Nous venons d’assister à un curieux spectacle, résultant d’un enchaînement audacieux qui néglige certains détails dont la révélation aurait pu troubler les esprits.
Il existe ainsi des moments pendant lesquels l’image doit primer sur la réalité.
Ce dimanche 8 mai, nous avons eu droit à la grande parade patriote en l’honneur de tous ceux qui se sont battus pour que notre pays retrouve sa liberté. Nous avons pu écouter avec émotion et respect le « Chant des Partisans » que ma génération a appris à chanter à l’école primaire.
Le lundi 9 mai était d’une toute autre facture. On célébrait la « Journée de l’Europe ». Comment aurait on pu éviter un vibrant hommage à la mémoire de Robert Schuman, unanimement considéré comme le père de l’Europe ?
Cependant, à y regarder d’un peu plus près, le personnage est plus complexe qu’il n’y paraît…
Robert Schuman et Jean Monnet
Figure emblématique de la construction européenne, son discours du 9 mai 1950 fortement inspiré par Jean Monnet est systématiquement rappelé à chaque occasion et – allez savoir pourquoi – ces lignes, qui apparaissent comme des pointillés microscopiques sur certains de nos carnets de chèques, sont en réalité un extrait des mots de ce discours, liés sans espace les uns à la suite des autres.
Ceux qui ont une vision perçante pourront lire cette phrase, prémonitoire :
L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble.
Elle se fera par des réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait.
Mais le personnage est à facettes.
Qui connait la vie de Robert Schuman avant son discours ?
Il est né au Luxembourg en juin 1886, de parents allemands.
Bien que français d’origine, il avait opté pour la nationalité allemande après la guerre de 1870.
Il fait ses études de droit en Allemagne et ce n’est qu’après la guerre de 14/18 qu’il devient français, après s’être fait réformer par l’armée allemande en 1914.
Vraiment ce « triple-national » était prédestiné pour l’Europe…
Après la guerre, il rejoint les milieux catholiques conservateurs lorrains qui ne voyaient pas d’un très bon œil le rattachement à la France de la Lorraine.
Pressé par ses amis (du moins le dit-il) d’entrer en politique, il siégera sans discontinuer au Palais Bourbon de 1919 à 1940 dans le parti qui allait devenir le très centriste MRP.
Plus gênant est son rôle dans le gouvernement Pétain.
Très attiré – de son propre aveu – par les régimes autoritaires, il se prononce pour l’arrêt des combats dès le 12 juin 1940.
Le 10 juillet 1940, il vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, qui le confirme comme sous-secrétaire d’Etat dans son nouveau gouvernement…
Quelques jours plus tard, c’est Laval qui ne veut plus de lui.
Commence alors une période dont on sait peu de choses. Toutefois, l’historien François Roth écrit :
« alors que de nombreux Messins et Mosellans sont expulsés du département de la Moselle par le Gauleiter nazi Josef Bürckel, Robert Schuman, quant à lui, fait le chemin inverse. Il rentre à Metz en zone occupée où il ne trouve rien de mieux à faire que de brûler sa correspondance.
Puis… il se rend à la police pour discuter du rapatriement des réfugiés mosellans.
On lui propose de collaborer avec les autorités allemandes »
Ce n’est qu’à la Libération qu’il réapparait.
Les autorités gaullistes avaient une opinion bien arrêtée sur lui et on peut lire : « À la Libération, le ministre de la Guerre, André Diethelm qui devait avoir quelques informations solides, exigea que « soit vidé sur-le-champ ce produit de Vichy ». Les autorités de la France Libre le traitèrent pour ce qu’il était : à savoir un ex-ministre de Pétain et l’un des parlementaires ayant voté les pleins pouvoirs au maréchal en assassinant la IIIe République. Ces faits suffirent à le frapper « d’indignité nationale » et « d’inéligibilité ».
Cette mesure fut cependant rapportée par de Gaulle, qui n’était probablement pas dupe, par une intervention supposée du clergé et peut-être du Vatican.
La IVème République fut pour lui un espace de prédilection, et il participa activement à tout ce que ce que de Gaulle reprochait à ce régime en matière « culinaire ». Président du Conseil en 1947, il réalisa le prodige de rester aux Affaires étrangères dans neuf gouvernements successifs de 1948 à 1953.
Alors, avouez que nous nous rappeler à juste titre les « heures les plus sombres de notre histoire » le dimanche pour encenser le lundi ce personnage dont on peut pour le moins dire que, concernant les faits célébrés la veille, il y était totalement étranger, voilà qui en dit long sur la cohérence de l’action politique de nos gouvernants.
Jean Goychman
10 mai 2022
Les véritables heures les plus sombres de notre histoire furent la Terreur de 1793 à 1794 où la république massacra ses propres citoyens.
Quant à 1940, c’était une guerre contre un ennemi étranger et toutes les guerres sont sombres.
Pour abonder dans votre sens, je rappelle la lecture indispensable du livre de Philippe de Villiers « J’ai tiré sur le fil du mensonge … » De page en page on est terrifié de découvrir ce qui nous a conduits dans ce tunnel européen. Comment en sortir ?
Ajoutez « Le livre noir de la gauche française » de Xavier Moreau qui éclaircit tout !
La phrase est sur tout les chèques, je ne pense pas qu’il y ait des exceptions.
Mais pour la trouver il faut un sacré bon œil !
J’y suis arrivé avec une loupe monoculaire de joailler.