« Mudjahidins de tous les pays, hâtez vous de faire le djihad et faites de ce mois de ramadan une calamité pour les infidèles »
(Abu Mohammed al-Adnani, porte parole de l’organisation Etat Islamique).
Tous les journaux de la planète ont diffusé ce message menaçant. Un peu moins la presse française sans que l’on sache si c’est par sagesse et souci de ne pas propager la propagande islamiste, ou si c’est par respect des consignes de la bien-pensance du « pas d’amalgame » et pour « ne pas stigmatiser la communauté musulmane ».
Le Washington Post s’interrogeait sur le sens de « l’entrée dans une nouvelle ère de djihad international » annoncée par E.I. et les attentats multiples à en attendre pendant le ramadan qui est chaque année une période de plus grande violence dans le monde musulman. Le New York Times pense que les attentats du 26 juin « soulignent de manières différentes les difficultés à anticiper ces attaques et à protéger les civils, qu’ils se trouvent à la mosquée, au travail, ou à la plage”, cependant il y voit plus une coïncidence qu’un plan global : “Si rien n’indique pour le moment que ces attentats ont été coordonnés, la mort de dizaines de civils a horrifié les populations et soulevé d’épineuses questions sur l’évolution de la nature du terrorisme international”.
Cette évolution, le quotidien libanais L’Orient le jour, toujours bien renseigné, la voit sous la forme “des attaques à plus petite échelle, mais qui peuvent frapper n’importe où ». El Pais, le journal espagnol ne croit pas non plus à un lien direct entre les trois attentats, mais voit cependant « un acte hautement politique » dans le fait qu’il y ait une « offensive djihadiste sanglante sur trois continents« , le même jour. Il s’agit d’une stratégie ayant pour objectif de “créer un sentiment de peur et de défaite afin de neutraliser la capacité de combat des forces ennemies tant à l’intérieur qu’à l’extérieur”. Plus important encore pour le journal, ils visent à poursuivre la captation de djihadistes internationaux qui frapperont à domicile. Dans notre cas, de jeunes musulmans français tentés par le djihadisme dans lequel ils voient une aventure exaltante et l’occasion d’assouvir leurs fantasmes de meurtre, de viol, de pillage tels qu’ils les vivent par procuration dans de nombreux jeux vidéo.
La « Coalition internationale contre l’organisation Etat islamique » était réunie le 2 juin dernier à Paris pour faire le point sur sa stratégie, au regard des récentes avancées du groupe terroriste à Palmyre et Ramadi. Critiqué par Paris et Washington pour sa gestion des conflits internes, le Premier ministre irakien Haïdar Al-Abadi a, en retour, jugé insuffisante l’aide apportée par la coalition.
Lui a-t-on fait remarquer que si l’aide internationale est jugée insuffisante, l’armée irakienne est, elle, en-dessous de tout ? C’est l’une des armées les plus puissantes du Moyen-Orient avec 260 000 hommes, cinq fois environ l’effectif total des troupes de l’E.I., et elle a été bien armée par les Américains.
Pourtant, ce n’est pas elle que l’on voit à l’œuvre contre l’E.I. autrement qu’en train de prendre la fuite en abandonnant ses armes et parfois des hommes que les djihadistes salafistes de l’E.I. égorgent ensuite. Ce sont des milices, souvent chiites ou kurdes, qui « font le job ».
On touche là du doigt un gros problème qu’occultent, à moins qu’ils n’en aient pas conscience par ignorance de l’islam, les dirigeants et ministres occidentaux pour on ne sait trop quelle raison de politiquement correct, obnubilés par l’idée de « ne pas stigmatiser l’islam ». Parce que le problème est bien là : l’islam n’est pas une religion mais une idéologie politico-religieuse divisée en plusieurs églises, elles-mêmes subdivisées en sectes dont certaines sont microscopiques, qui se haïssent copieusement, ne cohabitent paisiblement que si l’une accepte sa soumission à l’autre qui est dominante, mais font preuve d’une solidarité clanique ethnique et religieuse exemplaire.
L’armée irakienne est majoritairement sunnite, comme les troupes djihadistes de l’E.I. qui sont elles aussi sunnites et de plus salafistes, ce qui leur confère une aura de quasi sainteté puisqu’ils acceptent joyeusement de prendre pour Allah le risque du martyre. L’armée irakienne répugne à combattre ses « frères ». Le gouvernement irakien dominé par les chiites envoie donc des milices chiites pour combattre les sunnites de l’E.I. Elles le font très bien et reprennent des positions gagnées par E.I. Mais comme elles haïssent les sunnites qu’elles y trouvent, elles torturent, violent, pillent et massacrent. Si E.I. reprend la même position où en arrivant la première fois il avait lui-même torturé, violé, pillé et massacré les chiites, chrétiens ou yézidis qu’il y avait trouvés, plus l’élite locale des sunnites qu’il avait remplacée par ses cadres à lui, il n’a plus qu’à recommencer avec les chiites faits prisonniers.
Le problème est le même quand ce sont des Kurdes qui sont envoyés combattre E.I., avec une nuance importante toutefois : les Kurdes sont sunnites comme les djihadistes E.I., mais ils les haïssent pour avoir dans leur progression vers les champs pétrolifères de Mossoul pris l’an dernier des territoires que les Kurdes considéraient comme les leurs. Leur objectif est de les récupérer et de former à terme un état kurde indépendant. S’ils y réussissent, ils se comporteront à peu près comme les djihadistes d’Etat Islamiste, et les « alliés », conglomérat hétéroclite de pays qui n’ont au fond rien d’autre en commun que la peur d’E.I., seront peut-être conduits à bombarder les Kurdes, à la demande des Turcs, membres de l’OTAN, qui haïssent les Kurdes et ne les aiment que morts ou soumis dans le quasi esclavage qu’ils leur imposent depuis un siècle.
Quand nos dirigeants refusent d’envoyer des fantassins sur le terrain et de régler son compte à E.I., ils ont raison, ce serait mettre le pied dans un nœud de vipères et ils le savent, comme Israël le sait qui tape sur toute tête de vipère qui sort du nœud, un coup c’est sur le Hamas, un coup sur le Hezbollah, un coup sur l’Iran, un coup sur l’Egypte… Si des troupes occidentales débarquaient, d’un coup toutes les vipères s’uniraient provisoirement pour lutter contre « l’envahisseur mécréant du Dar el Islam », la terre musulmane. Puis, une fois les mécréants chassés comme ils l’ont été d’Afghanistan, elles recommenceraient à se mordre mutuellement.
Il n’y de paix dans ces pays que lorsqu’une poigne de fer les tient, impose la laïcité de force, à moins que l’une des branches de l’islam n’y soit totalement dominante comme dans l’Arabie wahabite actuelle, le Maroc malékite, la Jordanie hachémite ou l’Iran chiite. Mustapha Kemal Atatürk l’avait compris au siècle dernier, il supprima le régime du califat sous lequel les ottomans vivaient depuis plus de dix siècles et la Turquie put accéder au monde moderne. Toute une série d’hommes forts firent de même et imposèrent à leurs pays avec l’aide de leurs armées, des dictatures laïques presque tous en s’appuyant sur l’idéologie socialiste particulièrement adaptée à ce système de gouvernement : Gamal Abdel Nasser, Hafez el Assad, Mouammar Kadhafi, Saddam Hussein, Habib Bourguiba suivi de Zine ben Ali, Abdelaziz Bouteflika… Globalement tous socialistes, imposant le parti unique avec le soutien de l’armée.
Habib Bourquiba, « président à vie », président du Parti Socialiste Destourien de Tunisie
Tous ont été combattus, parfois assassinés par l’islamisme qu’ils ont écrasé sans pitié, l’islam étant la religion dominante mais le respect des minorités imposé. Ainsi dans la Syrie des Assad, les alaouites cohabitaient avec les sunnites (devenus majoritaires) et les chrétiens syriaques, maronites, grecs, arméniens, chaldéens ; dans l’Algérie sunnite, les malékites cohabitent avec les ibadites et les soufis, chrétiens, protestants et juifs étant cependant devenus extrêmement minoritaires. Etc.
C’est pourquoi intervenir dans ces pays nécessite une connaissance profonde des religions et des sociétés claniques locales qui manque presque toujours à nos élites politiques, qu’elles soient françaises ou américaines. Leur politique se résume alors à jouer les uns contre les autres, à favoriser la religion qui semble la plus favorable aux intérêts occidentaux, presque toujours axés sur le pétrole et le gaz. En Syrie on a joué les sunnites contre les alaouites, en Algérie notre président flatte les sunnites malékites dominants, en Irak on joue les chiites contre les salafistes, en Libye on a complètement perdu la main après avoir poussé à assassiner Kadhafi, des islamistes déguisés en démocrates modérés qui ont roulé dans la farine Bernard Henri Lévy et Nicolas Sarkozy qui n’avaient rien compris à la fine gestion du système tribal libyen par Kadhafi.
Le grand problème d’aujourd’hui est que l’échec de « politiques arabes » menées depuis 70 ans sans tenir compte des variantes antagonistes de l’islam et des sociétés tribales qui se les sont appropriées, a pour résultat que l’islam est maintenant chez nous et y importe ses divisions et ses guerres.
L’Imprécateur