« La première forme de la colonisation, c’est celle qui offre un asile et du travail au surcroît de population des pays pauvres ou de ceux qui renferment une population exubérante. »
(Jules Ferry, devant les députés, le 28 juillet 1885)
« La colonisation…c’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes. »
(Emmanuel Macron, interview lors de son voyage en Algérie, le 14 février 2017)
Depuis l’affaire Georges Floyd, il ne se passe pas une semaine sans que les « décoloniaux », « indigénistes », « racialistes », etc…bref les membres d’associations antiracistes et/ou de défense des minorités, ne manifestent contre le pays qui les accueille, les abreuve d’aides et de subventions diverses, et dont ils sont devenus citoyens grâce au « jus solis » – le droit du sol – cette ineptie qui consiste à nous faire croire qu’une vache née dans une écurie serait un cheval.
Avec la complicité de « collabos » blancs venus de l’ultra-gauche, ces gens-là nous insultent, nous traitent de racistes, et déboulonnent ou saccagent les statues de nos grands hommes.
Et le « Souchien » péteux bât sa coulpe et rase les murs, honteux d’être le descendant de colonialistes – pire, d’esclavagistes – coupables, nous dit-on, d’avoir pillé l’Afrique, retardant son épanouissement culturel, sa marche vers le progrès et son industrialisation.
Nous entendons, nous subissons, ce discours depuis, en gros, le « regroupement familial » voulu par le triste tandem Giscard-Chirac, mais avec Macron, qui a qualifié le colonialisme de « crime contre l’humanité », les choses s’accélèrent, ce qui a obligé ce champion du « et en même temps », à un grand-écart idéologique, d’où son récent projet de loi contre le « séparatisme ».
Macron s’est comporté en pompier-pyromane ; ce n’est hélas pas la première fois !
Grand amateur de voyages, j’ai passé ma vie (1) à chercher les traces de l’œuvre française dans le monde. Je vais donc vous parler de l’Empire français, et d’une histoire dont nous n’avons pas à rougir, bien au contraire (2): nous devrions en être fiers !
Commençons par notre premier Empire colonial : le temps des conquêtes monarchiques.
Il est né de la rivalité avec l’Empire austro-espagnol de Charles Quint. François 1er contestait le monopole de l’Amérique aux Espagnols et aux Portugais accordé par le Traité de Tordesillas.
La justification affichée de cette colonisation était la propagation de la foi chrétienne (rôle des missions). L’autre raison, la vraie, est plus… mercantile : on voulait que les colonies fournissent les cultures exotiques que la métropole n’assurait pas (sucre, café, indigo, etc…).
Les Français s’implantent en Inde entre 1719 et 1763, grâce à Joseph François Dupleix.
En Amérique, la « Nouvelle-France » comprend presque la moitié de l’Amérique du Nord. Elle forme quatre colonies dont l’Acadie, le Canada, Terre-Neuve, et la Louisiane.
Après le Traité d’Utrecht, en 1713, elle perd l’Acadie (partie sud), la Baie-d’Hudson, et Terre-Neuve (Plaisance). Mais elle forme deux nouvelles colonies : l’île Royale et l’île Saint-Jean.
Tout s’écroule au Traité de Paris en 1763, après la guerre de Sept Ans : nous perdons le Canada, l’Acadie, l’île Royale, l’île Saint-Jean, et la partie Est du Mississippi (qui faisait partie de la Louisiane). Nous reprîmes la Louisiane occidentale avec pour seule condition de ne la vendre ni à l’Angleterre, ni aux Américains. C’est pourtant ce que fera Napoléon trois ans plus tard, en 1803.
En 1804, les Français perdaient le dernier fleuron de leur premier Empire colonial : la colonie de Saint-Domingue proclame son indépendance et devient la république d’Haïti.
Je vous laisse méditer sur l’état actuel d’Haïti, plus de deux siècles après son accession à l’indépendance. Du temps du colonialisme, elle était surnommée « la perle des Antilles ».
Une autre remarque me vient à l’esprit : à la révolution, les libres-penseurs et autres apôtres des Lumières seront presque tous partisans du « réalisme économique » qui prône qu’ « il ne peut y avoir de colonies sans esclaves » (3). Pourquoi n’en parle-t-on jamais ?
Après la chute du Premier Empire, la France ne conserve que quelques possessions : les cinq comptoirs de l’Inde, La Réunion, l’île de Gorée au Sénégal, quelques îles des Antilles (Guadeloupe, Martinique, Saint-Martin…), ainsi que la Guyane et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Notre seconde période coloniale, qui m’intéresse davantage que la première, commence avec le Second Empire. Elle porte l’empreinte de Napoléon III et Chasseloup-Laubat (4), son ministre de la Marine et des Colonies. Ce dernier entreprend une modernisation de la marine de guerre qui permet d’améliorer la capacité d’intervention des troupes coloniales.
Mais, préalablement, au début de l’année 1830, Charles X, alors au plus bas dans l’opinion publique, décidait de se lancer à la conquête de l’Algérie (5).
Chronologiquement, l’annexion de la Nouvelle-Calédonie, en 1853, constitue la première conquête coloniale de l’Empereur. En Afrique, il nomme Faidherbe au poste de gouverneur du Sénégal. S’ensuivront la fondation du port de Dakar et la création du fameux corps des Tirailleurs Sénégalais. L’implantation du comptoir des Rivières du Sud, en 1859, puis l’acquisition de la côte du Gabon en 1862 sont les principales étapes de la pénétration française en Afrique de l’Ouest.
En Afrique de l’Est, Napoléon III signe en 1862 un traité de commerce avec Madagascar où s’installe un Consulat de France. La politique impériale vise principalement à contrer l’influence britannique. La même année, 1862, la France obtient la cession du petit territoire d’Obock sur la côte nord du golfe de Tadjourah.
Au Maghreb, nous renforçons la présence des conseillers militaires français dans l’armée du Bey de Tunis. Puis le Second Empire étend le domaine français en Algérie et entreprend la conquête de la Cochinchine et du Cambodge, de nombreuses îles dans le Pacifique (aujourd’hui en Polynésie française) et du Sénégal.
En Europe, Napoléon III exerce sa politique expansionniste en annexant la Savoie et le Comté de Nice en 1860, par le Traité de Turin. Notons au passage que l’Algérie était française 30 ans avant le Comté de Nice et la Savoie.
Ensuite, la France colonise progressivement la majeure partie de l’Afrique occidentale (AOF) et équatoriale (AEF), l’Indochine, ainsi que de nombreuses îles d’Océanie.
Lors de l’exposition universelle de 1895, la France, pourtant battue de 1870, pouvait légitimement s’enorgueillir de son Empire.
En Afrique: l’Algérie, le protectorat de Tunisie, le Sénégal, le Soudan, la Guinée, la Côte-d’Ivoire, le Dahomey (dont la conquête s’achève), le Congo, la Côte des Somalis, la Réunion, Nossi-Bé, les Comores et un vague protectorat sur Madagascar.
En Asie: les cinq comptoirs de l’Inde et l’Union Indochinoise (la colonie de Cochinchine, avec Saïgon, les protectorats d’Annam, du Tonkin, du Cambodge et des principautés laotiennes).
En Océanie: la Nouvelle-Calédonie, les Îles Loyauté, Wallis, les Îles de la Société, les Marquises, Tuamotu, et un protectorat partagé avec l’Angleterre sur les Nouvelles-Hébrides.
En Amérique: la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe, un droit d’établissement à Terre-Neuve et Saint-Pierre-et-Miquelon. Cette même année, notre corps expéditionnaire de 20 000 hommes annexe, pour de bon, Madagascar.
Le 14 avril 1900, sous des trombes d’eau, le président Emile Loubet, dit « Mimile », dit aussi « le président à l’Ail » car son accent fleure la Provence, inaugurait une autre exposition universelle.
La France coloniale y était encore plus grande que lors de l’exposition de 1895. Éprise de modernisme, elle avait inventé l’automobile, la motocyclette, la bicyclette et se préparait à faire voler un « plus lourd que l’air ». L’exposition fut, selon les témoins de l’époque, grandiose. On rendit un hommage unanime et vibrant au commandant Marchand, humilié par l’Anglais à Fachoda.
Cet Empire va atteindre son apogée après la Première Guerre mondiale, lorsque la France reçoit de la Société des Nations un mandat sur la Syrie et le Liban.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les territoires français d’outre-mer sont un enjeu central. Et, à la fin, c’est l’Armée d’Afrique qui viendra au secours de la métropole en débarquant en Provence le 15 août 1944.
Mais l’Empire, gangréné et noyauté par les Soviétiques d’un côté et les Américains de l’autre – et ce pour la même raison : nous chasser de nos colonies – n’oublie pas notre humiliante défaite de juin 1940. La France a été faible, elle a subi une défaite mémorable, elle le paiera très cher !
Malgré des tentatives d’intégration (l’Union Française en 1946), le ver est dans le fruit ; le détricotage de notre Empire va commencer. La décolonisation de l’Afrique occidentale et de l’Asie diminue drastiquement l’Empire, entre 1954 (Accords de Genève) et 1962 (Accords d’Évian).
En 1958, de Gaulle réussit à revenir au pouvoir en se présentant comme le défenseur de l’Algérie française, entre autres… « De Gaulle c’est l’Empire » disait la presse de l’époque.
Prendra-t-on conscience, un jour, de ce que de Gaulle a fait de notre Empire, de ses richesses et des populations amies qui le peuplaient? Un tel gâchis donne le tournis !
1960 sera une année charnière dans cette grande braderie. Après la Guinée rebelle – indépendante par vote majoritaire de ses habitants depuis le 2 octobre 1958 – ce sera le tour du Cameroun (1er janvier 1960), puis c’est tout notre Empire africain qui va suivre. Indépendance du Togo (27 avril), du Dahomey (l’actuel Bénin, 1er août), de la Haute-Volta (l’actuel Burkina-Faso, 5 août) du Niger, (5 août également), de la Côte d’Ivoire (7 août) du Tchad (11 août), de l’Oubangui-Chari (République Centre-Africaine, 13 août), du Moyen-Congo (Congo-Brazzaville, 15 août), du Gabon (17 août), du Sénégal (20 août), du Soudan français (Le Mali, 22 septembre), de la Mauritanie (28 novembre), de Madagascar enfin (14 décembre). Deux ans plus tard, ce sera le tour de l’Algérie…
L’Empire français n’existe plus. Entre-temps la « Communauté Franco-Africaine » a été officiellement créée le 28 septembre 1958, avec l’adoption par référendum de la Constitution de la V° République…. C’est le début des « réseaux Foccart » et de la « Francafrique » …
Je n’entends pas philosopher sur la nécessité – qui reste à prouver – de la décolonisation et du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Économiquement autant qu’au plan humain et moral, ce bradage a été un désastre. Nous avons perdu, entre autres, le pétrole et le gaz sahariens, le titane malgache, le riche sous-sol des grands lacs tchadiens… et j’en passe. Nous avons livré des peuplades amies à des tyrans, à des roitelets cupides, à des guerres tribales sans fin. Depuis, l’Afrique crève à petit feu, de la sécheresse, de la désertification, du SIDA, de conflits ethniques ou religieux permanents. Et, à force de démagogie, d’auto-flagellation et de repentance de notre part, les anciens colonisés qui vivent en France se sont mis à nous détester (6).
Il faut lire « L’Épopée coloniale de la France », d’Arthur Conte (7) : ce second Empire colonial fut, à la fin du XIX° et au XX° siècle, le deuxième plus vaste du monde, derrière l’Empire britannique.
Présent sur tous les continents, il s’étendait à son apogée, de 1919 à 1939, sur 12 347 000 km2. En incluant la France métropolitaine, les terres sous souveraineté française atteignaient la superficie de 13 500 000 km2, soit 1/10ème de la surface de la Terre, abritant une population de 150 millions d’habitants à la veille de la Seconde Guerre mondiale, soit 8 % de la population mondiale à l’époque.
Qu’il est facile, aujourd’hui, de critiquer et de condamner notre épopée coloniale ! Il ne s’agit pas de regretter; les regrets ne servent à rien quand on a tout perdu. Il importe surtout de savoir, d’arrêter les jérémiades et la repentance, et de se sentir fier de notre passé.
Que dire pour conclure ? J’ai parlé d’Haïti, première colonie à obtenir son indépendance.
Parlons de la dernière : les Comores, indépendantes depuis 1975 (à l’exception de Mayotte dont les habitants, par référendum du 8 février 1976, se sont massivement déclarés pour le maintien dans la république française). Et bien, 45 ans après leur indépendance, les Comores sont en gros dans le même état de délabrement qu’Haïti.
Ce n’est pas la colonisation qui est criminelle, c’est notre décolonisation à la hussarde : des peuples amis, en voie de développement, nous faisaient confiance. Nous les avons abandonnés au milieu du gué, et nous avons fait, du même coup, NOTRE malheur et LE LEUR.
Eric de Verdelhan
22 septembre 2020
1)- Plus exactement pendant mes vacances, car j’étais un salarié-lambda.
2)- J’ai consacré un chapitre entier à notre Empire colonial dans « Cœur chouan et esprit para » (publié chez Dualpha.)
3)- Voltaire, comme tant d’autres, a placé beaucoup d’argent dans la traite négrière…
4)- Prosper de Chasseloup-Laubat, dont la statue trône à Marennes (Charente-inférieure) dont il fut le député en 1837.
5)- Lire « Hommage à Notre Algérie française » (Editions Dualpha ; 2019)
6)- Ceci est à relativiser : en général cette détestation émane surtout des Africains (Afrique noire et Maghreb). Les Asiatiques sont plutôt bien intégrés.
7)- « L’Épopée coloniale de la France », d’Arthur Conte ; Plon ; 1992.
Il est juste regrettable que » le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » s’appliquent à tous les peuples de la Terre sauf aux Français qui ont, eux, » le droit du peuple à être à la disposition des autres. «
Enfin ! Quelqu’un pour dire ce que j’ai constaté depuis longtemps : ce que nos anciennes colonies peuvent nous reprocher le plus, c’est d’avoir très mal décolonisé !
Sous l’influence de l’idéologie de gauche, et au fumeux prétexte du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, on a largué des populations qui, sous la tutelle française, vivaient en paix et accédaient peu à peu à la prospérité et à l’instruction.En règle générale, ces populations constituées de groupes ethniques rivaux ne sont toujours pas devenues de véritables peuples, et se précipitent en masse sur le sol français pour y retrouver confort et sécurité que leurs dirigeants ne leur assurent pas.
Si l’on avait laissé à ces pays le temps de devenir aptes à se gérer seuls, nous ne connaîtrions pas de problèmes d’immigration sauvage.
La statue du général Marchand trône dans le parc de Thoissey dans l’Ain où un de ses descendants (Louis Marchand) était le maire dans les années soixante.