RIFIFI POUR LE NICKEL A NOUMEA : UN MORT ! (par Maurice D.)

« Un mort sur un barrage de rouleurs en Nouvelle-Calédonie » disait sobrement le bandeau qui défilait sous le journal de BFM-TV vendredi soir dernier. Il faut connaître les lois de la guerre dans le Pacifique (1) pour savoir qu’un mort dans un clan ou une tribu doit être vengé par la mort d’un autre mort dans le camp d’en face. Les autorités régionales ont raison de craindre des dérapages à venir dans ce qui était un conflit professionnel apparemment simple mais évolue en affrontement politique.

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Ce barrage (filtrant) est celui installé par les « rouleurs » à l’entrée de la seule ville de la Nouvelle-Calédonie, Nouméa, celui où a eu lieu l’accident. Les autres localités ne sont au mieux que de gros villages. Les « rouleurs », ce sont les conducteurs d’énormes camions et engins de chantiers divers qui charrient le minerai de nickel, richesse historique de l’archipel, des mines de la montagne omniprésente jusqu’aux « wharfs » (quais) d’embarquement sur les minéraliers.

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Le chargement des camions sur la mine Koniambo, propriété des Canaques

L’objet du conflit, ce sont les contrats de « roulage » (chaque chauffeur est une micro-entreprise) qui se raréfient en raison de la crise qui touche la demande de nickel dans le monde et cause la chute vertigineuse des cours en bourse des grandes entreprises minières mondiales comme Imetal, Glencore-Xstrata et Vale. Les trois sont présentes en Nouvelle-Calédonie, troisième producteur mondial du précieux minerai (que les socialistes souhaiteraient brader), qui sert principalement à la fabrication des aciers inoxydables et spéciaux.
Vale (2), c’est l’usine du Sud, en phase de démarrage ; Imetal, c’est la Société Le Nickel, connue de puis plus d’un siècle et qui a fait la fortune du territoire ; Glencore-Xstrata, c’est l’usine du Nord, propriété des Canaques, créée pour procéder à un rééquilibrage économique entre le Nord pauvre de l’inactivité économique tribale et le Sud riche de l’activité des Européens et des Asiatiques.
L’usine du Nord, Vavouto, est en pannes quasi permanentes du fait de sa construction par la Chine qui semble y avoir introduit un certain nombre de malfaçons pour ne pas créer un concurrent supplémentaire à ses propres usines de nickel.

La Chine est en train de construire (en Chine) une nouvelle  usine  qui produira 30 000 tonnes annuelles de nickel métal, elle a besoin de minerai et a demandé à la société (SMSP) dont les Canaques de la province Nord sont propriétaires, mais qui est en réalité gérée par un sino-calédonien, André Dang, de la fournir en minerai. Les rouleurs et les petits mineurs pensant avoir trouvé un nouveau client avec la Chine ont demandé l’ouverture des exportations du minerai vers ce potentiellement gros client, ce qui a été refusé.
Et c’est là que ça se complique !

Il existe un plan gouvernemental de gestion du nickel qui, en principe, réserve le minerai « riche », à l’entour de 2,5 % en teneur de nickel ou plus et de couleur verte (photo de gauche) , aux usines locales afin de préserver la ressource, et le minerai « pauvre » les latérites qui contiennent 1,5 % ou moins de nickel mêlé à environ 30 % de fer (d’où leur couleur de rouille, photo de droite) à l’exportation. Les deux clients historiques des exportations de nickel calédonien sont l’Australie et le Japon.

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Le refus d’exporter du minerai vers la Chine a provoqué la colère des rouleurs, des hommes qui travaillent dur pour gagner peu, l’équivalent en niveau de vie d’un SMIC en France, même si la somme est un plus élevée, environ 2 000 euros/mois, en raison du coût de la vie très élevé en Nouvelle-Calédonie (marges et taxes élevées).

N’arrivant pas à se faire entendre, ils ont entrepris de bloquer le pays en barrant les routes, les accès aux villages et à la ville de Nouméa où ils ont instauré un quasi couvre-feu en contrôlant la circulation des véhicules et même des piétons : magasins en rupture de stocks dévalisés par les habitants qui ont peur que l’affaire ne dure – 20 jours déjà – entreprises en chômage technique, administrations fermées, rentrée scolaire menacée de report.

Le jeune kanak qui s’est tué en encastrant sa voiture à 2 h 30 du matin sous l’un des camions des rouleurs barrant l’entrée de la ville était, semble-t-il, fortement alcoolisé et un peu canabisé, mais cela ne changera rien à l’affaire si son clan décide de venger sa mort.

Le problème est qu’une solution technique serait possible, mais que le gouvernement local a délibérément politisé cette solution afin de faire avancer la cause de l’indépendance en espérant que le gouvernement français, qui jusqu’ici a laissé faire (le délégué du gouvernement n’a rien fait pour interdire l’entrée de la ville aux rouleurs, les invitant même à venir stationner leurs engins au cœur de la ville), va se saisir de cette opportunité pour faire un nouveau cadeau aux Canaques indépendantistes : leur donner partiellement ou en totalité la ressource minière jusqu’ici contrôlée par diverses entreprises dont Imetal, Vale et les « petits mineurs » qui ne font que de l’exploitation minière et pas de transformation.

Si les indépendantistes contrôlent tout le nickel, la prospérité du Sud très majoritairement favorable au maintien de la présence française s’effondrera, provoquant une émigration économique des Calédoniens vers d’autres lieux plus prospères, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou les Etats-Unis (très peu envisagent un retour en France qu’ils voient comme un pays en décomposition depuis 1981). Le référendum pour l’indépendance jusqu’ici perdu d’avance malgré les tripatouillages du corps électoral pour sortir des listes le maximum d’électeurs  (dont environ 30 % des Canaques) favorables à la présence française pourrait alors être gagné.

Sous l’affaire, celui qui manipule tout le monde, c’est le sino-calédonien André Dang, milliardaire qui travaille pour le gouvernement chinois depuis des années, mais aussi avec la triade (mafia) Sun Yee On dont le siège est à Hong Kong et dont l’activité couvre tout l’Ouest du Pacifique, y compris l’Australie (3). Il a aidé les Kanaks de la province nord de Calédonie a faire le montage financier de l’usine de Vavouto avec un contrat absolument hors normes !

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André Dang

Il a pris 51 % des parts dans une usine de nickel sud-coréenne, propriété de la société Posco devenue Posco-Société-Minière-du-Pacifique-Sud, pour lesquelles il n’a pas versé un sou, s’engageant à les payer en livraisons de minerai calédonien à bas prix. Il a expliqué aux Canaques que les dividendes financeraient la construction de l’usine calédonienne (celle dont la construction a été confiée aux Chinois). Une fois la dette remboursée, les Kanaks propriétaires de deux usines, l’une dans le Nord calédonien et l’autre en Corée seraient encore plus riches s’ils ne le sont déjà avec l’argent de la France.
Sauf que…

Les Chinois ont semble-t-il volontairement introduit des malfaçons (soudures déficientes, centrale à énergie loupée, fours mal conçus, etc.) qui bizarrement ne se produisent pas dans les usines qu’ils construisent en Chine, et font que l’usine calédonienne n’arrive toujours pas à tourner au régime prévu et perd de l’argent. Et tant qu’elle n’est pas payée, la menace pèse sur Dang et les Canaques de voir leur part de 51 % chez Posco remise en question. D’autant plus que Posco commence à s’agacer de ce que des rallonges financières sont souvent demandées pour boucher les trous des erreurs de gestion.

Dang a cru trouver la solution en rééditant la formule avec la Chine. Il a proposé des livraisons de minerai en échange de 51 % des actions et quelques dizaines de millions de dollars dans une nouvelle usine de nickel en Chine, construite par le groupe Jin Chuan. Il lui faut donc encore plus de minerai qu’avant, un minerai qu’il n’a pas puisqu’il s’agit de minerai pauvre et que la ressource principale du Nord-calédonien est un massif de garniérite, minerai riche, le massif du Koniambo.

Dang utilise donc tous ses relais politiques, et notamment l’actuel gouvernement calédonien dirigé par Philippe Germain, un homme de paille du vrai « chef », le député Philippe Gomès, qui se dit français et partisan de la France dans ses discours, mais agit en fait pour l’indépendance dont il espère être le premier président. Ce que veut Dang, c’est contrôler toutes les exportations de minerai vers la Chine au prix qu’il fixera et pas au prix du cours mondial du minerai, fixé par le London Metal Exchange. Cela n’est pas dans l’intérêt de la Calédonie, ni des exportateurs traditionnels de minerai, Imetal via la SLN, et les petits mineurs, puisqu’il faudrait réduire les exportations vers les acheteurs rentables que sont l’Australie et le Japon (l’Australie a fait savoir le 15 août qu’elle souhaitait augmenter ses importations de 3 à 5 millions de tonnes annuelles).

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Les points de couleur sont les sites miniers (un quart des réserves mondiales de nickel), les trois carrés les usines, rouge = Nord, Noir = Nouméa, vert = Sud

Les rouleurs, eux, voient qu’ils n’ont pour le moment ni le supplément d’Australie, ni la Chine. ils savent aussi que si le marché chinois est réservé à Dang, il faudra passer par ses conditions, comme lui acheter des camions vendus par ses sociétés (il a la concession Toyota, etc.). Or ils sont souvent déjà fortement endettés, d’où leur colère.

Le risque de contagion vient de ce que beaucoup des rouleurs étant canaques, les indépendantistes (minoritaires en Calédonie) étaient jusqu’ici de leur côté. Un remontage de bretelles fait par le président Kanak de la province Nord qui est très lié et soumis à Dang a fait qu’ils ont changé brutalement de camp et les indépendantistes menacent maintenant de s’armer et de bloquer les mines de la SLN et des petits mineurs. Cela mettrait l’économie calédonienne en crise et pourrait provoquer des réactions violentes de la majorité de la population qui, elle l’a déjà montré dans le passé, n’est pas du genre à laisser faire.

Maurice D.

1 : voir « Guerres indigènes dans le Pacifique », Ed. universitaires allemandes Dictus Publishing, chez les sites de vente en ligne Morebooks et Amazon.

2 : Vale = Companhia Vale do Rio Dolce, multinationale brésilienne

3 : Je le dis parce que je le sais, l’ayant appris d’une source que je considère comme sûre, mais je ne peux pas le prouver ! Exactement comme il est très difficile de prouver l’activité des mafias italiennes.

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