Dans son livre « Le Grand Échiquier » l’incontournable Zbignew Brzezinski écrivait en 1997, évoquant la toute-puissance américaine :
« Dans le domaine des technologies de l’information, elle continue à creuser l’écart. Comme le montre sa maîtrise des secteurs décisifs pour l’économie de demain, sa compétitivité technologique n’est pas prête d’être remise en cause, d’autant que, dans ces mêmes secteurs, les États-Unis préservent ou accroissent leur avantage en termes de productivité sur leurs rivaux japonais ou européens de l’Ouest.
A l’évidence, la Russie et la Chine prennent ombrage de l’hégémonie américaine. Une déclaration commune, au début de l’année 1996, lors d’une visite du président russe Boris Eltsine à Pékin, laisse transparaître leur ressentiment. Par ailleurs, chacun de ces deux pays détient un arsenal nucléaire capable de menacer les intérêts vitaux des États-Unis. Pour autant, dans la situation présente comme dans un avenir proche, s’ils peuvent déclencher une guerre suicidaire, ni l’un ni l’autre n’est en mesure de la gagner. La logistique et les alliances nécessaires pour faire prévaloir au loin leurs visées politiques en utilisant la force leur font défaut. Compte tenu de leur retard technologique par rapport aux États-Unis, ils ne peuvent conserver – ni même avoir pour un temps au moins – une influence politique significative à l’échelle mondiale.
Seule l’Amérique est dotée de forces armées d’un rayon d’action planétaire ; elle reste le principal moteur de la croissance mondiale (si par certains aspects, le Japon et l’Allemagne peuvent contester ce rôle, aucun de ces deux pays ne jouit des autres attributs définissant la puissance globale) ; elle détient la suprématie dans les principales technologies innovantes ; sa culture – même dans ses aspects les moins sophistiqués – bénéficie d’un pouvoir d’attraction incomparable, en particulier auprès des générations.
De ces avantages, elle tire un prestige politique et une marge de manœuvre inégalées.
La combinaison de ces quatre aspects lui confère la position de seule superpuissance globale. »
Zbignew Brzezinski, co-fondateur de la Commission Trilatérale et membre du CFR, qui constitue avec le Bilderberg le cœur de l’Etat profond américain, parlait en connaissance de cause.
Cette idée que la partie, engagée il y a plus d’un siècle pour conquérir le monde et imposer un NOM (Nouvel Ordre Mondial) semblait définitivement gagnée, s’était imposée au lendemain de la disparition de l’URSS.
L’IMPROBABLE S’EST REALISÉ
Cependant, les choses ne se sont pas passées comme prévu. Après les perspectives d’une mondialisation qui se voulait heureuse, les effets secondaires ont fait naître le doute, puis la crainte et enfin l’opposition de nombreux peuples qui comprenaient progressivement que cette nouvelle architecture allait faire disparaître les nations et les réduire à la servitude.
Apparus après la crise financière de 2008, les mouvements baptisés « populistes » ont pris de l’ampleur.
Aux Etats-Unis, l’élection de Donald Trump en 2016 en fut une conséquence directe.
La réindustrialisation initialisée par ce dernier a clairement alerté ceux qui voulaient régner sans partage sur l’économie mondiale du danger qui arrivait. La pandémie du coronavirus Sarscov 2 a encore accéléré ce phénomène en révélant à ces peuples l’état de dépendance dans lequel se trouvaient leurs pays.
Il y a encore peu de temps, tous ces échanges commerciaux planétaires se faisaient en dollars.
LA FIN DU MONOPOLE DU DOLLAR EN TANT QUE MONNAIE DE RÉSERVE INTERNATIONALE
Depuis 1944, suite aux accords de Bretton Woods, le dollar américain était reconnu comme monnaie de réserve internationale. Certains participants, dont J. M. Keynes, avaient manifesté une certaine réticence, et auraient préféré une monnaie spécifique, gagée sur l’or, mais dont aucun pays n’aurait pu avoir le contrôle. Certes, le dollar était convertible en or, mais avait le défaut d’être également la monnaie domestique américaine. D’autant plus qu’à partir d’août 1971, il perdait cette convertibilité et devenait une monnaie purement fiduciaire.
« le dilemme de Triffin » dénonçait depuis longtemps le danger lié à ce double aspect lorsque cette même monnaie devenait hégémonique, ce qui est le cas du dollar. Le développement des échanges internationaux a rendu impératif l’endettement des États-Unis pour pouvoir créer la monnaie nécessaire à ces transactions.
Tant que le dollar reste la monnaie de réserve, tout va bien pour lui…
Mais depuis quelques années, et en partie lié au fait que la Justice américaine considère qu’une transaction en dollar relève de l’extra-territorialité du Droit américain, d’autres monnaies comme le yuan chinois sont utilisées, et très récemment le rouble russe.
UNE SITUATION TRÈS PRÉOCCUPANTE
D’autant plus que cette tendance ne peut que s’amplifier. Klaus Schwab, dans « COVID 19, la grande réinitialisation » décrit la situation résultante (page 123)
En d’autres termes, la mondialisation « globale » va céder le pas à une « régionalisation » C’en est donc fini du projet du futur « gouvernement mondial ».
VERS LA GUERRE MONDIALE ?
Le changement de paradigme de la globalisation vers la régionalisation va déposséder les États-Unis de leur statut de seule « superpuissance mondiale » (voir plus haut). Les échanges en dollars diminuent au profit d’autres monnaies, précipitant l’occident (USA et UE) vers une inflation difficilement maîtrisable car ne dépendant pas de l’économie de cette zone.
Nous sommes en train de nous rapprocher dangereusement de la zone qui rend l’impensable possible et, si nous continuons ainsi, probable. La guerre en Ukraine, à laquelle personne ne croyait vraiment, était pourtant inscrite depuis des décennies. Dès lors que le deep state n’avait pas abandonné cette vision qui le caractérise depuis la fin de la seconde guerre mondiale, malgré la chute de l’URSS qui aurait dû établir la paix dans le monde, à savoir l’anéantissement de la Russie, tout ce qui pouvait menacer cette hégémonie américaine serait combattue par tous les moyens. Le véritable danger pour eux n’est pas la Russie en tant que telle, mais une potentielle alliance de « l’Eurasie » (Chine, Inde , Russie) qui aurait alors le potentiel nécessaire. Jusqu’à présent, la division, voire l’opposition interne qui régnait à l’intérieur, écartait tout danger de cette nature. La seule chose qui pouvait préoccuper les stratèges américains était un éventuel rapprochement économique entre la Russie et l’UE, et plus particulièrement l’Allemagne.
D’où l’importance pour eux de l’OTAN, qui devait empêcher ce rapprochement. La zone « neutre » demandée par Gorbatchev au lendemain de la réunification allemande n’ayant cessé de se rétrécir presque jusqu’à atteindre la Russie, l’Ukraine devenait, de par sa position géographique, un élément-clé.
Basculant dans l’OTAN, elle menaçait directement Moscou et rejoignant politiquement la Russie ; elle devenait une passerelle vers l’Allemagne. Entre-temps, la fin de non-recevoir de l’UE adressée à la Russie qui lui tendait la main, a orienté cette dernière vers la Chine avec laquelle elle a une frontière commune. De quelque coté que l’on se tourne, l’émergence d’un risque sans précédent apparaît.
LE PIÈGE DE THUCYDIDE
Cette étude du politologue Graham T Allison arrive à la conclusion que la perspective de la perte du statut américain de suprématie mondiale va inéluctablement conduire à un affrontement militaire avec la Chine. La guerre en Ukraine pourrait jouer le rôle d’un catalyseur. Circonscrite aujourd’hui au territoire russo-ukrainien, la montée en puissance de l’aide militaire apportée par certains pays de l’UE, liés entre eux et aux USA par l’OTAN, pourrait conduire à une extension du conflit sur le territoire occidental de l’Europe. Tout dépendrait alors de l’implication des USA et de leur volonté ou non de mondialiser ce conflit.
Jean Goychman
1/5/2022
Hélas, je ne pense pas que Macron ai la carrure de s’interposer entre USA et Russie, il y a trop de point commun avec Poutine, même orgueil