Titulaire d’un BTS Tradicopa (transformation, distribution et commercialisation des produits agricoles) obtenu au lycée agricole d’Amiens, Stéphane Le Foll était évidemment tout désigné pour devenir ministre de l’Agriculture. Il ne lui manque qu’un peu d’expérience et avoir pris au moins une fois dans sa vie une bêche pour planter quelque chose. Car Monsieur Le Foll est avant tout un fonctionnaire qui a fait sa brève carrière professionnelle à l’Éducation nationale avant d’intégrer l’administration du PS rue de Solferino où, malin, il s’est fait remarquer par le Secrétaire général de l’époque, François Hollande, qui l’a mis sur une liste sûre pour qu’il soit élu député européen.
Depuis cette sinécure bien payée, il a pu travailler à plein temps pour Hollande sans trop coûter au PS. Il est devenu le directeur de campagne de Hollande pour la présidentielle en 2012. Pour le remercier – car il faut toujours remercier les bons domestiques – il a été nommé ministre de l’Agriculture dans le gouvernement Ayrault, et l’est toujours depuis car il ne viendrait à aucun Premier ministre socialiste l’idée de licencier pour incompétence un chouchou du président.
Toujours content le chouchou du président
Nommé ministre le 16 mai 2012, et malgré les promesses de mettre fin au cumul des mandats de son copain de président, il était candidat à la députation dans la Sarthe dès juin 2012 face à un candidat UMP facile à dégommer, Marc Joulaud qui n’avait pas comme Le Foll un gros stock de promesses à vendre, et devint député de la 4ème circonscription. Il n’est plus député européen et sa suppléante l’a remplacé à l’Assemblée, donc, comme il a des loisirs, il est maintenant porte-parole du gouvernement.
En tant que ministre de l’Agriculture, charge qu’il exerce à temps partiel, il s’est illustré à deux reprises : en demandant à l’Europe le rétablissement des subventions pour la culture du tabac (dont le gouvernement s’efforce par ailleurs de faire baisser la consommation), et en faisant interdire les épandages aériens qu’il a fait rétablir bien vite, mais « par dérogations », ce qui permet une sélection discrète des paysans qui votent bien sur présentation du dossier qui démontre qu’ils en ont vraiment besoin.
À part cela, j’ai vainement cherché sur internet un bilan des activités de Monsieur Le Foll à l’Agriculture. Je n’ai rien trouvé, excepté le lancement récent d’un projet de stockage d’eau pour les agriculteurs et quelques déclarations de reconnaissance de catastrophe naturelle pour des régions touchées soit par la sécheresse, soit par des inondations.
En résumé, il semble que le mérite de monsieur Le Foll se limite à être l’ami du président.
Le Foll : J’ai un groupe qui fait des grand signes… des éleveurs je crois.
Hollande : Préviens-moi quand ils commenceront vraiment à se noyer
Aujourd’hui, l’agriculture est en ruines. Le Foll n’est évidemment pas responsable de tout. Le nombre d’exploitations agricoles a été divisé par 3 en quarante ans, il en reste environ 600 000, mais c’est parce que pour faire face à la concurrence européenne et mondiale, elles ont du grossir, se robotiser, devenant de plus en plus performantes, mais perdant aussi beaucoup de salariés qui sont souvent restés en chômage permanent quand ils ne pouvaient pas émigrer vers les villes pour se recycler dans l’industrie elle-même déclinante.
La production agricole augmente, et la France reste de loin le premier pays agricole de l’Union européenne, en volumes produits et en surfaces agricoles exploitées. 27 millions d’hectares utilisés, devant l’Espagne, 23 millions, et l’Allemagne loin derrière avec 16 millions d’hectares.
Mais l’agriculture qui pesait 6 % de notre PIB dans les années 80, ne représente plus que 2 % maintenant. La cause essentielle de cette situation, c’est la baisse constante des prix agricoles depuis 25 ans.
Mais la cause de la cause, c’est que les gouvernements successifs depuis ceux de Mitterrand jusqu’à ceux de Hollande n’ont ni anticipé ni géré cette tendance lourde qu’est la baisse des prix d’achat aux producteurs, n’exigeant des ministres de l’agriculture successifs qu’une seule chose : qu’ils fassent tout et n’importe quoi pour faire taire les revendications des paysans. Et chaque fois, la solution trouvée, très socialiste dans la forme et le fond, a été de débloquer des subventions ou d’autres formules financières, c’est à dire de faire payer aux Français ou à l’Europe l’incurie des ministres et des gouvernements pour « arroser » les agriculteurs et les éleveurs tout en leur susurrant à l’oreille « voyez comme nous faisons des efforts pour vous aider (« pas cher, c’est l’Etat qui paye » comme dit Hollande), pensez à nous aux prochaines élections.
Résultat, les revenus des agriculteurs, des gens qui travaillent souvent 70 heures par semaine et toute l’année, ont reculé en trois ans de 5 %, à 24.200 euros, selon les prévisions. Les éleveurs bovins ont vu leurs revenus chuter de plus de 20 % à 14.500 euros par an. Mais cette année, deux filières rejoignent les éleveurs dans le rang des agriculteurs les plus mal payés. D’abord les arboriculteurs qui affichent des revenus annuels en chute de plus de 55 % à 13.400 euros. Mais surtout ce sont les céréaliers, jusqu’à présent considérés comme les nantis du monde agricole, qui ont subi de plein fouet la chute des cours des céréales. En 2014, leurs revenus ont chuté d’environ 40 % à 11.500 euros annuels. Je ne vous parle pas des apiculteurs et des pêcheurs en voie de disparition. Dans ce sombre tableau, seuls les viticulteurs tirent pour le moment leur épingle du jeu. Mais le plus grave, c’est que tous sont terriblement endettés.
La France, qui a pourtant tous les atouts pour avoir une agriculture prospère, ne cesse de perdre des parts de marché dans le commerce alimentaire mondial. En quelques années, elle est passée de la place de 2ème exportateur agroalimentaire, au 5ème rang, derrière les États-Unis, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Brésil.
Etats-Unis et Brésil, on peut comprendre, mais comment font les Pays-Bas et l’Allemagne qui ont de bien moins importantes surfaces agricoles que nous ? Auraient-ils de meilleurs ministres de l’Agriculture ? La France est encore championne dans l’exportation de blé, d’alcool (vin + spiritueux) et des semences, mais chute dans la viande et les fruits et légumes.
En 2014, l’excédent commercial des filières agricoles et agroalimentaire a même reculé de 2 milliards, tombant à 9,2 milliards.
La viande a connu en outre un coup dur avec les sanctions prises contre Poutine. La Russie était un gros acheteur de viandes de catégories intermédiaires et basses, les Russes aimant les viandes bouillies en pot-au-feu. Le vol par la France des deux bateaux qu’elle devait livrer à la Russie et qu’elle refuse de livrer, ainsi que l’embargo mis sur divers produits et les capitaux russes, ont fâché le président Poutine. Il a riposté en arrêtant les importations de viande française pour se tourner vers d’autres producteurs, notamment sud-américains. Si bien que la France se trouve paradoxalement en surproduction mais ne peut pas vendre sa viande. Les éleveurs sont en faillite.
Ce n’est pas de subventions dont les agriculteurs ont besoin, et la plupart ne demandent pas non plus l’arrêt de toute concurrence étrangère. S’ils le font c’est parce qu’ils savent le gouvernement incapable de prendre les mesures dont ils ont réellement besoin : diminution de leurs charges d’exploitation devenues dantesques, essentiellement du fait de réglementations tatillonnes et contraignantes qui se multiplient à l’infini et de normes européennes et nationales souvent absurdes, sur la courbure des concombres, l’interdiction de faire monter les jeunes sur une échelle pour cueillir les fruits, etc.
Un agriculteur se suicide tous les deux jours.
Monsieur Le Foll pérore à tort et à travers, mais il est content, il est ministre et le président l’aime.
Que peut-il demander de plus ?
L’Imprécateur