TAÏWAN : LA GUERRE QUI VIENT ? (Yann Bizien)

Les soubassements de la guerre en Ukraine et de celle qui peut potentiellement advenir à Taïwan sont identiques parce que les mêmes causes produisent les mêmes effets de conflictualité.

 

 

Il suffit de savoir regarder dans le « rétroviseur de l’histoire » et d’inscrire sa pensée dans la perspective du temps long.
En Ukraine, ces causes ont été générées insidieusement et cyniquement par les Etats-Unis avec leur stratégie progressive d’endiguement de la Russie. Cette stratégie a produit de la frustration, de la rancœur, de l’humiliation et de l’isolement continental. Elle a alimenté la haine russe de l’OTAN « impérialiste » et de l’Occident « décadent ». Elle a transformé la Russie, menacée sur ses intérêts vitaux, en ours agressif.
C’est dans ce contexte d’auto préservation que Vladimir Poutine aura tenté d’apporter trois réponses militaires à l’expansion de l’OTAN vers l’est jusqu’aux frontières russes : d’abord en août 2008 en Géorgie, puis au Printemps 2014 en Crimée, et en février 2022 en Ukraine.
upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/...Depuis plus d’un an, c’est l’Ukraine, le « plus petit », qui subit à grands frais et avec bravoure les conséquences de la stratégie US. Ce pays a été armé et formé à la guerre aux standards de l’OTAN durant de longues années. L’alliance Atlantique aura pris tout son temps pour transformer l’Ukraine en « Bélier » de guerre contre la Russie. Et elle aura été suivie par l’Union européenne avec son « partenariat oriental » en faveur, principalement, de l’Ukraine.
L’Ukraine est surtout la victime expiatoire (*) d’une guerre par procuration voulue par les Etats-Unis pour affaiblir la Russie et l’isoler du champ économique comme du destin européen.
La Russie aura été un « bouc émissaire » responsable et commode pour dénoncer sa violation des frontières ukrainiennes.
Dans la Grèce antique, déjà, pour combattre une calamité ou chasser une force menaçante, une personne, parfois revêtue de vêtements sacrés était choisie et traînée hors de la cité où elle était mise à mort ou abandonnée à elle-même. Cette victime sacrificielle, innocente, était censée se charger de tous les maux de la cité.
Il se passe la même chose de l’autre côté de la planète, mais à une autre échelle. L’Amérique, ce « monstre froid », a désigné la Chine comme son adversaire et son ennemi du XXIème siècle. Et c’est Taïwan qui est manipulé aujourd’hui par les faucons américains.
Le rituel d’élimination par défaut et par procuration hérité de la Grèce antique a donc encore de beaux jours au XXIème siècle. Car, après l’Ukraine, Taïwan, le « plus petit », entre deux monstres, pourrait bien être le pays suivant sur la sellette si les Etats-Unis poursuivent la même politique d’endiguement de la Russie en Chine et d’armement de Taïwan.
Il y a des boucs émissaires partout autour de nous, dans le monde du travail, mais aussi en géopolitique.
Ils incarnent toujours la cible la plus utile et la proie la plus facile.
Les causes de l’hostilité russe à l’égard de l’Ukraine seront celles de la Chine à l’encontre de Taïwan parce que l’obsession américaine pour la puissance l’oblige à une certaine fascination pour la guerre comme moyen permanent de sa politique.
On ne découvre pas la guerre entre Etats du jour au lendemain. Les hostilités ont toujours des causes visibles, qui peuvent venir de loin.
Les Etats-Unis se sont projetés sur l’Ukraine pour faire la guerre, sans la faire, à la Russie. Ils sont parvenus à déplacer le centre de gravité de la culpabilité de cette guerre sur Moscou. Ils sont parfaitement capables du même scénario à Taïwan pour empêcher la montée en puissance de la Chine et la rendre coupable de son agressivité à l’encontre de son petit voisin.
Taiwan - Chine : quelle est la "stratégie du porc-épic" élaborée par l'île pour se défendre d'une éventuelle invasion chinoise ? - BBC News Afrique
Il n’y a aucun doute possible sur l’intentionnalité américaine. Elle est marquée par le besoin de puissance, de division, d’affaiblissement de l’adversaire, d’emprise, de contrôle, de construction de préjugés sur la Russie et sur la Chine et de fabrication de victimes, l’Ukraine, et Taïwan.
A la guerre, chacun désigne son coupable pour justifier sa cause, pour simplifier un réel souvent complexe et par nécessité morale. On peut aussi affirmer que les puissants désignent leurs bras armés, pour faire la guerre sans la faire, et leurs Boucs émissaires « malfaiteurs » qu’il faut punir pour leurs mauvais comportements. Il leur suffit alors d’être dans une simple posture de force « concourante vertueuse » et de contrôle, moins consommatrice de potentiel militaire et de ressources humaines et plus respectable vis-à-vis de l’opinion.
La guerre a pour cause des processus émotionnels et des pulsions collectives et géopolitiques complexes au cœur desquelles chaque bloc s’attache à mobiliser le maximum de moyens et à préserver l’unité familiale de son camp par la propagande.
La plupart des évènements qui bouleversent le monde ont des racines profondes. Beaucoup ne voient rien alors que tout, pourtant, se déroule sous nos yeux.
L’expansion politico-militaire de l’OTAN à l’est de notre continent aura constitué en définitive une faute géopolitique majeure. Au lieu d’apporter la paix en Europe, elle aura été le « stimulus » de la guerre.
Il y a le même « système excitable » autour de Taïwan aujourd’hui. Et les mêmes causes produiront les mêmes effets d’hostilités car il ne s’agit pas, là, de science fiction. Une étincelle de trop, et c’est la guerre.

Yann Bizien

1er juin 2023     

(*) Entité ou personne sacrifiée pour expier une faute collective.

6 Commentaires

  1. Il m’est demandé ce que j’en pense. Ce que j’en pense est d’une simplicité biblique et a été magnifiquement traduit en métaphores poétiques par notre grand fabuliste Jean de La Fontaine :

    LA RAISON DU PLUS FORT EST TOUJOURS LA MEILLEURE

  2. Très bon article dans son ensemble.

    Notre grand malheur c’est que cette Europe reste à la botte des Etats Unis alors que notre force Européenne était d’avoir la Russie à nos côtés et non le contraire.

    Le Général l’avait bien dit…

    Cette Europe ne sera jamais en capacité d’être forte par elle même, tant elle sera assujettie à l’emprise des Etat Unis.
    Le plus grave par rapport à cet soumission et cet aveuglement, c’est que les Etats Unis sont gouvernés par un vieillard qui en redemande encore, qui attise le feu avec une approbation sans faille.

    L’Ukraine est un terrain d’essais dans l’attente de voir la Russie sombrer, la Chine observe et tôt ou tard, la Chine aura la certitude de pouvoir agir sans crainte. Les événements feront que le monde va de nouveau sombrer dans cette guerre voulue d’un coté et soutenue aveuglément par cette Europe en perpétuelle soumission d’un soit disant grand-frère…

    Sur la carte du monde, il ne faut pas être aveugle que cette Europe n’est qu’un minuscule petit point sur la surface du globe… Alors pourquoi vouloir péter plus haut que son cul lorsque l’on est incapable d’avoir la moindre véritable union ne serait-ce que militaire???

  3. comme disait Kissinger  » être un ennemi des USA est dangereux mais etre un ami est mortel

  4. Effectivement ITER78 comment ne pas être en phase avec cet article ? Tout y est résumé et n’oubliez pas que, à moins que mes renseignements soient faux, des manoeuvres aériennes vont commencer ce lundi 12 juin au-dessus du ciel de Pologne, manoeuvres organisées par l’OTAN et auxquelles participent plus de 25 pays et 290 aéronefs, même un AWACKS….. On aurait voulu provoquer Poutine que l’on ne s’y serait pas pris autrement ! Et devinez qui est aux manettes de l’OTAN pour ces manoeuvres …… je vous laisse le découvrir !

  5. Les «  bons amis US «  …j’entends encore la voix de mon Père qui connu les GI’s en 1944 alors qu’il était dans un chantier forestier en Argonne . L’opulence , la gabegie de matériel militaire , les cigarettes «  à bout doré «  le chewing-gum ….mais le paternel leur préférait les tommies , lui l’anglophobe viscéral, il nous disait à nous ses enfants « les british eux au moins essayaient de bombarder au plus près des cibles situées dans les grandes métropoles du nord de la,France alors que les ricains lâchaient leur cargaison hors de portée de la flack allemande » avec les dégâts collatéraux induits parmi la population française
    Et puis plus tard, passionné de la période indochinoise, j’ai appris que les forces armées US les fameux jedburgh , armèrent et combattirent le CEFEO avec le vietminh de 1945 jusqu’en 1950 et la guerre de Corée ..car les USA ne font pas la guerre pour un monde libre , ils la font uniquement pour la bannière étoilée

  6. Comment ne pas être d’accord avec cet excellent article qui résume très bien la situation. Depuis sa création, les USA n’ont cessé de faire des guerres pour exterminer les Indiens, puis pour voler des territoires au Mexique puis directement ou pas pour assumer leur domination sur toute le continent américain.
    C’est quand même bien notre « cher ami » qui rêvait de faire de la France un autre état américain avec leur projet AMGOT en 44; même des billets de banque avaient été imprimés.
    Ensuite il y a eu la guerre froide et l’installation de missiles tout autour de la Russie. Mais quand les Russes ont voulu en installer à Cuba, nous avons frôlé la guerre nucléaire.
    Ensuite, il y a eu l’affaire du Vietnam, de la Serbie, de l’Irak, etc, etc ….
    De quel droit ces ricains rackettent-ils nos entreprises qui travaillent à l’export et qui ont payé des milliards « d’amendes » ……..
    Non, la coupe est pleine et nos faux amis pourraient bien se casser les dents une fois de plus en Extrême Orient ; visiblement, leur déculottée au Vietnam ne leur a pas servi de leçon

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