IL PARAIT QU’ON VA MANQUER D’EAU ? (Éric de Verdelhan)

 

 

Pendant une quinzaine de jours, j’ai déserté le pays. Je comptais me mettre au vert durant une semaine, et puis, et puis… j’ai prolongé mon séjour en Espagne et au Portugal, loin d’une France en proie aux manifestations diverses et variées ; certaines étant parfaitement légitimes comme celles des paysans ou des pêcheurs ; d’autres qui l’étaient un peu moins, comme celles contre la réforme des retraites menées par des gens qui ont appelé à faire réélire Macron en 2022 ; d’autres enfin qui sont scandaleuses, hautement condamnables et qui devraient être sévèrement réprimées si notre pays était capable de faire respecter la loi et l’ordre, comme à Sainte-Soline où les « zadistes » agressent  les forces de l’ordre et pleurnichent quand un des leurs est blessé. En d’autres temps, on aurait envoyé l’armée qui aurait tiré dans le tas et le problème aurait été réglé (1).

Sans radio, sans télé, sans journaux, j’étais loin de ce « merdier », de ce « bordel » que l’on doit au gouvernement et aux « idiots utiles » alliés à Mélenchon. En passant au Col d’Ibardin, je croyais retrouver une France apaisée ou, tout au moins, provisoirement calmée, mais la Macronie, c’est un peu comme les Galeries Lafayette, il s’y passe toujours quelque chose. Depuis 2017, Macron nous abreuve de ses discours fleuves, ses propos alarmistes ou infantilisants, pour nous préparer à accepter le Nouvel Ordre Européen, préalable au Nouvel Ordre Mondial. Ce coup-ci, c’est du Lac de Serre-Ponçon que l’oracle de l’Elysée nous prêchait la bonne parole. Je connais bien ce coin superbe et son site de parapente de Saint-Vincent les Forts (04) mais, alors que le pays est en ébullition, je me demandais ce que l’avorton présidentiel allait faire là-bas et ce qu’il avait à nous dire.

Homme le plus sale au monde ( ne s’était pas lavé pendant 60 ans)

Une fois de plus, nous avons eu droit à un scénario-catastrophe (2) et une leçon de moraline à deux balles. Il parait que nous allons bientôt manquer d’eau. Il faut impérativement « préserver la ressource » et appliquer une cinquantaine de mesures simples (simplistes ? simplettes ?) pour sauver la planète. Les préconisations de Macron sont tellement évidentes, voire stupides, que je me crois obligé d’en rajouter quelques unes : lavez-vous les dents au Beaujolais ; buvez votre Ricard cul-sec, sans eau ; pissez dans votre jardin plutôt que dans les toilettes ; restez crasseux le plus longtemps possible tant que votre propre odeur ne vous incommode pas ; sortez à poil les jours de pluie, etc…

Plus sérieusement, il serait temps que nos dirigeants arrêtent de nous prendre pour des billes, qu’ils cessent de nous raconter n’importe quoi car, de deux choses l’une, soit ils sont ignares, soit ils sont menteurs, et dans les deux cas ils sont indignes de gouverner.   

L’eau est une ressource inégalement accessible sur notre planète. Certains pays disposent d’une forte disponibilité en eau douce, comme l’Islande, la Russie ou encore le Canada. Mais de nombreux États, situés dans des régions arides, souffrent de pénurie et disposent de moins de 1 000 m3 d’eau par habitant par an, c’est du moins ce que l’on veut nous faire croire.

Or, l’aquifère du Bassin de Nubie, par exemple, qui s’étend sur le Tchad, l’Égypte et le Soudan sur une surface totale de 150 000 km3, couvre une large partie de la Libye (sous le désert du Sahara). Il s’agit de ressources fossiles qui constituent d’énormes réserves d’eau souterraines. La Libye était jadis l’un des pays dans lesquels l’eau constituait une ressource rare. Les précipitations y sont inférieures à 200 millimètres par an sur le littoral. Elles descendent sous les 100 millimètres à l’intérieur des terres, dominées par un climat désertique. Le désert couvre 95 % du territoire libyen.

L’agriculture se réduisait à une étroite bande littorale où se concentraient également 94 % des 6,5 millions d’habitants que compte le pays. Et seules des cultures peu gourmandes en eau, telles que le blé, l’orge et l’olivier, pouvaient y pousser grâce à l’eau de pluie. La demande libyenne en eau ne pouvait être assurée qu’à 2 % par les eaux de surface.

Conscient du problème, Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis son coup d’État de 1969, décida dès 1983 de lancer un projet pharaonique qui puisait dans ces ressources fossiles : la Grande Rivière artificielle. Programmé sur 25 ans, ce projet consistait à acheminer vers le littoral libyen, sur une distance allant de 400 à 800 kilomètres, des eaux pompées dans les réserves d’eaux fossiles du Sahara. Pour transférer ces eaux, un réseau de 4 000 kilomètres de canalisations souterraines, de 4 mètres de diamètre, fut édifié. Ces tubes ont été pour l’essentiel fabriqués par un consortium coréen (grâce à l’argent du pétrole). Ce sont au total 6 millions de m3 qui sont pompés chaque jour dans les ressources fossiles libyennes et acheminés vers le littoral méditerranéen. L’objectif initial de ce projet démesuré était de développer l’irrigation agricole afin d’accroître les surfaces cultivées et de permettre l’autosuffisance alimentaire libyenne : 80 % étaient destinés à l’agriculture.

Mouammar Kadhafi, souvenez-vous, c’est cet ex-ami de Sarkozy (3), ce dictateur sanguinaire qui empêchait les migrants de migrer chez nous. Sur les conseils de l’ineffable BHL, et pour complaire aux Américains, Sarkozy a fini par le lâcher et il fut assassiné par des rebelles en octobre 2011.

Depuis, la Libye vit dans le chaos et les migrants nous arrivent massivement. Ceci démontre, une fois de plus, que la realpolitik est toujours préférable aux bons sentiments.

Mais revenons au problème du manque d’eau. Puisque, avec le réchauffement climatique, le niveau des océans monte, nous ne devrions pas manquer d’eau… salée dont nous pouvons  faire bon usage. Je connais plusieurs îles des Canaries : Tenerife, qui n’a pas grand intérêt en dehors de ses sites de parapente ; Lanzarote et Fuerteventura qui sont encore un peu sauvages ; et Gran Canaria qui est un vaste « bronze-cul » pour touristes teutons qui bâfrent et picolent de la bière toute la journée dans des hôtels « todo includo ». Cette île, c’est le paradis des larves obèses.       

Peu de gens savent que la première usine de dessalement en Europe a été installée dans les îles Canaries, sur le territoire de la commune d’Arrecife (île de Lanzarote), en 1964. Il s’agissait d’une installation d’occasion récupérée sur la base militaire américaine de Guantánamo (Cuba). Depuis, l’archipel de l’océan Atlantique doit son développement et sa survie à l’existence de cette possibilité, dessaler de l’eau de mer. Sans ce procédé, il serait impossible aux Canaries d’accueillir chaque année plus de 16 millions de touristes.

Passons sur le nombre de piscines construites massivement dans tout l’archipel des Canaries. À Lanzarote et à Fuerteventura, la totalité de l’eau consommée toute l’année provient du dessalement. La proportion baisse légèrement pour Gran Canaria (86 % de la consommation humaine) et à Tenerife, qui dispose des plus importantes ressources hydrologiques (47 % de la consommation totale des foyers). C’est en s’inspirant de l’expérience canarienne que le reste de l’Espagne a développé un système de dessalement dans le reste du pays.

Selon Baltasar Peñate, chef du département de l’eau à l’Institut technologique des Canaries, 300 usines de dessalement fonctionnent aujourd’hui dans l’archipel. Ce territoire est donc celui qui compte le plus d’usines de dessalement par m2 au monde. Se pose évidemment le problème du coût, plus élevé en moyenne que celui de l’eau du robinet, mais il a beaucoup diminué au fil des ans, car la maîtrise de cette technologie s’améliore de jour en jour.

A ce jour, la plus grande usine d’Europe de dessalement de l’eau de mer est installée près de Barcelone, en Espagne encore. Elle a été construite après la sécheresse qui a frappé la Catalogne en 2008. Notons au passage que l’Espagne réutilise 80% des ses eaux usées quand la France, qui donne des leçons à tout le monde, en réutilise… 1% ! Mais Macron ambitionne que nous passions bientôt à 10%… Il nous a dit la même chose pour les batteries de voitures électriques.

De nombreux pays produisent de l’eau dessalée. 21 000 usines de dessalement fonctionnent déjà dans le monde. La France a, comme toujours, un métro de retard. Le dessalement s’impose comme la solution de premier plan pour faire face au déséquilibre entre la demande en eau et la quantité disponible. Les Nations Unies estiment qu’en 2025, les deux tiers de la population mondiale seront concernés par ces défis. Un véritable « boom » des industries de dessalement est à l’œuvre. La majorité des pays du Golfe dépendent désormais en grande partie de l’eau dessalée pour la consommation de leurs habitants : aux Émirats Arabes Unis, 42 % de l’eau potable provient d’usines de dessalement représentant plus de 7 millions de m3 par jour, 90 % pour le Koweït, 86 % pour Oman, 70 % pour l’Arabie Saoudite.

Le secteur connaît une croissance de l’ordre de + 6 % à + 12 % de capacité par an. En 2030, les capacités de dessalement des pays du Moyen-Orient devraient quasiment doubler. Les capacités de dessalement de l’Arabie Saoudite passeront de 5,6 millions de m3 par jour à 8,5 millions de m3 par jour en 2025, et devront couvrir plus de 90 % de la consommation en eau du pays. De même aux Émirats Arabes Unis, au Koweït, à Bahreïn ou en Israël, où la production d’eau dessalée va plus que doubler d’ici à 2030.

Ces technologies sont demandées sur pratiquement tous les continents et le Moyen-Orient ne représente plus que 50 % des capacités installées dans le monde.

En Afrique, des projets d’envergure ont été récemment annoncés en Algérie et au Maroc.

D’autres pays comme le Ghana, le Sénégal et le Kenya alimentent de nombreuses villes grâce à de l’eau de mer dessalée. C’est aussi le cas de la ville grouillante du Caire en Egypte.

Dans la zone indopacifique, notamment en Chine et en Inde, les besoins en eau dessalée augmentent, tirés vers le haut par une industrie en croissance. Plus de 35 usines de dessalement fonctionnent déjà en Chine, 6 aux Philippines et 6 à Taïwan. Sur la côte ouest des États-Unis, il y a d’importants projets en la matière, en Californie et au Texas. En Amérique latine, de nouveaux projets naissent au Pérou et au Chili. Enfin, les zones insulaires utilisent massivement de l’eau dessalée : aux Philippines, au Cap-Vert, ou encore aux  Maldives.  

Certes, on va m’objecteur que dessaler l’eau de mer est un procédé cher, énergivore et qui rejette des quantités importantes de gaz à effet de serre. La consommation électrique des usines est élevée et varie selon les techniques ; si les procédés de dessalement thermique, de moins en moins utilisés, consomment plus de 5 kilowattheures (kWh) d’énergie par m3 d’eau dessalée, le procédé de dessalement par osmose inverse, le plus répandu désormais, permet de dessaler 1 m3 d’eau avec en moyenne entre 2,5 et 3 kWh ; le record est détenu par une usine saoudienne à 2,27 kWh.

Dans les pays du Moyen-Orient, les usines de dessalement ont largement bénéficié d’un mix énergétique fondé sur les énergies fossiles et permettant un dessalement bon marché. Plusieurs pays du Golfe commencent à mobiliser les énergies renouvelables, comme la centrale par osmose inverse d’Al Khafji en Arabie Saoudite qui dessale chaque jour 60 000 m3, alimentée par des panneaux photovoltaïques.

Enfin, avant de culpabiliser le Français moyen, il serait bon que Macron se soucie de l’état de nos canalisations d’eau potable dans ce foutu pays où plus rien ne fonctionne correctement. Les experts (ou présumés tels) nous disent que 20% –  c’est énorme ! – de nos pertes en eau sont dues à des fuites dans nos canalisations vieillissantes et mal entretenues.

Et, que je sache, le vulgum pecus n’y est pour rien !

Éric de Verdelhan

3 avril 2023

 
1)- Je n’oublierai jamais que le 26 mars 1962, rue d’Isly à Alger, l’armée a tiré sur une foule pacifique, avec femmes, enfants, vieillards, qui manifestait pour le maintien de l’Algérie française. Bilan : 80 morts et 200 blessés.

2)- Validé comme il se doit par le GIEC, donc il est mal venu d’émettre le moindre scepticisme.

3)- On dit même qu’il aurait largement financé l’élection de Sarkozy.