22 novembre 1963. Olivier de Cadenet avait 10 ans. J’en avais 16. J’étais au Lycée Buffon à Paris, un « grand », donc, pour lui, et je me retrouve totalement dans son superbe texte que j’aurais aimé écrire. Kennedy était un peu notre idole, l’Américain qui avait tenu tête à Krouchtchev à Cuba ; le jeune et moderne président de la première puissance mondiale ; il semblait immortel, comme un de ces héros antiques qu’on étudiait en cours d’Histoire ou de Latin…
Nous qui avons vécu ce 22 novembre, savons exactement aujourd’hui où on était, ce que nous faisions ce jour-là, qui restera gravé dans nos mémoires. Sans doute comme le 11 septembre 2001, 38 ans plus tard, et peut-être aussi pour nous, Français, comme restera dans nos coeurs et notre colère la sinistre date du 13 novembre 2015.
Les tragédies se gravent peut-être finalement dans nos mémoires plus facilement que les bonheurs…
Marc Le Stahler
KENNEDY EST MORT !
L’image est brouillée comme les photos extraites du film de Zapruder, des images en couleur un peu estompées, floues, cette terrible couleur de ce jour lumineux, cette couleur, nouvelle pour nous à la télévision. Dans la rumeur de nos jeux, quelques minutes avant le coup de sifflet de rentrée après la cantine, des cris plus aigus font irruption dans la cour avec l’arrivée des externes, des cris informes d’abord, indissociables des nôtres et puis un mot s’en extrait, tellement lointain, tellement étranger, et qui va devenir par une étrange alchimie, tellement familier, un nom qui ne fait pas partie, qui ne devrait pas faire partie de notre univers, un nom court, net et clair , un nom brillant comme le soleil de ce jour là : « Kennedy ».
Un silence et cette phrase, bientôt qui prend corps, qui prend grain, qui prend forme, une phrase incongrue, incroyable, tout droit sortie du canular d’un potache secrètement américanophile : « KENNEDY EST MORT ». L’Histoire nous avait rejoint, nous en étions presque fiers dans notre frayeur : KENNEDY EST MORT. Nos maîtres, immobiles, silencieux, demeurèrent avec nous de longues minutes en suspens : KENNEDY EST MORT. Notre univers basculait par le fait d’un seul homme que n’avions vu que sur les couvertures des magazines, un homme au sourire léger et un peu triste, le président d’un pays que nous adorions tous en secret et qui, soudain, semblait avoir été foudroyé par un autre mot qui se répandit bientôt au fil des heures comme une vapeur délétère, un mot tranchant celui-là, tranchant et lointain, beaucoup plus lointain que le nom du Président des Etats-Unis, un mot dont la sonorité évoquait le claquement d’un coup de fusil suivi du sifflement d’un serpent venimeux : DALLAS.
Nous nous raccrochâmes aux jeux de notre enfance, aux certitudes de nos parents, à la douceur tranquille de nos cités. Mais le vent du Temps avait tourné, dispersant peu à peu nos constructions fragiles comme la mer attaque lentement sur les plages, à marée montante, les châteaux incertains que les gosses élèvent à la diable, en riant, contre l’inéluctable. Nous avions l’impression qu’on avait tué Rintintin et Rusty, les guitares électriques, Bope Hope, John Wayne et tous les westerns, mais qu’il ne fallait pas le dire. Nozal ne me vola pas mes calots ce jour-là et même Schwartzenberg, le fort en thème, immobile dans son insupportable minceur, paraissait foudroyé et demeura silencieux, comme si rien ne pouvait survivre, rien ne pouvait conserver un sens, rien ne pouvait être dit face à cet apocalypse : KENNEDY EST MORT. Bouboule ne se sentait plus gros ce jour-là et monsieur Deguelle, ce jour-là, oublia de distribuer les bons points. Plus tard, dans le Paris-Match de ma grand-mère que pour la première fois on m’autorisa à regarder, je découvrirai Jacky, Caroline et JohnJohn, Lee Harvey Oswald et Jack Ruby. Je cesserai de collectionner les photos des grands barrages sur l’Ienisseï et je me mettrai enfin à grandir. C’était le 22 novembre 1963. J’avais dix ans et je réalisai que j’étais sorti de l’éternité.
Olivier de Cadenet
« Les Terres Promises »
22 novembre 2020
Un livre à lire :
De Dominique Venner sur l’assassinat de Kennedy
Livre assez convaincant, bien argumenté, accumulations d’indices, pas de preuves.
Coupable : Oswald manipulé par le KGB
Vous pensez à Donald Trump s’il repasse au final ?
C’est un risque qu’il court, malheureusement. Et il le sait. Acculés, les démocrates satanistes sont prêts à tout !