En octobre 2014, un coup d’État renversait le président Campaoré. Aussitôt j’appelai l’homme qui à l’aéroport de Ouagadougou m’avait donné quelques tuyaux sur l’identité des passagers du vol AH5017 et les mystérieux embarquements et débarquements de personnes qui n’étaient pas passées par les contrôles de police et de douane pendant que l’avion attendait sur la piste l’autorisation de décoller. Je tentai de le convaincre que ce changement de régime le délivrait du secret professionnel qu’il m’avait objecté jusqu’ici pour refuser de me dire où se trouvait réellement l’avion après son crash au Nord Mali.
« Je n’en sais rien« , m’avoua-t-il, alors que jusqu’ici il m’avait laissé entendre le contraire, pensant sans doute que je finirais par lui proposer quelques dollars ou euros en échange du tuyau. « Le seul qui sait, c’est le général Diendéré, c’est lui qui a tout organisé avec les Français, mais il est destitué« . Puis il m’expliqua que la direction de l’aéroport composée de fidèles des clans alliés à Campaoré était en train de fuir car elle savait qu’elle allait être remplacée par des fidèles du général Traoré. C’est l’Afrique ! Je lui demandai ce que Diendéré avait organisé, mais il raccrocha brusquement. Mon enquête s’arrêtait là. Ma seule certitude étant que les parcelles d’avion trouvées sur le site désigné comme étant celui du crash du DC9 étaient celles d’un Mirage 2000 : couleur bleu-gris des rares tôles trouvées sur le site (pas de quoi reconstituer un DC9 !) et surtout un « carter diffuseur » du moteur M53 qui équipe les Mirages 2000, aisément identifiable ici par le nombre des ailettes qu’il est possible de compter sur le morceau au sol :
Ceci est un carter diffuseur de M53 fabriqué par Bronzavia industrie. Il manque des ailettes sur le morceau au sol et on ne les voit pas toutes sur la photo, mais il est facile de calculer que le nombre est le même. Les moteurs du DC9 sont d’un diamètre beaucoup plus grand et le nombre des ailettes beaucoup plus élevé sur la pièce identique
17 septembre 2015, Le lieutenant-colonel Mamadou Bamba, membre du Régiment de sécurité présidentielle, annonce à la télévision nationale burkinabée qu’un nouveau « Conseil national de la démocratie » (CND) vient d’être créé et remplace les autorités « de transition », le couvre-feu est déclaré à Ouagadougou, les frontières fermées.
Mamadou Bamba est l’homme de confiance du général Diendéré. Si ce dernier réussit à se maintenir au pouvoir, Bamba est un homme qui a de l’avenir
François Hollande s’était visiblement satisfait du coup d’Etat du 31octobre 2014, « La France salue la démission du président de la République du Burkina Faso qui permet de trouver une issue à la crise… (le président Campaoré) prendra la bonne décision« . Il l’a prise, il a fui vers le Ghana. Le coup d’État d’octobre 2014 avait été présenté comme « une révolution populaire pacifique ouvrant la voie à une transition vers la démocratie« . Une révolution « populaire » menée par un général, le général Traoré qui s’est très vite fait doubler par le général Zida ! C’est l’Afrique, mais la France n’y était pas pour rien.
Une quinzaine de jours auparavant, François Hollande avait écrit (source Radio France International) à Camparoé pour le mettre en garde contre « les risques d’un changement non consensuel de Constitution« . Traduction du langage diplomatique en français populaire : « On va te virer, si tu n’es pas d’accord fais gaffe et barre-toi ». Il ajoutait que Blaise Compaoré pourrait « compter sur la France pour le soutenir, s’il souhaitait mettre son expérience et ses talents à la disposition de la communauté internationale » (source RFI).
En clair, il proposait son aide pour trouver une porte de sortie digne pour le président, avant qu’il ne s’entête à se maintenir au pouvoir à Ouagadougou alors que « France-Afrique », ce truc qui n’existe parait-il plus depuis l’arrivée de François Hollande au pouvoir, en avait décidé autrement. Ouverte par un amical « Cher Blaise » ajouté à la main, cette lettre de François Hollande se conclut par « bien à toi« , mais se veut claire et déterminée sur la voie d’une issue « en faveur de la paix« , remerciant dans un premier temps Blaise Compaoré, médiateur dans plusieurs crises en Afrique de l’ouest, de son engagement en faveur de la stabilité du Mali.
Le « Cher Blaise » avait d’abord répondu qu’il se sentait « trop jeune pour ce genre de poste » (source Jeune Afrique), mais le 30 octobre, veille du putsch, il faisait savoir (source télévision burkinabée RtB) : « J’ai entendu le message, je l’ai compris… ». France-Afrique est donc encore capable d’organiser « un coup d’État militaire« , comme l’a qualifié le chef de l’opposition Bénéwandé Sankara (source RFI). À ceux qui penseraient que j’affabule, voyez http://www.rfi.fr/afrique/2min/20141031-burkina-faso-compaore-insurrection-direct-coup-etat-ouagadougou-constitution-kouame.
Le « Cher Blaise » parti, c’est finalement Michel Kafando, un diplomate socialiste et franc-maçon, diplômé de Sciences Po où il s’était lié d’amitié avec DSK (tous les deux promo 1972, Hollande étant de celle de 1974), qui prit la présidence « de transition », France-Afrique l’ayant préféré à un quelconque général qui aurait décrédibilisé la thèse de la « révolution populaire pacifique« .
Hollande comptait sur les élections « démocratiques » prévues décembre 2015 au Burkina pour entonner le couplet déjà chanté au Mali : grâce à la François Hollande un nouveau pays d’Afrique connaît enfin la démocratie, suivi d’une tournée triomphale où les femmes revêtues de boubous à l’effigie de Hollande auraient crié « vive le président Hollande« . C’aurait été bon, ça, pour la campagne présidentielle.
Mais de même qu’au Mali le président mis en scène par la France, Boubakar, n’est visiblement pas à la hauteur pour faire réussir le pays qui ne tient que par les subventions et la présence de troupes étrangères, et n’est toujours pas maitre du Nord, au Burkina le président « de transition », Kafando, était en train de traficoter pour organiser des élections à l’africaine qui lui auraient permis de rester au pouvoir, notamment en écartant les candidatures des anciens partisans de Campaoré (source RFI). Mais la propagande élyséenne aurait fait le nécessaire pour présenter l’élection de Kafando comme un succès démocratique.
C’est pourquoi Hollande est fort mécontent du coup d’État du 17 septembre qui casse le coup médiatique qu’il préparait et comptait faire fructifier en pleine campagne des élections régionales françaises. Il déclare donc que le coup d’État burkinabé du 14 septembre 2015 « n’est pas bon pour le Burkina » et complètement illégal (source BFMTV). Surtout maintenant que le nouveau président est connu : c’est le général Gilbert Diendéré. Si celui-ci réussit à se maintenir au pouvoir, il sera en mesure de faire pression sur l’Elysée en lui rappelant si nécessaire qu’à la moindre contrariété il pourrait révéler le vrai lieu du crash du DC9 d’Air Algérie et tout le cinéma compassionnel qui l’a entouré.
Parce que ce Diendéré (surnommé « Golf » au Burkina) n’a aucune moralité ! Ayant fait avec Thomas Sankara le coup d’État qui porta celui-ci au pouvoir en 1983, il a aussi dirigé le commando qui l’a assassiné en 1987. Impliqué dans la guerre du Libéria et accusé de multiples tortures, il a été poursuivi par l’ONU pour trafic d’armes en contrepartie de diamants. Devenu chef du RSP, le Régiment de Sécurité Présidentiel, il s’est accroché à son poste, refusant même les mutations avantageuses que lui proposait Campaoré, car il s’y savait intouchable. Il a la réputation de « prévoir les coups d’État » dans la région et d’être « un faiseur de rois » (source Le Faso). Limogé le 31 octobre 2014, il est revenu à son poste dès décembre 2014.
Kafando n’avait pas les épaules pour tenir à l’écart un homme qui a le soutien de la majeure partie de l’armée et des alliés tribaux puissants. Diendéré a été un temps chef des Renseignements généraux burkinabés (source Jeune Afrique), Lefaso.net affirme qu’il est « l’homme de main » de la CIA et des Service français (DGSE) au Burkina. Il faut le croire, puisqu’il est resté proche de l’ex-commandant de la force Licorne et ancien ambassadeur de France au Burkina, le général Emmanuel Beth. Beth est un Pied-noir, officier parachutiste français de la Légion étrangère, général de corps d’armée, directeur de la Coopération militaire et de défense (source Wikipédia). Gilbert Diendéréil a même été décoré de la légion d’honneur en 2008 des mains de Nicolas Sarkozy, pour avoir aidé à la libération de plusieurs otages détenus entre autres par Al Qaïda, avec Frédéric Beth, le frère d’Emmanuel, général commandant les « Opérations spéciales », chargé de retrouver les otages de Vinci et Areva.
Sachant tout cela, on comprend mieux pourquoi c’est Diendéré qui a rapidement été chargé d’organiser en personne, dès le matin de bonne heure, une « visite » avec ses hommes sur le site où l’on pouvait prétendre que le DC9 d’Air Algérie pouvait s’être écrasé dans la nuit puisqu’il y avait déjà les traces d’un crash, celui d’un Mirage 2000, et pourquoi lorsqu’une journaliste d’un journal très connu, avec qui j’en ai parlé après qu’elle l’eût rencontré, lui a posé des questions gênantes, elle lui a trouvé « le regard fuyant » et « des réponses vagues« .
Autant vous dire que maintenant qu’il est au pouvoir au Burkina Faso, un poste qu’il ne lâchera pas facilement, et à moins qu’il ne se décide à mettre l’affaire sur la place publique pour nuire à Hollande, nous ne sommes pas près de savoir la vérité sur ce crash du vol AH 5017 !
Maurice D.