ADP (Aéroports de Paris) :
QUE FAIRE ?
(L’Imprécateur)

La privatisation d’Aéroports de Paris, imposée dans la loi PACTE, votée en catimini à 6 h du matin par l’Assemblée, semblait a priori une excellente idée. AdP a en effet la qualité « très relative » des services publics français ! Dans un classement international qui prend en compte les quatre critères essentiels pour le passager : facilité d’accès, ponctualité des vols, qualité des services et avis des passagers sur l’ensemble des autres prestations (toilettes, restauration, propreté, boutiques…), Roissy CdG se classe 128ème et Orly 134ème (1)… sur 200 !
La privatisation d’Aéroports de Paris n’est donc pas forcément une hérésie, mais pas n’importe laquelle, ni n’importe comment


Quand une entreprise est mal classée… cherchez l’énarque !

Il ne faut pas chercher très loin la cause de ces classements médiocres de nos aéroports parisiens. Le Président du Groupe, Augustin de Romanet de Beaune, d’une famille de tanneurs ennoblie par Louis XIV en 1644, est un Sciences-Po-ENA, promotion Diderot. Pour remercier ce haut fonctionnaire en fin de carrière, François Hollande le fit nommer en 2012 président de AdP (Aéroports de Paris).

Ce genre de promotion-parachute en or est fréquent chez les énarques. A croire que l’ENA veut pousser jusqu’au bout l’expérimentation du principe de Peter ! On vient encore de le voir avec le préfet Delpuech, 66 ans, limogé il y a quelques jours et repris aussitôt au Conseil d’État comme conseiller « en service extraordinaire » (5 700 €/mois en plus de sa retraite de préfet).

Or, le fonctionnement d’AdP ressemble plus à celui d’une grande entreprise industrielle qu’à celui d’un cabinet ministériel. Heureusement, cette entreprise est prospère, sinon elle aurait pu subir le sort qui menace toutes les grandes entreprises gérées par des énarques : de Vivendi avec Jean-Marie Messier à Areva avec Anne Lauvergeon, ils les amènent très souvent au bord de la faillite.

À Orly, les passagers se plaignent de files d’attente interminables

Donc, AdP géré par le secteur privé ne pourrait que s’améliorer.

S’il y a des arguments valables pour conserver AdP dans le cadre du service public, les deux arguments avancés par l’opposition pour refuser la privatisation ne sont pas les bons.

Les frontières ne sont pas vendues et AdP n’est pas un cadeau à Vivendi

1 / En vendant AdP, l’Etat ne vend pas les frontières de la France !

AdP, c’est de la finance, du foncier, du commerce, de la technique et des services.
La partie « police des frontières, douane et quarantaine », comme la gestion des vols (contrôleurs aériens…), resterait évidemment et obligatoirement régalienne.
De même, en reprenant la gestion des autoroutes, Vivendi et Eiffage n’ont pas acheté le code de la route, la gendarmerie et les contraventions.

AdP ce n’est pas que Roissy, Orly et Le Bourget. Ce sont aussi 24 aéroports dans 13 pays et nulle part AdP n’en gère les frontières !
De même Vivendi, qui gère deux aéroports japonais dont Osaka-Kansai ne gère pas la frontière japonaise, et la société australienne qui gère Brussels airport ne contrôle pas la frontière belge.
Partout, on sait distinguer le foncier, les services, la gestion et la frontière, et souvent le gestionnaire n’est pas le plus gros actionnaire mais le plus compétent et sa compétence s’arrête partout où celle de l’État commence.

2 / En vendant AdP, Macron ne fait donc pas un « cadeau » à Vivendi comme le prétend La France Insoumise.

Le capital d’AdP est déjà à 49,5 % privé et Vivendi en possède 9 %.
Une vente comme celle-là donne obligatoirement lieu à un appel d’offres international et le danger ne vient pas tant de Vivendi que de la Chine qui, en plus d’un bon placement, pourrait y chercher un moyen de conforter et sécuriser ses « routes de la soie ». La Chine a de plus une trésorerie pléthorique et pourrait monter son offre à un niveau tel qu’aucun concurrent, fut-il Vivendi, ne pourrait suivre. Actuellement la valeur en bourse d’AdP est de 10 milliards. Il est vraisemblable que la vente se fera à environ 25 milliards pour une raison économique facile à comprendre.

Dans ce type d’achat, la valeur boursière est une chose. Mais ce que l’acheteur verra, ce sont les 280 millions de passagers qui passent chaque année dans les 27 aéroports AdP (dont 126 millions à l’étranger). Il suffira de mieux les gérer pour qu’ils remontent et occupent les premières places dans les classements internationaux.

AdP a aussi un patrimoine foncier important à Roissy, au Bourget et Orly, permettant des extensions, ce qui est intéressant pour l’acheteur.

Remplacez l’énarque actuel par un Carlos Ghosn à la tête d’AdP, et dans trois ans il y aura 350 millions de passagers heureux dans les plus beaux aéroports du monde !

La solution serait de garder AdP et d’embaucher Ghosn, mais Macron ne l’aime pas, et avec le goût prononcé qu’on lui connaît pour les profils atypiques, il serait capable de mettre à la tête d’AdP Sibeth N’Diaye ou Marlène Schiappa ou pire, un énarque de sa promotion.

Vendre signifiera plus de recettes fiscales

Mieux vaut vendre et compter sur l’augmentation des recettes fiscales que générera une bonne gestion privée, mais en prenant les précautions légales que l’État peut et doit prendre.

Comme il l’a fait en 2005 avec le décret 2005-828 pour encadrer la nouvelle Société Anonyme AdP.
Comme, par exemple, interdire une participation étrangère supérieure à x%, ce qui n’interdirait pas l’entrée de la Chine ou de tout autre pays étranger dans le capital, mais en rendrait l’impact inoffensif. Ou encore, comme il l’a fait en 2010, pour réguler et plafonner les tarifs pratiqués par les sous-traitants privés dans les aéroports de Paris.
Le problème non résolu est de choisir pour les contrôles des hauts fonctionnaires compétents, et surtout énergiques et incorruptibles qui ne se laissent pas acheter ou rouler dans la farine comme cela arrive trop souvent – on l’a vu avec les autoroutes et Toulouse-Blagnac -.

Les indispensables et très coûteux investissements mis à la charge du privé

La privatisation permettrait aussi de mettre à la charge du secteur privé le plan de 6 milliards d’euros d’investissements sur la période 2021-2025 (contre 3 milliards investis entre 2016 et 2021). Ce plan comprend l’optimisation des structures existantes, le lancement des travaux du terminal 4 de Roissy CDG, et le réaménagement de la partie ouest de Paris-Orly. Ces investissements, l’État aujourd’hui n’a pas les moyens de les faire. Or ils sont indispensables ne serait-ce que pour éviter une nouvelle dégringolade dans les classements internationaux.

En revanche, l’erreur à ne pas commettre serait de lancer les investissements avant d’avoir vendu, ce que Macron serait capable de faire !

Schiphol-Amsterdam : fluidité, informations claires, boutiques et wi-fi partout

La poursuite et l’accélération du développement et de la modernisation des infrastructures sont obligatoires pour lutter avec succès contre la concurrence très active des aéroports asiatiques ou même européens comme Schiphol à Amsterdam.

Schiphol a fait un gros effort, en particulier sur la connectique, comme Kensai à Osaka. Où qu’il soit dans l’aéroport, le passager trouve des prises pour ordinateur, tablette ou téléphone (2) avec une connexion wi-fi gratuite, et peut donc travailler ou contacter relations professionnelles, famille et amis. Or c’est le genre d’action où, on le constate en permanence, le service public n’est ni assez rapide ni assez efficace, de par son organisation rigide astreinte à des réglementations tatillonnes.

Et s’il y existe un risque réel de débordement par le secteur privé, il existe aussi des moyens de le réguler, par exemple en fractionnant les nouveaux secteurs d’activité en filiales, ce qui a déjà été fait par AdP pour la régie publicitaire, confiée à JC Decaux, et avec des filiales comme AdP-Ingénierie, ou AdP-Management elle même subdivisée en TAV-Airports-Holding, qui prend des participations financières dans des aéroports étrangers, ou TAV-Construction qui, comme son nom l’indique, les construit ou les modernise, en totalité ou en partie. En témoignent le terminal dédié aux Airbus A380 à Dubaï (Émirats  arabes unis) ou le nouveau terminal de l’aéroport d’Amman en Jordanie.

La régulation de l’activité privée est délicate à mener

L’erreur de l’opposition est de faire obstacle à la privatisation d’AdP au nom d’un risque de perte du contrôle des frontières qui n’existe pas et de perte d’un « bijou de famille » qui peut parfaitement rester français si l’Etat sait faire deux choses : limiter l’accès du capital étranger à quelques pour cents (moins de 30 % par exemple), pour éviter tout risque de prise de contrôle du conseil d’Administration, et réglementer préalablement un certain nombre de choses comme les tarifs ou la ventilation des compétences au sein des filiales, de manière, par exemple, à ne pas pénaliser Air France, tout en lui faisant  comprendre que, contrairement à ce que croient ses dirigeants, Roissy et Orly ne sont pas « ses » aéroports. Car il y a là un problème de juste milieu qui ne semble pas parfaitement maîtrisé.

En avril 2016, AdP SA a été fractionné en Groupe AdP qui commercialise le savoir-faire d’Aéroports de Paris S.A. (ingénierie, télécommunications,  immobilier, gestion et management) en France et à l’international, et Paris Aéroport, qui devient le produit d’appel d’Aéroports de Paris S.A. en réunissant ses trois aéroports parisiens sous une même enseigne. C’est une bonne opération. Mais en-dessous, on trouve déjà un grand nombre de subdivisions, évoquées ci-dessus. Il ne faudrait pas en arriver à un mille-feuilles comme celui qu’a créé l’État entre les communes et lui : intercommunalités, métropoles, départements, régions, provinces, etc.

Les bonnes raisons de contester la privatisation d’AdP

Il existe par contre deux bonnes raisons de contester la privatisation d’AdP :

Celle de la constitutionnalité de cette privatisation, dans la mesure où les aéroports concernés pourraient être considérés comme constituant un monopole de fait et comme un service public national. C’est au Conseil constitutionnel d’en juger, mais on le sait très inféodé au macronisme en plus du fait que l’argument est faiblard.

Et puis, et c’est peut-être là que se trouve le gros problème que pose la vente des 50,5 % de parts de l’État. Les énarques-négociateurs vont se retrouver en face de gens ultra-compétents comme Xavier Huillard, le PDG de Vinci, X-Mines autrement plus qualifié qu’eux pour ce genre d’opération. De plus, ils seront sous la coupe de Bank of America-Merryl-Lynch que Macron, grand ami de Bernard Mourad, directeur de l’agence française, a déjà choisi en décembre 2017 parmi ses autres amis de Rothschild, Lazard, JP-Morgan, etc. (3). BOA-ML est mandatée pour superviser l’opération, moyennant – on s’en doute – un pourcentage non négligeable sur l’affaire pour la banque, avec probablement un très discret pourcentage du pourcentage pour celui qui a apporté l’affaire à BOA-ML.

L’échec de la vente de 49,5 % des parts de Toulouse-Blagnac à des Chinois, alors que Macron était ministre des Finances et supervisait l’opération, est là pour rappeler qu’il serait prudent de confier cette affaire d’AdP de bout en bout à des français compétents pour que le bijou reste sous contrôle français et contribue à rapporter gros à l’État par les impôts et taxes qui suivront la vente. Vinci rappelait récemment que certes, il fait des bénéfices sur les autoroutes, ce qu’on lui reproche bien que presque tout le monde préfère les utiliser que d’aller sur les infectes et dangereuses routes régionales, mais qu’il verse aussi sur ses activités 9 milliards d’impôts à l’État.

L’Imprécateur
14 avril 2019

1 : Classement 2018 AirHelp Score

2 : À Osaka-Kensai, il y a une table avec un bloc de prises tous les vingt mètres environ et la connexion wi-fi est gratuite, mais une erreur a été commise au moment de l’installation (très récente) : Toutes les prises sont à la norme japonaise, à trois petits plots, ce qui fait que les étrangers ne peuvent pas s’en servir. Il va y être remédié très vite.

3 : Que des grandes banques américaines !

8 Commentaires

  1. les classements sont ils cohérents?
    Car si l’on mélange petits aéroports et grands aéroports ça paraît douteux.
    Par contre si on compare les aéroports par CATEGORIES, le classement peut être différent.
    Son on compare ROISSY, ORLY aux aéroports de même capacité, alors là le classement sera cohérent

  2. il ne faut pas confondre VINCI
    et vivendi qui n ‘a & n ‘aura rien à voir dans cette affaire de privatisation

  3. souvenirs d’un grand voyageur. Retour d’amérique latine, un jour férié. Queue phénoménale auc controles à Roissy. Un avion de japonais est arrivé, ils font la queue. Les japonais commentent en anglais pour etre surs que le message passera : ils sont nuls en organisation ces gens , ils savent depuis 10 heures que nous sommes partis, combien nous sommes dans l’avion et ils ne font rien pour réduire l’attente et améliorer le service. Comparaison du redacteur avec la situation dans les aeroports US ( qui ne sont pas privatisés) : nous descendons de l’avion et à l’arrivée aux controles, on voit de nombreux postes de travail s’ouvrir pour réduire l’attente. ça c’est ameliorer l’experience client. Mais ici, on gere un monopole. Et comme le disent les nord-américians : qu’est ce qu’il y a de pire qu’un monopole public, un monopole privé!

  4. Vous dîtes : « En revanche, l’erreur à ne pas commettre serait de lancer les investissements avant d’avoir vendu, ce que Macron serait capable de faire ! »

    Eh bien justement, il vient de faire cette connerie ce matin même !!!

  5. ADP vendu à des opérateurs privés, ce ne peux pas être une trop mauvaise nouvelle.
    L’avenir le dira.
    Éloigner les énarques ne peut être qu’une bonne chose.
    Mais, quid des envahisseurs musulmans et leurs mosquées qui pourrissent le fonctionnement des aéroports ? Est-ce que le nouveau patron va avoir le courage de les chasser ?
    J’en doute sérieusement.

    • Il est difficile de vous répondre tant qu’on ne connaitra pas le nom du nouveau gestionnaire que choisira le nouveau Conseil d’administration… si la privatisation a lieu.

  6. Le problème est que ce n’est pas le moment opportun : Le probable crache de la finance mondiale va conduire à une dévalorisation des monnaies. Seuls les biens matériels garderont de la valeur.
    Il en va autrement des barrages qui eux sont véritablement des patrimoines d’intérêts publics qui, à mon sens ne doivent surtout pas être privatisés.

    • D’accord, les barrages sont une source d’énergie, donc stratégiques, et de plus un risque pour les populations vivant sous le barrage, à ne pas laisser aux mains de n’importe qui.

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