait, sans jamais l’évoquer directement, de faire en sorte que sa candidature apparaisse comme la suite logique de la séquence. En fait, il fallait entretenir une sorte de suspens destiné à faire croire qu’Emmanuel Macron n’avait pas encore pris de décision. D’où un ciblage spécifique des différentes strates qui constituent la population française en âge de voter avec une sorte d’orientation du propos en fonction de l’électorat représenté.

Pas moins de 8000 articles…

D’après l’article de Vincent Ortiz, ce sont 8000 articles qui ont été ainsi publiés par seulement 3 publications de janvier 2015 à janvier 2017 alors que, dans le même temps, les 3 figures de gauche considérées comme candidates potentielles à l’élection de mai 2017 ne se voyaient consacrer au global dans les mêmes publications que des chiffres nettement inférieurs. On peut considérer, au vu des chiffres, qu’Emmanuel Macron, qui était probablement le moins connu en janvier 2015, a bénéficié d’environ 3 fois plus d’articles que chacun de ses éventuels compétiteurs de gauche alors même qu’il n’était pas candidat déclaré.

Etait-ce de sa propre initiative ?

Voila la grande question. Emmanuel Macron a-t-il mûri ce plan tout seul (ou avec quelques amis sûrs) ou bien  avait-il été décidé ailleurs ? Si l’on en croit Vincent Ortiz, ce sont les médias qui ont fabriqué Emmanuel Macron.
On peut, avec le recul du temps, considérer ce point comme acquis. Mais cela ne répond pas, loin de là, à la question. Car si nous connaissons l’outil utilisé, nous ne savons pas qui l’a manié, ou du moins commandité. Et cela pose le véritable problème de nos démocraties. Dans quelle mesure le conditionnement médiatique influence-t-il le libre arbitre des électeurs ? Car nous n’avons, pour décider de notre choix, que l’image qui nous est transmise par les médias, incluant les discours de campagne. Lorsque le candidat a derrière lui une longue carrière politique, ayant occupé des postes à responsabilités dans lesquels il devait agir, on peut relativiser la subjectivité des médias en s’appuyant sur des faits, même si l’individu peut évoluer dans le temps. Mais dans le cas d’Emmanuel Macron, ce n’était pas le cas.
Il fallait signer le « chèque en blanc ». Mais à l’ordre de qui allions nous établir ce chèque ?

Le déroulement de la campagne a-t-il élargi le problème ?

D’aucuns disaient que l’élection allait se jouer au 1er tour et cette hypothèse peut s’envisager, notamment par la lecture de l’article du quotidien « 20 minutes »(2) et l’allusion au dîner de « La Rotonde » du 23 avril :

« Après le dîner à La Rotonde dimanche, interprété par certains comme un signe de triomphalisme trop précoce, Emmanuel Macron insiste : « Notre joie est grave car notre responsabilité est immense ». « Je n’ai qu’un seul ennemi », enchaîne-t-il, « nos fractures et nos divisions ».

Incontestablement, il savait la partie gagnée car l’essentiel semblait joué. Et l’essentiel était d’arriver à un duel avec la candidate du Front National. Car le Front National incarnait tout ce que les euromondialistes ne voulaient pas voir arriver au pouvoir dans notre pays. Un autre candidat face à lui, comme François Fillon, aurait pu lui poser un énorme problème.

Et c’est là où l’analyse des événements qui se sont enchaînés peut porter à croire qu’Emmanuel Macron avait fait, comme on dit dans les milieux du spectacle, l’objet d’un « casting », c’est à dire qu’il avait été choisi parmi plusieurs possibilités parce qu’il répondait au mieux aux critères de recherche établis.
Reste à savoir qui, dans ce cas, aurait tiré les ficelles ?

Des pré-requis quasi-obligatoires ?

Issu de l’ENA, appartenant au corps prestigieux de l’inspection des finances, il est remarqué par Jacques Attali. A en croire Anne Fulda (3), celui-ci disait : « Emmanuel Macron ? C’est moi qui l’ai repéré. C’est même moi qui l’ai inventé. Totalement. A partir du moment où je l’ai mis rapporteur, où il y avait Tout-Paris et le monde entier et où je ne l’ai pas éteint, il s’est fait connaître. C’est la réalité objective. »

Ainsi cornaqué, notre Emmanuel ne pouvait que brûler les étapes. Rothschild en 2009, secrétaire général adjoint à l’Elysée en 2012, intronisé Young Leader (4) la même année, il est invité à la Conférence Annuelle du club des Bilderberg (5) en 2014. Il avait donc fait le parcours de sélection et il fallait simplement installer la fusée sur sa rampe de lancement. A lire l’article de Médiapart, il est vraisemblable que cette présence à la conférence de 2014 ait été pour lui une sorte de « grand oral » à l’issue duquel il fut adoubé par le cartel finance-médias qui dirige ce groupe.

Une trajectoire périlleuse

Cette hypothèse permet de voir avec un regard différent l’enchaînement des événements qui ont porté Emmanuel Macron, à la candidature d’abord, à l’Élysée ensuite. On comprend mieux le programme qu’il applique, notamment en matière d’économie. En premier lieu, garder l’Union Européenne dans le camp du libre échange mondialiste en accélérant le processus de ratification des traités entre continents. Ensuite, renforcer les bases du fédéralisme européen en obtenant la création d’un ministère des finances de la zone euro ainsi que des listes plurinationales pour les élections de mai 2019. Sur un plan mondialiste, s’appuyer sur la COP 21 et le traité de Paris pour accélérer le processus de « transition écologique » et accréditant l’idée d’une taxe carbone mondiale pour financer la lutte contre le réchauffement climatique en affirmant que celui-ci ne peut venir QUE de l’activité humaine. Enfin, dans chacun de ses discours internationaux, il oppose le bilatéralisme (accord entre deux Etats) au multilatéralisme (accord global entre groupe d’États)

Enfin, décliné sur un plan national, cela se traduit par la suppression de l’ISF (du moins pour les patrimoines mobiliers) et le maintien, voire le renfort du CICE, dont personne n’a jamais pu quantifier le rôle exact en matière d’emploi(6). Il faut bien admettre que ces actions étaient plus en faveur de l’élite financière que du « petit peuple » qui, lui et dans le même temps avait vu augmenter les impôts et taxes de toutes natures et ses allocations d’aide diminuer, l’effet cumulatif se traduisant par une perte sensible de pouvoir d’achat.

De plus, l’affaire « Benalla » et ses rebondissements avaient terni l’image de ce jeune président qui voulait incarner le monde nouveau de la politique…

La mèche du bâton de dynamite n’attendait plus que la flamme du briquet…

Novembre noir

La colère éclata au mois de novembre 2018, là où, comme d’habitude, on l’attendait le moins, compte tenu de la proximité des fêtes de Noël. D’emblée, l’incompréhension s’installa. Le gouvernement joua la fermeté, genre « un chef, c’est fait pour cheffer ». Après tout, il ne faisait qu’appliquer les mesures pour lesquelles le Président, et par une sorte de transitivité le gouvernement et la majorité des députés, avaient été élus par les Français.
Erreur fatale, car c’était remettre en lumière l’absentéisme record des deux scrutins, présidentiel et législatif.
Une part importante du peuple français s’est réveillée d’un seul coup et a constaté l’écart, pour ne pas dire le fossé qui séparait les propos de campagne de l’actuelle réalité. Mouvement spontané (ou peut-être un peu aidé, nul ne peut le dire aujourd’hui), il s’est répandu dans la France entière et la mesure de l’ampleur du mécontentement a obligé le gouvernement à reculer sur certains points, notamment sur l’augmentation de la taxe sur les carburants prévue pour le 1er janvier. Conscients que c’était peut-être un peu juste, le président et son entourage ont rajouté une augmentation non pas du SMIC, mais de la prime d’activité qui était déjà acquise pour 70€ et qui passait à 100€. Cela sentait un peu l’embrouille car les gens non au fait du problème, dont je fais partie, avaient compris que le SMIC allait augmenter de 100€ et j’ai le sentiment que la formulation utilisée devait conduire à cette interprétation. L’annonce du grand débat, plutôt regardée avec intérêt au début, semble de moins en moins populaire en raison de l’image dégradée d’Emmanuel Macron qui, visiblement, a du mal à prendre la parole sans critiquer ceux auxquels il pense s’adresser. Car les « Gilets Jaunes » ne sont que le révélateur d’un mal endémique qui gagne inexorablement les classes dites « moyennes » qui constituent numériquement la composante la plus importante de son électorat.

Après l’espoir, la désillusion

Rien ne semble être pire qu’un espoir déçu. La confiance dont jouissait Emmanuel Macron après son élection aurait dû lui assurer un espace suffisant pour placer les réformes qui font le cœur de sa politique mais, comme souvent en politique, les choses ne se déroulent pas comme prévu. Tout miser sur une reprise en main des déficits publics afin de faire tomber les arguments de la Chancelière allemande en imposant une cure d’austérité qui ne voulait pas dire son nom était un pari risqué. D’autant plus qu’ils est à contre-temps de la tendance actuelle.

Le divorce entre les élites occidentales, souvent appelées les « 1% » et qui sont mondialistes par intérêt, et les peuples de ces pays qui ressentent profondément le besoin d’un recours à une protection nationale est consommé.

Les classes moyennes n’ont réussi à émerger que grâce au coté redistributif du système démocratique, la mondialisation vers laquelle on veut les pousser suscitant chez elles une méfiance instinctive.

Il apparaît ainsi que l’accès au pouvoir d’Emmanuel Macron, auquel il veut donner une image « progressiste » fait plus de lui un homme du passé que celui de l’avenir.

Jean Goychman
13/01/2019

1    http://lvsl.fr/medias-ont-fabrique-candidat-macron

2    https://www.20minutes.fr/elections/presidentielle/2057627-20170427-video-presidentielle-avant-apres-premier-tour-joue-jeu-sept-differences-meeting-macron-arras

3    Emmanuel Macron, un jeune homme si parfait  Anne Fulda collection j’ai lu

4    https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-france-sous-influence-avec-les-191730

5    https://blogs.mediapart.fr/victorayoli/blog/280814/bilderberg-gouverne-la-france

6    https://www.nouvelobs.com/economie/20160928.OBS8955/le-cice-a-t-il-cree-des-emplois-les-economistes-sont-divises.html


2 Commentaires

  1. L’expérience à démontré qu’en publiant un sondage bidonné à la hausse des intentions de vote pour un candidat à la traîne on provoquait une augmentation significative des intentions de vote à son endroit. Le général de Gaulle avait très bien résumé cela :  » Les Français sont des veaux ! « 

  2. Ce qui est incroyable, c’est la réussite de cette formidable machine à enfumer que fut cette élection. Et l’enfumage continue de plus belle car dans ce Grand Débat, Macron parle de sujets administratifs mais pas des vrais sujets de fond. Il embrouille par un monologue creux très énarquien.

    Je reste effaré de l’écart entre l’intelligence prétendue des Français et leur propension à se laisser enfumer !

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