VOYAGE EN CELLEZÉCIE (2) « on n’est jamais trop aidé » (Cédric de Valfrancisque)

« Damoiseau de la cour dont la main inutile
Ne rougira jamais de sang dans les combats,
Tout propre à soutenir le tour de vos rabats
Et les inventions de la chambre où l’on file,
L’on dit que vous marchez en mariolet de ville,
Portant la tête haute et le courage bas… »      

Charles-Timoléon  de Sigogne (1560 – 1611)

 

   

Vous vous souvenez qu’il y a peu, je vous narrais brièvement le récit d’un petit hobereau cévenol de ma parentèle, pas même banneret mais grand aventurier, le Chevalier Jean-Aymard de Séconlat, qu’un voyage avait mené en « Cellezécie », un pays (fort mal) gouverné par le Marquis Emmanuel de Morveux d’Enarque, cornaqué par la vielle Marquise, née Trogneux du Touké.  

Dans ma libelle d’aujourd’hui, je vais vous parler des mœurs – étranges – d’une des ethnies qui peuplent ce pays : les « Elgébétés », qui sont, là-bas, une espèce protégée.

En préambule d’icelle, j’ai cité un poème de Charles-Timoléon de Sigogne qui fut le poète préféré du bon Roi Henri IV. Le Béarnais, qui, selon l’une de ses maîtresses, « puait comme bouc » et portait une ceinture de hareng pour éloigner les mouches, était grand amateur de jolies femmes.

Avant lui, François 1er (1) est connu pour son goût pour la bagatelle, mais aussi, n’en déplaise aux féministes, pour son respect pour les gentes dames. Ainsi disait-il dès son accession au Trône :

« Une cour sans femmes est comme une année sans printemps, et un printemps sans roses. Les dames rendent aussi vaillants les gentilshommes que leurs épées. Donnons aux femmes la place éminente qu’elles méritent et qu’il leur faut garder. On ne doit les abaisser en aucune manière et ne jamais leur manquer de respect. Quiconque touchera à l’honneur des dames sera pendu… ».

Cette passion royale est à l’origine d’une anecdote entrée dans l’histoire : Triboulet (2), qui fut le bouffon de deux Rois – Louis XII et François 1er – écrivit  quelques vers fort méchants sur la favorite du Roi :

« Belle Anne est assaillie / De milliers de saillies.
Ils sont montés sur Anne / Montés comme des ânes,
Pourvus le lendemain / Du mal napolitain,
Cadeau de Pisseleu/ Qui fait beaucoup souffrir,
Pour ne point en mourir/ Dégorge et pisse-le ! »

On ne sait comment ce poème irrévérencieux arriva aux oreilles de François 1er qui convoqua aussitôt Triboulet et lui déclara : « Je t’avais mis en garde : ne jamais être aux dames malfaisant. Tu as transgressé l’ordre royal en dépassant toutes les limites par ton insolente vulgarité envers la favorite de ton Roi qu’on ne peut accuser de champisseries (3). Je te condamne à mort, mais, comme tu m’as diverti durant bon nombre d’années, je te permets de choisir ta mort ! »

La réponse de Triboulet provoqua, dit-on, un éclat de rire général à la Cour :

« Grand et bon Roi, j’aimerais mourir… de vieillesse ! » Et François 1er, entre deux hoquets, dira à Triboulet : « Je te gracie  pour ce bon mot. Il te rendra célèbre pour la postérité ».

Nous eûmes d’autres François portés sur les galipettes lubriques : François III (4), Seigneur de Jarnac, Baron de l’Observatoire, qui entretint deux foyers et prénomma sa bâtarde Mazarine, sans doute par admiration pour le Cardinal de Mazarin, encore plus roué et menteur que lui ; François IV, dit « le Mou », Seigneur de Tulle, le porcelet sudoripare qui sortait de son palais nuitamment pour assouvir ses bas instincts et qui, hors mariage, fit quatre bâtards à Ségolène Déloyal, le  folledingue Comtesse du Poitou. En fait, parmi tous nos monarques, les chauds lapins furent légion.

Il semble, en revanche, qu’en « Cellezécie », la Cour s’apparente davantage à celle d’Henri III : le Marquis, comme Henri III, vit entouré de « mignons » qu’il aime, adule, protège et… encourage.

Je rappelle que les « Elgébétés » ont des coutumes qu’on disait, jadis, contre-nature et qui étaient sévèrement punies par la loi. Les hommes se sodomisent entre eux ; les femmes fuient les hommes et sont adeptes du « gazon maudit ». Leur chant guerrier  est le « gode save the gouine ».

Les damoiseaux se prennent pour des donzelles, lesquelles veulent devenir des mâles. C’est à n’y rien comprendre d’autant plus que, dans leur tribu, existe aussi un reliquat qui, tel l’escargot, est hermaphrodite ou ne sait pas s’il est homme, femme, voire  les deux.

J’ai dit, dans ma  précédente missive, que l’entrée dans la tribu se fait par un rite initiatique appelé « Komingaout ». Plusieurs ministres et députés du Marquis sont « Elgébétés ».

Le bouffon du Marquis, le jeune Gabriel Anal, s’ébaudit à la Cour où il a fait entrer son « mignon ». Un autre, dont j’ai oublié le nom, fut ministre de la trou-du-culture, avant d’être recasé comme « ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité », titre ronflant qui ne recouvre aucun travail véritable. Il a été remplacé, à son précédent ministère, par la dame Roselyne Cachalot qui, dans le passé, milita activement en faveur du mariage des invertis.

A la cour, il y a autant d’« Elgébétés » que de « Frères la gratouille », une engeance nocive dont je vous ai déjà parlé. Les « Elgébétés » sont également omniprésents dans les médias, les arts, le théâtre et le cinéma où ils (ou elles ?) sont de plus en plus nombreux. On les retrouve aussi dans la publicité, la communication et tous les métiers dans lesquels on ne transpire pas beaucoup.

Certaines mauvaises langues soupçonnent Emmanuel de Morveux d’Enarque de porter la jaquette très flottante. Il ne peut s’agir que de médisance, malveillance  ou calomnie car des témoins dignes de foi assurent qu’il y a quelques années le jeune Marquis se défendit bec et ongle d’avoir pour amant son mameluk, un certain Ben Allah. Mais, du coup, ce besoin de se justifier, alors qu’on ne lui demandait rien, fit jaser dans le bas peuple : les gueux sont décidément incorrigibles !

D’autres prétendent que la Marquise serait… un « transgenre », ce qui met Jean-Aymard de Séconlat dans une sombre colère car, dans ses carnets de voyage, il décrit la Marquise avec moult détails, physiques ou vestimentaires, qui interdisent de croire un seul instant qu’elle put être un homme : « Un sourire béat de « Barbie » satisfaite, un faciès ravagé, une coiffure de cocker, des gambettes de sauterelles, des jupes trop courtes, un air de vieille gamine qui se croit encore à l’époque « Yéyé ». Elle est, au Marquis, ce que la Sainte Trinité est au Catholique ; une en trois personnes : à la fois  son épouse, sa maîtresse et sa mère. Il lui doit tout : elle lui a appris à parler français et à jouer la comédie. C’est d’ailleurs la seule chose qu’il fasse à peu près correctement… »

En « Cellezécie », je l’ai dit, les « Elgébétés » sont protégés mais les mesures prises pour leur protection sont totalement stupides (et injustes pour les hétérosexuels).  

En s’inspirant de la  Xénophobie, par exemple, le pays  a inventé le délit d’« Homophobie ».

Or le mot « Xénophobie » est formé de deux racines grecques (xénos, « étranger », et phobos, « rejet, peur »). C’est un néologisme apparu au début du XX° siècle. « Xénophobe » apparaît pour la première fois dans un dictionnaire, en 1906. Dans « La trahison des clercs » (1927), Julien Benda parle de Xénophobie. Elle est donc de création récente (le mot, pas le sentiment !) mais, qu’on le veuille ou non, elle est naturelle : le xénophobe se méfie de l’autre parce qu’il en a peur.

Dans notre pauvre pays, qui aura connu dans son histoire, des guerres, des invasions plus ou moins barbares, et des vagues migratoires, la peur de l’arrivée massive de gens « différents » venus d’ailleurs, est un sentiment naturel ; c’est un réflexe d’autodéfense.

En revanche, l’emploi du mot « Homophobie », est impropre, idiot, ridicule : qui, en France comme en « Cellezécie », pourrait avoir peur des Chevaliers de l’œil-de-bronze ou des Prêtresses de Sappho ? A moins, bien sûr, de rentrer de façon suicidaire (si je puis dire) ou par inadvertance, dans une boite-de-nuit gay, je ne vois pas où est le danger ? Je pense même, comme mon parent Jean- Aymard de Séconlat, que les invertis sont une bénédiction pour les vrais hommes : ils copulent entre eux, donc il y a plus de femmes disponibles. Mais Jean-Aymard attire notre attention sur certaines pratiques surprenantes de ce pays: si vous abordez  une donzelle de « Cellezécie » et qu’elle vous crie « mitou » – ce qui, dans son dialecte, veut dire « balance ton porc » – fuyez avant que les argousins du Marquis ne vous jettent dans un cul-de-basse-fosse ou pire, ne vous condamnent à la chiourme, pour harcèlement sexuel. En « Cellezécie » les rapports homme/femme sont très particuliers.

Jean-Aymard, qui est parfois taquin et facétieux, raconte qu’une gougnotte à laquelle il faisait un brin de cour, lui aurait déclaré : « Vous perdez votre temps, je n’aime pas les hommes ».

Et  ce dernier de lui répondre en riant : « ça tombe bien, moi non plus ».

Jean-Aymard de Séconlat a cependant retenu quelques points positifs de son voyage en « Cellezécie » : le pays semble ouvert à l’entraide et la solidarité, on y serait pour « la paix des races » et un adage populaire local affirme qu’« on est jamais trop aidé ».

Je me demande parfois si ce pauvre Jean-Aymard a tout compris ?

Il nous narre, par exemple, que l’organisatrice du concours annuel de « Miss Cellezécie », cette foire aux dindes qui vise, comme chez nous, à élire la plus belle donzelle du pays, a décidé que dorénavant cette joute serait ouverte aux « transgenres ». Ainsi donc, si un quidam s’émerveille et fantasme sur les appâts d’une gente damoiselle fort bien nichonnée, il doit savoir que la susdite peut aussi dissimuler dans ses chausses, ses braies ou sous sa robe un service-trois-pièces de damoiseau.

Jean-Aymard était un soudard, un rustre comme on en trouvait en basses Cévennes. Il aimait la bonne chair et la belle chaire – la ripaille et la cuisse – un peu comme Alexandre-Benoît Bérurier qui fut aussi fidèle Escuyer pour Messire de San-Antonio, que Sancho Penza (5) pour Don Quichotte.

Bérurier, selon les chroniques de son temps, prisait fort la « tarte à poil » plus communément appelée « gazon maudit ». Que dirait-il s’il revenait parmi nous et, voulant se livrer « à certaines dévotions qui sont bien de chez nous » comme dit le poète, il découvrait que la belle qu’il entend honorer est encore pourvue de… sa virilité ? Ou que, l’épilation totale étant  à la mode, la « tarte à poil » est devenue steppe ou toundra ?  Décidément, nous vivons un temps bien singulier ! 

Et que penserait le troubadour Georges Brassens s’il était encore de ce monde? Lui qui chantait jadis (6) :

« Sonneraient-elles plus fort, ces divines trompettes
Si, comme tout un chacun, j’étais un peu tapette ;
Si je me déhanchais comme une demoiselle
Et prenais tout à coup des allures de gazelle.
Mais je ne sache pas qu’ça profite à ces drôles
De jouer le jeu d’l’amour en inversant les rôles… »

J’ai omis de vous dire qu’à son retour de voyage en « Cellezécie », Jean-Aymard de Séconlat a plongé dans le stupre et la fornication, honorant en alternance ribaudes, demi-mondaines et belles gourgandines avec une fougue que n’eut pas déniée un bouc.

Dans ma famille, on ne parle jamais de lui car on a un peu honte, mais moi, il me plaît bien ce lointain parent.

Cédric de Valfrancisque

20 décembre 2021.

 

                

                                                                                                                               

1)- Rien à voir avec Bergoglio, dit François 1er, le satrape islamo-gauchiste qui siège au Vatican.
2)- Son véritable patronyme était Le Févrial, Triboulet étant un sobriquet donné par le Roi Louis XII.
3)- Attitudes et pratiques de femmes à la cuisse légère, en vieux français.
4)-  Car il y eu un François II, mort à l’âge de 16 ans  (19 janvier 1544 – 5 décembre 1560).
5)- S’orthographie parfois « Pença ».
6)- « Trompettes de la renommée » de Georges Brassens. 

6 Commentaires

  1. Un vrai délice. En arrivant à la fin, on reprend au début en regrettant que ce soit déjà fini. J’espère que Jean Aimar de Cékonla a fait d’autres voyages…

  2. Je me suis délecté de toutes ces références cul turelles(1) qui vont de François I° à San Antonio…

    (1) ou tourelles, synonymes de flèche ou de dôme

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