Abattre la constitution serait un peu tuer une seconde fois son fondateur.
Mélenchon en ferait bien le plat de résistance, dans son menu indigeste.
Mais l’abolition de la Constitution de 1958 et, dans la foulée, le passage en force vers une « VIème République », que certains évoquent sans bien savoir ce que cela signifie, serait plus qu’une erreur : une faute.
Pour que les choses soient claires, il convient de revenir rapidement sur l’histoire constitutionnelle récente.
LA CONSTITUTION DE 1946
Peu après la fin de la 2ème Guerre Mondiale, la Constitution de 1946, conçue sur le mode parlementariste, allait largement favoriser le « régime des partis », engendrant une succession de gouvernements de coalition incapables de gérer efficacement les crises de l’après-guerre.
Pendant ces 12 années, la France connu des crises extérieures majeures (Indochine, Algérie, expédition douteuse en Egypte) et une instabilité politique paralysante, avec une succession de 22 gouvernements (d’une durée moyenne de 7 mois !), englués dans le parlementarisme, tous plus ou moins capables de diriger efficacement le pays.
LA CONSTITUTION DE 1958
Voulue par le général de Gaulle, la Constitution de 1958 fut conçue au contraire sur le mode présidentiel. Adoptée par référendum en septembre 1958 (avec 83 % des voix), elle allait mettre un terme aux faiblesses de la constitution précédente. Certes, la question algérienne fut réglée dans des conditions qu’on peut trouver discutables, surtout pour les Pieds-Noirs et les Harkis, mais pour le reste, elle a généré et accompagné une période d’expansion économique sans précédent.
Déstabilisé par les événements de 1968, le Général dut partir un an plus tard après son échec (peut-être prémédité) au référendum d’avril 1969.
Ses successeurs (Pompidou et Giscard), se gardèrent bien de modifier une constitution qui avait montré ses avantages. Même Mitterrand, qui vouait une haine sans faille au fondateur de la V° République, conserva intacte la constitution.
Mitterrand fut élu contre Giscard en 1981. Réélu pour 7 ans en 1988, il fit donc 2 septennats.
En 1993, la gauche ayant perdu les législatives, Mitterrand fit appel à Balladur qui devint Premier Ministre. Ce fut la première « cohabitation », jusqu’en 1995.
Puis Chirac fut élu pour 7 ans en 1995 mais perdit les élections législatives en 1997 et dut à son tour appeler à Matignon le patron de l’opposition, le socialiste Lionel Jospin. Ce fut la 2ème cohabitation.
LES DÉRIVES CONSTITUTIONNELLES
Septennat ou quinquennat ?
Chirac, qui rêvait d’égaler les 2 septennats de Mitterrand, mais considérait ses chances de réélection peu probables en 2002, fit adopter la réforme du quinquennat par référendum en 2000. Ce calcul très personnel n’était pas dénué de sens, 12 ans paraissant alors plus facilement acceptables par les Français que 14 ans.
Chirac fut donc réélu en 2002, mais pour 5 ans.
Cette réforme fut en fait une erreur et un échec.
Le quinquennat fut voté – officiellement pour éviter les cohabitations – mais plus prosaïquement… pour permettre la réélection de Jacques Chirac.
Mais en calquant la durée du mandat présidentiel sur celle du mandat parlementaire, on supprimait ainsi la possibilité pour les électeurs de corriger leur choix lors d’élections intermédiaires en cours de mandat présidentiel…
Or il devint évident que ce phénomène de « cohabitation », loin d’être un handicap pour gouverner, était en fait, dans l’esprit des « pères fondateurs » de la V°, un élément de nature à puiser chez le peuple un nouveau consensus en cours de mandat.
Quitte à se que le président se démette en cas d’échec aux législatives intermédiaires.
Mitterrand n’ayant pas démissionné après l’échec de la gauche aux élections législatives de 1993, ni Chirac après celui de la droite en 1997, c’est l’esprit de la Constitution qui fut de fait violé.
Ce fut l’une des dérives majeures de la constitution.
La solution naturelle et la plus intelligente serait de revenir à un septennat non renouvelable, afin de permettre aux électeurs de confirmer, par leur vote aux élections législatives intermédiaires, leur confiance au Chef de l’Etat en cours de mandat. Elle permettrait également d’inciter le Président à se consacrer exclusivement à son mandat, et non à sa réélection.
L’ardente obligation du référendum
Le référendum présuppose une exigence ardente, que le Général de Gaulle a montré lors de son échec de 1969 : la démission immédiate du président en cas d’échec
Deux de ses successeurs (Mitterrand et Chirac), en faisant fi de cette ardente obligation après un échec référendaire et acceptant la « cohabitation », ont contribué en ce sens à détruire l’esprit de la constitution et à dénaturer la force du référendum.
Hélas, Sarkozy fit bien pire encore. Suite à l’échec du référendum organisé par Chirac en mai 2005 (55 % de « non ») traitant du projet constitutionnel de l’Union Européenne (*), Sarkozy décida de passer en force, et fit adopter par voie parlementaire en 2007 le traité de Lisbonne, qui n’était qu’une version 2 du projet constitutionnel rejeté par le peuple deux ans plus tôt.
Or, il est un principe démocratique de base auquel il est difficile de déroger : ce qui est rejeté par le peuple ne peut être accepté par ses représentants.
C’est pourtant ce qui fut fait, et cette forfaiture institutionnelle a pesé et pèse encore lourdement sur la dénaturation de la constitution de 1958.
La décentralisation et le pouvoir régional
C’est aussi un sujet qui est régulièrement agité pour abolir la constitution, supposée trop centralisatrice. Mais c’est un mauvais argument. Il est tout à fait possible, dans le cadre institutionnel actuel, d’alléger le pouvoir central et de donner plus de pouvoir aux régions, aux départements et aux communes. A condition de ne pas bâcler le travail comme le fit Hollande, qui fit adopter en 2014 une loi mal ficelée qui, bien que réduisant de 22 à 13 les régions, ne simplifia en rien les processus de décision et ne réduisit pas les coûts de fonctionnement du « millefeuille administratif ».
Même si on les nomme différemment, il y a toujours un Conseil Général ET un Conseil Régional, un nombre de municipalités record (le tiers des communes de la totalité des pays de l’Union Européenne sont françaises !) et même un échelon supplémentaire, les « communautés de communes » qui, tout en créant naturellement de nouveaux postes de fonctionnaires, n’en a supprimé aucun et n’a en rien simplifié l’organisation administrative locale !
« Les pouvoirs excessifs donnés au président de la république »
Une autre critique est souvent entendue, accusant le chef de l’Etat d’exercer des pouvoirs excessifs voire « non démocratiques ».
Mais il s’agit là encore d’une dérive quasiment inconstitutionnelle. Certes, le Président nomme le Premier Ministre (article 8 de la Constitution) mais il est clair que c’est bien le « gouvernement (qui) détermine et conduit la politique de la Nation ». (article 20 de la Constitution). Ce fut d’ailleurs en grande partie le cas pendant les cohabitations.
On ne saurait donc pas prétendre que le chef de l’Etat concentre en ses mains tous les pouvoirs de l’Exécutif, même si l’usage a souvent dérivé en ce sens.
Enfin, élu par le peuple au suffrage universel direct, il semble naturel que le Président de la République dispose de pouvoirs étendus.
On pense notamment à l’article 16 (qui n’a été utilisé qu’une seule fois, lors du putsch des généraux en avril 1961).
L’article 16 donne au président – après consultation des présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat – la capacité de prendre rapidement les mesures adaptées à une situation exceptionnelle. Cette disposition a été voulue par de Gaulle pour éviter de réitérer le drame de juin 1940 où, simultanément à la défaite militaire, le fonctionnement normal des institutions était devenu impossible.
Il semble de fait plutôt rassurant que le chef de l’Etat puisse avoir les coudées franches pendant une période courte de crise majeure et sous le contrôle du Parlement, afin de décider rapidement des mesures appropriées à une situation grave et exceptionnelle. L’utilisation de cet article est d’ailleurs limité dans le temps.
CONCLUSION
Pour conclure, nul besoin de liquider la Vème République qui a fait ses preuves depuis 64 ans !
Mais il faut la RÉFORMER, notamment pour revenir à son esprit et parfois à sa lettre, au lieu d’en inventer une autre pour complaire aux délires mégalomaniaques d’un trotskyste de circonstance.
Il faut surtout corriger les erreurs commises par des élus irréfléchis et peu clairvoyants, en revenant au septennat (éventuellement non renouvelable), en réhabilitant la pratique référendaire, mais en obligeant le chef de l’Etat, en cas d’échec, à démissionner de ses fonctions. Il faut aussi confirmer la primauté du référendum sur la loi parlementaire.
Quoi qu’en dise Mélenchon, il faut donc préserver la Constitution de 1958 car, exception faite des fautes commises par les élus, elle fonctionne correctement. Ce n’est pas seulement la Constitution qu’il veut changer, c’est la France, qu’il veut assassiner !
« On ne jette pas le bébé avec l’eau du bain », dit la sagesse populaire. Avec tous les problèmes vitaux qui se posent aujourd’hui à la France, modifier la Constitution serait assurément une faute majeure.
Bien sûr, on pourrait aussi demander au cabinet McKinsey de réfléchir à la question, mais je pense, très humblement, qu’il aurait du mal à proposer mieux et surtout moins cher que ce modeste article.
Marc Le Stahler
31 mars 2022
(*) On notera que, pour la 2ème fois, Chirac ne tiendra aucun compte de son échec référendaire et poursuivra sa mandature jusqu’à son terme.
A quand le gouvernement du peuple par le peuple?
Aujourd’hui la constitution est bafouée, ignorée, ils y pissent dessus sans vergogne et sans qu’aucun parlementaire ne se révolte ! Pourquoi ne faisons nous pas respecter cette constitution ? Pourquoi il n’y a personne pour remédier à ces malfaisances ?
Une autre chose qui fait froid dans le dos est la progression réelle de Mélenchon que je considère comme le Pol-Pot français. S’il dit parfois des choses sensées, c’est assez rare mais suffisant pour attirer des moutons. Sa vision du monde reste au 19ème siècle.
Si on en croit un sondage permanent organisé par le site internet « juste-milieu.fr » plus réaliste que les sondage pipés des médias, on s’aperçoit des tendances réelles des visiteurs de ce site qui s’efforce d’être neutre. A voir…
Quant à la réforme de la France, on se demande pourquoi nos responsables et faiseurs d’opinion ne vont jamais voir des pays qui savent se moderniser, s’adapter et qui fonctionnent plutôt bien en respect réel de leurs peuples. Les scandinaves sont intéressants. S’en inspirer serait-il une trahison ou de l’intelligence ?
En effet, il serait sage de revenir à l’esprit de la Constitution de 1958. Il est curieux aussi que les Américains veulent la même chose, avec Trump, vis à vis de leur propre constitution. C’est dire les dérives incrémentées dans divers pays par les manipulateurs milliardaires apatrides du Deep State qui veulent s’arroger le monde pour eux seuls. Cette réalité commence à faire surface dans l’esprit des citoyens en éveil !
Toujours est-il que la France est une vaste « usine à gaz » impuissante. Et ce n’est pas Micron, avec ses viols de la constitution et des lois durant la gestion de la pandémie, qui a arrangé les choses. A ce propos, vous avez dit :
« Il semble de fait plutôt rassurant que le chef de l’Etat puisse avoir les coudées franches pendant une période courte de crise majeure et sous le contrôle du Parlement, afin de décider rapidement des mesures appropriées à une situation grave et exceptionnelle. L’utilisation de cet article est d’ailleurs limité dans le temps. »
Et là on imagine Micron, durant une p’tite crise de nerfs, qui lance une guerre contre la Russie à lui seul avec le soutien de ses députés « godillots »… Et ça donne froid dans le dos…
La Constitution Française est conçu sur le principe que le président de la république ne soit ni ripoux, ni immature, ni psychologiquement perturbé depuis son enfance, ni irresponsable…