POUR COMPRENDRE LE CONFLIT SYRIEN (par Maurice D.)

« Ne parlez pas trop de Daesch, ça fait peur aux gens et ça développe l’islamophobie« . C’est en substance ce qu’a fait savoir le gouvernement aux médias qu’il paie pour pouvoir leur dicter ce qu’ils ont à dire.
Alors parlons-en !
Car l’Etat Islamique progresse partout où il s’est implanté : Syrie et Irak, Nigeria et Libye d’où il annonce ouvertement son intention de conquérir le ventre mou et riche du monde, l’Europe, en commençant par l’Espagne, l’Italie et la France. Le cœur de cet Etat Islamique qui nous menace, c’est le califat irako-syrien en train de se construire. C’est là qu’il faudrait frapper fort pour le détruire, et assécher du même coup les métastases islamiques qui prolifèrent ailleurs sous l’œil hébété de la « communauté internationale » que constituent quelques pays occidentaux, sous la coupe américaine, et leurs alliés douteux.

Chaque conquête nouvelle de l’E.I. donne lieu à une « réunion d’urgence » onusienne ou européenne où l’on se lamente et prononce des phrases martiales, sans tirer les conclusions d’une analyse réaliste de la situation, où l’on soutient que l’action des pseudo « alliés » est efficace, que l’Etat Islamique est une marionnette créée par Bachar El-Assad, qui s’effondrera dès que celui-ci aura été supprimé ce qui est la seule urgence.

Où est la source d’information objective qui permettrait à nos dirigeants de prendre la bonne décision d’action ? Pas chez les pantins « modérés » syriens réfugiés en France, qui racontent aux fonctionnaires du Quai d’Orsay ce que ceux-ci ont envie d’entendre et colle avec la théorie fumeuse sur le monstre Assad qu’ils ont élaborée et vendue à leur ministre Fabius et au chef de l’État. Le reste vient de pseudo spécialistes du monde arabe et de reportages de journalistes, prudemment restés du côté turc de la frontière turco-syrienne, qui élaborent leurs théories et dictent leurs articles sur la base de rumeurs  circulant dans la région et de communiqués orientés du Pentagone ou d’ailleurs.

Si une voix discordante s’élève, on ne l’écoute pas, comme celle de cette syrienne d’un institut d’études politiques qui expliquait récemment à C dans l’air que les musulmans modérés et laïcs sur lesquels les occidentaux croient pouvoir s’appuyer en Syrie pour remplacer Bachar El-Assad sont une fiction : « Il n’y a pas de laïcs sur le terrain, que des djihadistes« . Samuel Laurent, journaliste à Valeurs Actuelles, aidé par de vieux amis syriens a, malgré leurs avertissements, pénétré en Syrie pour y circuler sous la protection d’amis d’une milice de l’Armée Syrienne Libre. Il confirme cette affirmation dans son article « Plongée dans le chaudron syrien » : les Syriens qui se présentent aux occidentaux comme « démocrates », « modérés », « laïcs », sont des leurres créés pour obtenir de l’argent et des armes.

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Des miliciens de l’ASL exécutant leurs prisonniers fidèles à Bachar El-Assad

Pourquoi personne de crédible n’ose-t-il pénétrer en Syrie ? Parce que la peau d’un non musulman y vaut très cher, mais sa vie pas grand-chose. E.I. paie jusqu’à 500 000 $ un journaliste ou un diplomate occidental pour en faire ensuite un trophée qui sera égorgé pour la propagande islamiste, ou revendu à son pays d’origine pour le double ou le quadruple de son prix d’achat. Dans un pays en ruines où tout manque, où une femme est vendue entre 50 et 200 $ au marché, où l’argent fait cruellement défaut, toute somme à cinq zéros est une aubaine inespérée, même pour les brigades djihadistes soi-disant « modérées » de l’ASL. Les journalistes ont raison de rester à l’abri en Turquie ou au Liban, car ils savent, mais le disent peu, que derrière les étiquettes politiques et religieuses des djihadistes, il y a avant tout des trafiquants prêts à vendre au plus offrant otages, nourriture de l’aide internationale, médicaments et armes.
Or qui a de l’argent à profusion ? Les émissaires de l’Etat Islamique et Al Qaïda, les deux étant financés par les Arabes du Golfe, les alliés des Américains et des Français.

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C’est ainsi que l’on retrouve des fusils, des munitions, des missiles français et américains, des produits de l’aide occidentale, et même des papiers d’attribution de RSA appartenant à des djihadistes français, dans les caches de djihadistes d’E.I. découvertes lors des rares avancées des « alliés », à Kobané par exemple, reprise par les Kurdes.

Ensuite, il y a la complexité de la situation sur le terrain, car il n’y a pas, en Syrie comme en Irak ou en Libye, un bon musulman démocrate opposé à un méchant musulman intégriste et à l’armée d’un dictateur, mais plusieurs groupes islamistes aux contours fluctuants en fonction d’alliances durables ou passagères.

Les « loyalistes » sont l’Armée syrienne légale et fidèle au gouvernement, et les milices chrétiennes, druzes, kurdes, alaouites, yézédies, soufies, chiites et même certaines milices sunnites, qui s’opposent au totalitarisme musulman. Les loyalistes, c’est la société multiculturelle et multi religieuse qui vivait autrefois dans une paix relative mais prospère sous la poigne de fer du clan Assad. Leurs soutiens principaux sont l’Iran et la Russie, par réalisme géostratégique et géopolitique. Et aussi l’Irak qui aide à l’approvisionnement militaire de l’armée syrienne loyaliste depuis l’Iran, et des pays comme l’Algérie et l’Egypte qui jugent avec bon sens que plutôt que de le persécuter, iil vaudrait mieux laisser Assad exterminer les syriens fondamentalistes soi-disant « modérés » et « démocrates » de l’ASL alliés à Al Qaïda, ainsi que l’Etat Islamique.

Les « rebelles », ce sont officiellement l’Armée Syrienne Libre. L’ASL n’a rien de « modéré » ni de « démocratique », beaucoup de ses unités sont islamistes, les autres ont plutôt à voir avec le grand banditisme et pillent pour revendre à E.I. ce qu’elles n’ont pu obtenir en quantité suffisante des naïfs occidentaux, essentiellement des armes et des munitions. C’est ainsi que des missiles Milan français sont utilisés par E.I.
L’ASL « démocrate et musulmane modérée » est en réalité une composante du Front islamique, lui même filiale d’Al Qaïda qui agit en Syrie sous l’étiquette Al Nosra. Pour obtenir argent et armes des Occidentaux, ASL-Al-Qaïda-Al-Nosra, qui selon Fabius « fait du bon boulot« , combat les loyalistes de Bachar El-Assad, mais en même temps combat aussi E.I. son concurrent religieux direct pour la construction d’un califat qui sera soit sous la coupe d’E.I. si E.I. l’emporte, soit celle d’Al Qaïda si ASL-Al Nosra l’emportent, mais toujours un califat islamiste fondamentaliste et esclavagiste.

Les « alliés » des rebelles sont « Les Alliés » anti-Daesch, occidentaux et sunnites des pays du golfe. Mais ASL-Al-Nosra constate que les djihadistes d’E.I. « sont mieux équipés que nous. Ils disposent d’une quantité impressionnante d’hommes et d’armes lourdes et de beaucoup d’argent… Les Saoudiens ne nous donnent presque rien comparé à ce que reçoit l’E.I. ». C’est là le témoignage rapporté par Samuel Laurent d’une réalité que l’on veut ignorer au Quai d’Orsay et à la Maison Blanche : l’Arabie saoudite, Qatar et la Turquie jouent sur les deux tableaux, alliés des Occidentaux, mais aussi alliés discrets mais généreux d’E.I.

Car Saoudiens et Turcs ont un plan qui n’est pas celui des Occidentaux auxquels ils sont alliés, c’est de se partager la Syrie une fois qu’elle sera débarrassée du gêneur El Assad. Alors ils aident beaucoup E.I. et un peu ASL-Al-Nosra-Al-Qaïda avec le Front islamiste. Idéologiquement, l’ASL leur est acquise, salafiste et pro-charia, mais d’un côté elle croit qu’elle pourra gagner son indépendance, de l’autre elle n’a aucune intention d’instaurer démocratie et laïcité : « Le Syriens veulent la charia, pas la démocratie » déclare à Samuel Laurent Abou Zuheer, chef d’une milice ASL alliée du Front islamique.

Les « Syriens«  pour l’ASL et le Front islamique, ce sont les sunnites salafistes fondamentalistes. Les autres musulmans, sunnites de tendance soufie, chiite, alaouite, druze, kurde, malékite ou yézidie, ainsi que les chrétiens coptes, araméens et autres, sont des mécréants et de surcroît des races inférieures juste bonnes à être tuées ou mises en esclavage, comme le prescrit la charia, comme le fait déjà E.I.

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Légende : « Des djihadistes décapitent des miliciens pro-régime »

En ajoutant la milice sunnite Ahrar-Al-Sham qui tient partiellement la côte syrienne méditerranéenne, vous avez « les alliés » où chacun ayant son plan il est impossible d’avoir une stratégie cohérente, ce qui fait le bonheur d’E.I qui en profite pour avancer ses pions. La prise de Ramadi en Irak et de Palmyre en Syrie est symbolique de ce foutoir occidental : deux centres névralgiques, des champs pétrolifères et gaziers, plus au total 500 000 habitants livrés à E.I. par incompréhension, incompétence et calculs cyniques.

Les chefs militaires disent qu’attaquer des petites unités de djihadistes E.I. éparpillées coûte trop cher, mais où étaient leurs avions, hélicoptères et drones quand pour attaquer massivement Palmyre E.I. à du masser des troupes en plein désert ?
Pourquoi ne bombardent-ils pas les oléoducs qui permettent à E.I. de s’enrichir en exportant pétrole et gaz ?
En réalité la volonté politique occidentale de détruire E.I. fait défaut et E.I. le sait. « Laissons d’abord E.I. régler son compte à Bachar qui est trop fort pour nous, on se débarrassera ensuite d’E.I. » C’est le calcul franco-américain des Alliés. C’est le même calcul stupide que celui déjà fait en Afghanistan où les Etats-Unis ont financé l’Al Qaïda de Ben Laden et les talibans pour faire partir les Russes, puis ont du se battre pour essayer sans succès de se débarrasser des talibans qui sont de fait au pouvoir en Afghanistan aujourd’hui, et d’Al Qaïda qui prospère en Syrie et au Maghreb, financée en sous-main par les alliés des États-Unis, l’Arabie et le Qatar.

carte-syrieLe Maroc était favorable à une intervention de l’ONU.
Les pays en rouge sont hostiles à l’intervention des alliés, ils voulaient qu’on laisse Assad régler le problème de l’opposition de sunnites fondamentalistes et celui de l’E.I.
Les pays en verts ont été favorables à une intervention pour tuer Assad et dépecer la Syrie, les Turcs souhaitant y étendre un protectorat de type ottoman, les Arabes et Qatar ne voulant que prendre le contrôle des richesses pétrolières et gazières.

4 000 frappes aériennes et 2,5 milliards ont été dépensés par les occidentaux  pour rien. « C’est un échec à tous les niveaux. Au niveau tactique, clairement, puisque l’État islamique a toujours les moyens de conduire des opérations offensives majeures…
C’est aussi un échec pour la stratégie américaine
 » a déclaré le général américain Michael Barbero.

Pourtant la solution n’est pas d’aller sur le terrain comme certains le préconisent, bien qu’ils aient théoriquement raison car les seules victoires durables sont celles des fantassins au sol. Pour gagner au sol, il faut le soutien majoritaire de la population, comme ce fut le cas en France et dans d’autres pays pour en chasser les nazis.
Or, en Syrie, les sunnites fondamentalistes sont majoritaires et même de plus en plus majoritaires puisque les autres, musulmans non salafistes et chrétiens fuient le pays s’ils n’ont pas été massacrés. Une intervention au sol des alliés sous la bannière américaine produirait une alliance de toutes les vipères miliciennes sunnites qui aujourd’hui s’entre-tuent, pour empêcher les mécréants d’établir un pouvoir démocratique, multiconfessionnel et multiethnique.

Deux autres solutions sont parfois suggérées qui consisteraient soit à recoloniser pour administrer et imposer la paix et le « vivre-ensemble », soit à dire « sacrifions chrétiens et musulmans non-sunnites, laissons les sunnites fondamentalistes s’entre-tuer pour le pouvoir en Syrie et en Irak et replions nos forces et nos moyens pour défendre notre pré-carré européen ».
Elles sont inapplicables.
La seule solution actuellement viable serait d’aider massivement Bachar-El-Assad. Lui seul aurait les stratégies et les méthodes nécessairement violentes qui permettraient d’éradiquer l’E.I.

Ce n’est pas de l’homéopathie militaire, du bisou-nounours humanitaire et des ruses pseudo-stratégiques de gamins qui viendront à bout d’Al-Baghdadi, c’est une grosse opération chirurgicale avec amputation des djihadistes salafistes. Il y aura beaucoup de sang versé, il faudra mettre ensuite Syrie et Irak sous perfusion, mais c’est le seul espoir de les revoir un jour en pays libres, prospères, débarrassés de la charia et des vampires ottomans et saoudiens.

Au fait, saviez-vous que la France a aidé les Saoudiens à bombarder les chiites houthis soutenus par l’Iran au Yémen ? Tiens, Hollande n’aurait donc pas fait de discours d’autosatisfaction sur le sujet ?

Maurice D.

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