APRÈS LE G7, LES BRICS DANS LE COLLIMATEUR (Jean Goychman)

Dans le bouleversement global que le monde s’apprête à vivre, les néoconservateurs américains qui sont au pouvoir aux Etats-Unis, conscients que le temps joue contre eux, n’hésitent plus à menacer les pays qui paraissent enclins à se rapprocher du projet que les deux leaders des BRICS, la Chine et la Russie, sont en train de finaliser.

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Visiblement adepte de la théorie des puissances « maritimes » l’Etat-profond reprend à son compte la pensée d’Halford Mackinder telle qu’il la définit dans sa théorie dite

« du Heartland » Il suggère de voir le monde à partir d’une projection polaire et non d’une projection « mercatorienne » centrée sur l’Europe. Wikipédia résume ainsi sa vision :

« On observerait ainsi la planète comme une totalité sur laquelle se distinguerait d’une « île mondiale », Heartland (pour 2/12e de la Terre, composée des continents eurasiatique et africain), des « îles périphériques », les Outlyings Islands (pour 1/12e, l’Amérique, l’Australie), au sein d’un « océan mondial » (pour 9/12e). Il estime que pour dominer le monde, il faut tenir cet heartland, principalement la plaine s’étendant de l’Europe centrale à la Sibérie occidentale, qui rayonne sur la mer Méditerranée, le Moyen-Orient, l’Asie du Sud et la Chine. Il illustre sa thèse en évoquant les grandes vagues d’invasions mongoles qu’a connues l’Europe au cours des XIIIe et XIVe siècles notamment sous l’égide de Gengis Khan et de Tamerlan. La plaine ukrainienne représentait alors, selon Mackinder, l’espace de mobilité par excellence permettant des invasions rapides au moyen de la cavalerie. De fait, la devise de Mackinder serait « qui tient l’Europe orientale tient le heartland, qui tient le heartland domine l’île mondiale, qui domine l’île mondiale domine le monde ».

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Projection « mercatorienne »

Monde - Polaire

Projection polaire

Il reprend la devise du grand navigateur anglais Sir Walter Raleigh qui, le premier, s’était exprimé ainsi :

« Qui tient la mer tient le commerce du monde ; qui tient le commerce tient la richesse ; qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même ».

Si vous ajoutez à cela que Mackinder était une eugéniste  « persuadé de la supériorité raciale anglo-saxonne et de la mission civilisatrice de son pays vis-à-vis des autres peuples », vous avez là les « vecteurs de base » de la politique anglo-américaine envers le reste du monde, et en particulier le  « Heartland »

Ce qui se passe en ce moment est justement ce que les anglo-américains ont toujours voulu éviter, à savoir une unification partant de l’Europe orientale qui, se propageant l’Asie via la Chine, conduirait à la domination de « l’Ile mondiale »

Il faut noter que ces projets actuels, hormis une nouvelle monnaie qui les affranchirait du dollar américain, sont essentiellement basés sur des voies d’intercommunications. Un récent article de Pépé Escobar, traduit dans le Réseau International, résume l’état des lieux actuel. Relatant la rencontre entre Poutine et Xi Jinping à Xian en mars dernier, il écrit :

« À Xian, Xi a particulièrement insisté sur les aspects complémentaires entre la BRI et l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), montrant une fois de plus que les cinq «stans» d’Asie centrale, agissant ensemble, devraient contrecarrer la proverbiale ingérence extérieure via «le terrorisme, le séparatisme et l’extrémisme».

Le message était clair : ces stratégies de guerre hybride sont toutes intégrées à la tentative de l’hégémon de continuer à encourager les révolutions de couleur en série. Les tenants de «l’ordre international fondé sur des règles», a laissé entendre Xi, ne reculeront devant rien pour empêcher la poursuite de l’intégration du Heartland »

Le récent G7 (Hiroshima) vient encore renforcer les propos de Xi Jinping en augmentant la pression sur ceux qui  hésitent encore à rejoindre les BRICS.

Il est étonnant de constater que la vision anglo-américaine du monde n’a pas bougé d’un iota depuis près de 150 ans. Malgré deux guerres mondiales, un grand nombre d’interventions plus localisées depuis le milieu du 20ème siècle, celle-ci a prévalu et demeure une sorte de réponse universelle à toute tentative qui risquerait de s’opposer à cette domination vue au travers du prisme de la « destinée manifeste »

Sentant bien que de plus en plus de pays, voyant dans cette nouvelle organisation d’un monde multipolaire qui préserverait leurs identités nationales, sont tentés de s’y associer, les tenants de ce monde monopolaire régi par leurs propres lois tentent coûte que coûte de les en empêcher tant qu’il est (d’après eux) encore temps.

UNE NOUVELLE VISION DES VOIES DE COMMUNICATION

Puissance maritime dominante, la Grande-Bretagne est partie à la conquête du monde par les voies maritimes. Elle a toujours voulu éviter à tout prix que se développe les transports terrestres dans les autres contrées, à l’exception notable du projet de Cécil Rhodes qui voulait établir une voie ferrée côtière en Afrique de l’Est reliant Capetown au Caire, qu’il n’a jamais achevé.

La grande « île du monde » ne devait en aucun cas aménager son territoire immense qui court-circuiterait le trafic maritime. Il devenait nécessaire de maintenir le plus de conflits possibles entre les pays qui en faisaient partie.

Le Transsibérien : 9000 km dans le Far-Est. - Du Polar et de l'Histoire : Pierre Mazet

Transsibérien

Les progrès technologiques ayant permis de franchir des barrières naturelles réputées infranchissables, ces pays avaient acquis la capacité à établir des voies de communication entre eux, quelque soit la distance à parcourir. La réalisation du « Transsibérien » contribua, de ce point de vue, à faire avancer cette réflexion. Le projet déjà avancé, de la nouvelle « route de la soie » se généralise par un concept rebaptisé « BRI » pour « Belt and Road Initiative » qui établit une complémentarité entre le transport terrestre et le maritime, permettant les acheminements de marchandises par les moyens les plus efficaces, quel que soit le trajet à effectuer.

Jusqu’à présent, le monde anglo-saxon intégrant les États-Unis et le Common Wealth dominait ce commerce mondial par le transport maritime et l’emploi monopolistique du dollar, imposé comme monnaie internationale. La théorie « néo-libérale » est venue à point nommé pour empêcher toute tentative de contournement, en éliminant toutes les frontières et toute idée de nation. Le changement qui est en cours réaffirme les nations comme « seule réalité internationale » (De Gaulle dixit) et réduit à néant le concept du « multilatéralisme » pour remettre en selle celui des relations bilatérales entre États.

Ces deux conceptions, diamétralement opposées dans leur principe, ne peuvent cohabiter sur la planète. C’est un enjeu existentiel pour les « mondialistes » tenant d’un monde monopolaire. Nous sommes dans une guerre « hybride » menée par l’État profond américain contre la Chine et la Russie qui essaie de déjouer tout rapprochement visant à unifier le « heartland » dont il est question plus haut.

LA RÉUNION DES BRICS DE DEBUT JUIN

Prévue le 02 et 03 juin au Cap, ce sont au total 19 pays qui envisagent de rejoindre le groupe des BRICS dont 13 d’entre-eux ont déjà déposé une demande officielle. Les BRICS apparaissent d’ores et déjà comme étant la nouvelle locomotive de l’économie mondiale. Les résultats en matière d’échanges commerciaux entre ces pays ont de quoi inquiéter les tenants de l’unilatéralisme qui a dominé le monde durant plusieurs décennies. Passant de 230 milliards de dollars en 2006 à 1100 milliards de dollars en 2020, ils deviennent de plus en plus préoccupant pour le système en place, d’autant plus que les prévisions s’annoncent franchement mauvaises, que ce soit concernant la nouvelle monnaie de réserve qui se précise de plus en plus ou le nombre d’adhésions aux BRICS et à l’OCS (Organisation de Coopération de Shangaï). Les développements programmés des infrastructures et des moyens de communication sont autant de menaces qui pèsent sur son devenir. On comprend alors beaucoup mieux les véritables enjeux des évènements auxquels nous assistons, tels que la guerre en Ukraine, les tensions grandissantes autour de Taiwan et les différentes révolutions « de couleur » qui surgissent aux confins de l’Eurasie.

ET LA FRANCE, OÙ SE SITUE-T-ELLE ?

Par une bizarrerie géographique, notre pays est à la fois parmi les puissances maritimes et les puissances continentales. Conscient de cette particularité, de Gaulle voulaitLa Russie, peuple frère de l'Europe, pas ennemi | Le Club l’exploiter en proposant la vision d’une « Europe de l’Atlantique à l’Oural » qui ne pouvait que lui attirer les foudres des dirigeants anglo-américains pour les raisons qui précèdent. Pourtant, cette particularité géographique demeure à ce jour inexploitée. L’alignement de tous nos dirigeants politiques depuis les années 1970 sur les visions de la finance internationale et surtout depuis une quinzaine d’années a ramené la France dans le camp de la « bien-pensance » et de l’orthodoxie en escamotant le référendum de 2005 et en remettant notre pays sous le commandement intégré de l’OTAN.

Quel regard sera celui de nos jeunes générations, lorsqu’elles découvrirons ce gigantesque gâchis qui a ruiné les incontestables avantages que nous aurions pu tirer de ce changement profond qui s’amorce sous nos yeux ?

Existe-t-il encore quelqu’un dans ce pays qui soit capable, mettant à profit le passé historique et la vision géopolitique de la réalité nouvelle, de lui redonner le rôle pour lequel le hasard lui a distribué tant d’atouts ?

Jean Goychman

31 mai 2023     

3 Commentaires

  1. Et quel est l’homme providentiel qui prendra les rennes de cette France qui va dans l’abîme
    Un homme avec un fort charisme un militaire mais ces derniers sont aux ordres et les opposants sont mutés ou mis en retraite anticipée un civil mais lequel car pour récupérer cette France seul un coup d’état peut solutionner ce problème mais je ne crois guère que ça vienne des élections

  2. Depuis quelques temps on entenadait parler de ce projet, mais si je comprends bien c’est pour cette année
    Je ne peux imaginer ce que nous allons endurer.
    Bravo et merci
    Je fais suivre bien sur

  3. Comme tojours, la France est en retard de 2 ou 3 méros sur la situation actuelle. Il suffit de lire le livre d’Eric BRANCA « l’aigle et le léopard » pour comprendre. Dès les 30 premières pages du livre, vous aurez compris ce qui nous attend si nous ne réagissons pas. La « perfide Albion » continue ce qu’elle a toujours fait : tenter de dominer les mers, comme le dit si bien Sir Walter Raleigh cité par Jean GOYCHMANN. Encore un très bel azrticle, Monsieur, et je vous remercie de l’avoir écrit : ça peut éclairer certaines lanternes qui vous liront et qui doutent encore de ce qui va se passer dans les mois et les années à venir. Quant à nos dirigeants qui ont conduit la France depuis les années 70 jusqu’au fond des abysses où nous sommes, ils continuent de creuser !!! Soumission ! quand tu nous atteint ! c’est in ….. AUX ARMES CITOYENS !

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