Yann Bizien, ancien officier supérieur au ministère des armées nous livre son analyse sur l’année passée depuis l’attaque des Russes, sur les erreurs de notre gouvernement et les fautes de notre Président.
Le 7 février, avant même le déclenchement de l’offensive russe et alors que les services de renseignement américains prévoient une attaque imminente, Emmanuel Macron surprend en se rendant à Moscou pour une tentative de médiation infructueuse et désespérée dans un dialogue à distance et de « sourds ».
Quinze jours plus tard, les chars russes traversent la frontière biélorusse et tentent de prendre Kiev.
Jusqu’à la veille de l’invasion russe, les capitales européennes restent sourdes aux alertes lancées par Washington. Paris, Berlin et Rome veulent encore croire aux vertus de la politique de la main tendue.
Mais le pouvoir français ne sait pas saisir la signification de l’état de nervosité et le but des renforcements militaires russes à proximité des frontières ukrainiennes. Dans les chancelleries ouest-européennes, c’est l’incrédulité qui domine. Jusqu’au bout, les experts politiques, les diplomates et les états-majors militaires écartent l’éventualité d’une offensive armée russe d’envergure.
Les américains rendent pourtant public leur renseignement pour compliquer les prises de décision de Poutine. Mais rien ne bouge à Paris, Berlin et Rome.
Les faits militaires russes démontrent que la France, dépassée, et dépourvue, incapable d’anticiper, a perdu elle aussi la connaissance de la société et du régime russe.
Comment comprendre ce déni de réalité et ce défaut d’interprétation des intentions réelles de Vladimir Poutine ?
Diplomates, militaires et experts ouest-européens se persuadent que les pressions russes d’avant le 24 février 2022 ont vocation à imposer des négociations sur l’architecture sécuritaire de l’Europe. Vladimir Poutine réclame que l’OTAN renonce à tout élargissement futur, y compris l’adhésion de l’Ukraine, et que ses Etats membres à la date du 27 mai 1997 soit avant l’élargissement de l’organisation vers l’Europe centrale, orientale et vers les pays baltes, s’engagent à ne pas disposer de forces sur d’autres territoires européens.
La communication américaine, avec son déballage de renseignements, réveille le pénible souvenir des mois précédant l’invasion américaine de l’Irak, en mars 2003. Les fausses preuves, brandies par Washington, au sujet de la présence d’« armes de destruction massive » avaient alors servi de justification au renversement du régime de Saddam Hussein sans mandat du Conseil de sécurité.
Le déni des Européens est aussi lié à la conviction que l’hypothèse d’un retour de la guerre entre Etats sur notre continent est tout simplement irrationnel, notamment parce que la Russie dispose de l’arme nucléaire pour la défense de ses intérêts vitaux. Au sein de l’Europe naïve et désarmée, les meilleurs connaisseurs de la Russie ne pensent pas que Poutine ira jusqu’à faire la guerre. Ils voient nos interdépendances économiques avec la Russie dans l’économie mondialisée.
La diplomatie française n’avait jadis que peu d’équivalent dans le monde. Elle est désormais minée par le déclassement de la France, sa faible capacité d’entraînement, l’incapacité à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies globales associant tous les leviers de l’action publique et privée mercantiliste.
La diplomatie française est devenue anonyme. En surrégime du fait des exigences d’Emmanuel Macron, elle manque de muscles, de forces et d’énergie. Elle ne s’affirme plus. Nous sommes en grande difficulté pour faire savoir et pour exporter notre savoir-faire. Notre déficit du commerce extérieur explose. Nous ne pesons plus dans le dialogue stratégique. Nos intérêts à l’étranger sont de plus en plus mal défendus.
Par contraste avec Dominique de Villepin, je ne connais quasiment pas notre Ministre des Affaires étrangères et européennes.
Emmanuel Macron nourrissait une grande défiance à l’égard de ce Ministère. Il a donc désarmé la diplomatie française. De façon sidérante, mais vite oubliée dans notre pays sans mémoire, le président français dynamite des vieilles institutions qui avaient fait leurs preuves. Il supprime les corps diplomatique et préfectoral qui constituaient jusqu’ici la colonne vertébrale nationale et internationale du pays.
Emmanuel Macron fait disparaître la diplomatie professionnelle, de carrière et de métier. Il réduit ses moyens (-30% d’effectif au MINAE) alors qu’elle ne pesait que 0,7% du budget de l’Etat et que ses missions augmentaient avec la compétition de la mondialisation et l’inflammabilité des relations internationales.
Nous vivons une véritable révolution, traumatisante, qui suscitera colère et incompréhension et qui, fait rarissime, poussera les diplomates « punis » à descendre dans la rue pour dénoncer notre perte d’indépendance, de compétence et de mémoire.
Pour les disqualifier, les mettre « au pas » et les stigmatiser, Emmanuel Macron fera délivrer ses éléments de langage dans les médias : le quai D’Orsay, autrefois réputé pour son expertise et la qualité de ses réseaux, serait une grande administration conservatrice, sclérosée, aux habitudes trop figées, déconnectée des réalités, cultivant le huis clos et l’entre-soi, dans une recherche toujours exagérée du compromis, devenue un véritable Etat dans l’Etat.
Le président insiste sur les nécessités d’ouverture, d’interchangeabilité, de brassage et de « diversité » dans ces fonctions régaliennes.
Notre influence et notre rayonnement diminuent alors que la mondialisation devient plus tendue et plus guerrière.
La France, ancien empire colonial, aimait passionnément jouer sa partition et peser dans le monde, avec son domaine maritime qui couvre encore tous les océans et son réseau dense de 160 ambassades.
Alors que nous étions à l’école des réalistes, les Affaires étrangère nous deviennent de plus en plus étrangères dans un contexte international volatil, incertain et en rupture.
Nous sommes aujourd’hui en difficulté et en disgrâce en Afrique. Notre effacement à l’international accompagne notre effondrement économique, industriel, militaire, démographique et culturel.
Notre leadership n’est plus ce qu’il a été. Tout ceci signe la fin de la domination occidentale. Sur 160 ambassades françaises à l’étranger, 120 seraient invivables aujourd’hui car implantées dans des pays à risques.
Il fallait d’urgence réarmer notre diplomatie. Emmanuel Macron fait le contraire, comme ses prédécesseurs ont désarmé l’outil de défense durant 55 ans.
Cet effondrement de notre diplomatie a été confirmé en 2021 par note échec cruel dans une opération majeure d’exportation d’armements en Australie. La France a pris une énorme claque infligée par les Etats¬-Unis et leur nouveau partenariat stratégique avec l’Australie et le Royaume¬-Uni – baptisé Aukus – entraînant l’annulation de la vente de douze sous-marins conventionnels de technologie française à Canberra. Enorme fiasco diplomatique qui a relégué la France dans l’ombre.
Dans son ouvrage « Paix et guerre entre les nations » (Calmann-Lévy, 1962), Raymond Aron rappelait que « l’ambassadeur et le soldat vivent et symbolisent les relations internationales ». Ils défendent ensemble les intérêts français à l’étranger.
J’ai connu et fréquenté 38 ambassades autour des l’Océan Indien jusqu’en Australie. J’ai eu l’honneur et la chance de rencontrer 38 Ambassadeurs ainsi que tous leurs conseillers diplomatiques. J’ai vu de mes yeux ce collier de perles françaises à l’étranger. Nous nous sommes confrontés ensemble aux réalités et aux passions du monde, aux aléas internationaux et aux rapports de forces. Les passions sont le pire ennemi des diplomates. Ils les retrouvent derrières chaque grand désastre.
La diplomatie est un moyen de la politique. Elle est un art d’exécution qui ne s’improvise pas. Elle est qualités personnelles, ruse, intelligence, subtilité, finesse, habileté, discrétion, secrets, noblesse, connaissances linguistiques et culture. Elle doit concrétiser les choix de politique étrangère de l’exécutif. Elle informe, influence, négocie, maintient des équilibres, fait entendre si nécessaire sa différence, gère des crises et apporte des solutions à Paris. Elle génère des relations de confiance. Elle contribue à garantir « la paix par le commerce ». Elle fait face aux bouleversements du monde et aux risques de guerre. Elle est gardienne de la bonne image de la France. Et elle est un des leviers de la puissance et de notre crédibilité.
En France, hélas, du fait de sa maltraitance, la voix de la France à l’étranger se porte très mal. Enrouée, en manque de singularité, et de vigueur, elle essuie de nombreux revers. Elle souffre surtout du « en même temps » déroutant, des contradictions et des ambiguïtés d’Emmanuel Macron.
Notre président aura voulu faire de la diplomatie une variable d’ajustement. Il a fragilisé un outil jadis de haut niveau dans le pire des moments de notre histoire contemporaine.
Aujourd’hui, c’est la France marginalisée qui paye la facture de l’hyper président dans le fracas du concert des nations.
Yann Bizien
9 mars 2023
Conclusion : nous sommes trahis ouvertement par nos « z’élites » ou ce qui en tient lieu et personne en haut lieu ne franchit ou ne tente de franchir le Rubicon pour nettoyer les écuries !…Faudra-t-il un autre mai 40 avec 30 millions au bas mots de gens sur les routes pour que nous assistions à un sursaut ?
Cher « mon Capitaine »; votre article est un hommage à Jacques Prévert et son fameux inventaire…
Mais, mon Capitaine, avec tout le respect que je vous dois, tout en étant d’accord avec votre constat catastrophique et identique au mien, puisque suivant, en tant que passionné par l’histoire et la géopolitique, l’involution désespérante de ma Patrie depuis 1962, il n’aurait pu en être autre…
Vous devriez, comme moi, puisque vous prenez la parole par la plume, nous faire la grâce de dévoiler votre intime conclusion, d’ « Homme de Guerre » par vocation, puisque cette dernière est l’avers de la médaille de la Paix sauvegardée par l’Armée..
Or, j’appuierai là où ça fait bien mal en vous déclarant que je vous aurais hautement estimé si façon à la Hussarde ou avec une bravoure égale à celle du Capitaine Corsaire Duguay – Trouin vous ayez vilipendé à défaut de pendre à la vergue de votre vaisseau le machiavélique Emmanuel Macron Président et fossoyeur mondialiste, prédateur de la France, que le Général de Gaulle aurait, lui, fait fusillé, comme ce fut le le sort du Colonel Bastien Thierry en 1963 parce que celui-ci- avait ouvert le feu sur le passage de sa voiture DS, alors qu’en plus de lui-même s’y trouvait Dame Yvonne de Gaulle, son épouse …
Question d’éthique personnelle :
Lire, ligne 4 du quatrième paragraphe : qu’il aurait fait fusiller.. avec donc un r pour lettre de terminaison, en lieu et place d’un é.
Merci !
Dites-nous alors comment on sort de ce déclassement et de cette descente aux enfers, engagée depuis longtemps.
L’heure est au combat, par la réflexion, la pensée, la volonté.