AUSTERLITZ, une belle victoire française (Eric de Verdelhan)

Avant-propos

La liberté en général et la liberté d’opinion en particulier sont pour Minurne-Résistance des valeurs fondamentales. C’est la raison pour laquelle nous ne censurons ni ne modifions jamais les textes de nos contributeurs, qui restent totalement libres de leurs opinions. Nous nous autorisons en revanche à formuler (rarement) des réserves sur certains propos qui risquent d’offenser des patriotes et amis qui oeuvrent dans la même direction que nous. C’est un peu le cas ici, concernant Christine Tasin, résistante de la première heure et qui fut toujours présente lorsque Minurne a traversé des périodes difficiles, subissant notamment une fermeture administrative arbitraire à peine 2 ans après sa création.
Ce préambule n’enlève rien à a qualité habituelle de notre (également) ami Eric de Verdelhan qui a la plume parfois incisive, mais toujours pertinente et pleine d’humour.
Que tous les deux me pardonnent cet avant-propos.

Marc Le Stahler

« Dans les révolutions, il y a deux sortes de gens : ceux qui les font et ceux qui en profitent ».
« Toute indulgence pour les coupables annonce une connivence ».

 (Citations de Napoléon Bonaparte).

Les dates-clés de la vie de Napoléon BonaparteLe film "Napoléon", de Ridley Scott, actuellement au cinéma - France Bleu

 

 

Contrairement à la gent journalistique, qui est assez coutumière du fait, je n’émets jamais de critique sur un livre que je n’aurais pas lu ou sur un film que je n’aurais pas vu, ceci me semblerait malhonnête. J’ai encore en mémoire, par exemple, la charge virulente de Christine Tasin sur le film « Vaincre ou mourir » inspiré du spectacle du Puy-du-Fou, sorti en salle en début d’année. Après avoir descendu en flamme ce film magnifique, Christine Tasin concluait en disant, en termes galants, « Je n’irai pas voir cette merde ».Certes, ce commentaire ordurier trahissait davantage une vieille haine recuite contre le Trône et l’Autel plutôt  qu’un jugement sur la qualité – supposée mauvaise – du film, mais ça manquait pour le moins d’élégance et surtout… d’honnêteté intellectuelle. Depuis, Christine Tasin a dit du bien du Puy-du-Fou comme quoi, seuls les imbéciles de changent pas d’avis.

Pour ma part, je n’irai pas voir le « Napoléon » de Ridley Scott, et ce, pour diverses raisons :

Primo,  parce que je n’ai aucune attirance pour les superproductions anglo-américaines. Elles sont trop souvent braillardes, pleines de bruit, d’hémoglobine, et généralement mal doublées.

Secundo, parce que je ne juge pas la qualité d’un film à son coût de production, aussi faramineux soit-il.

Tertio, parce que je n’autorise pas les anglo-saxons à s’approprier notre histoire et l’un de nos grands hommes, surtout pour en faire un nain amoureux ; l’épopée napoléonienne mérite mieux !

Avant d’écrire cet article, je me suis donné le mal de lire les critiques de plusieurs journaux ou hebdos de diverses sensibilités. Citons, entre autres,

« Le Point » : « Empoté, parfois peureux et pleurnichard, une brute le reste du temps, c’est le portrait de l’Empereur brossé par Ridley Scott dans son Napoléon… » ;

« Le Figaro » : « Malgré des scènes de bataille spectaculaires, le réalisateur met en scène un Empereur amoureux transi de Joséphine dans une vision réductrice de l’histoire… » ;

« Marianne » : « À l’arrivée, le film le plus attendu de l’automne hésite hélas entre plusieurs genres – le biopic, la chronique intimiste, le film de guerre à grands moyens – et échoue sur presque tous les tableaux… ».

Même un torchon gauchisant comme « Télérama » n’est pas tendre avec ce film : « Hormis de spectaculaires batailles, ce biopic lourdingue sur l’Empereur est une aberration… ».

J’ai appris à aimer l’histoire de notre pays – et peut-être à la comprendre ? – avec Jacques Bainville (1). Le grand historien royaliste a écrit plusieurs  livres sur l’Empereur dont son « Napoléon » qui fait autorité (2). Son jugement sur l’homme  est sans appel :

« Sauf pour la gloire, sauf pour l’art, il eût probablement mieux valu qu’il n’eût pas existé… ».

Il est assez vraisemblable que Bainville, qui a grandement  contribué à construire notre roman national, n’écrirait pas la même chose aujourd’hui.

Notre époque a besoin de héros, de gens à admirer, et elle en manque cruellement. On peut se demander pourquoi le premier Empire a davantage marqué les esprits queL'Ogre de Corse. T. 2 / , histoire véritable et merveilleuse ; par C. J. Rougemaitre (de Dieuze). Quatrième édition. Première [-Seconde] partie. | Gallica le second, qui fut pourtant beaucoup plus bénéfique pour la France ? Les deux ont mal fini ; le premier est mort à Waterloo, le second à Sedan. A la chute de Napoléon III, la France était prospère ; elle était exsangue lors de l’abdication de celui que les royalistes surnommaient « l’ogre corse ».

Le règne de Napoléon III marque l’avènement des dynasties bourgeoises. La toute puissance des banquiers Emile et Isaac Pereire dont le nom est inséparable de l’essor économique du pays : banques, industrie, chemins de fer, stations thermales, immobilier… rien n’échappait à leur soif d’entreprendre. On peut citer aussi la fièvre bâtisseuse du baron Georges Eugène Haussmann.

Napoléon III se considérait comme « le messie des idées nouvelles » mais il lui aura manqué un côté épique, ce rêve  éveillé, ce supplément d’âme qui font qu’un monarque, un homme d’État, entre dans la légende et vient enrichir le roman national d’un peuple. Pour le général Bonaparte, ce sera l’odeur de la poudre, les charges de cavalerie, l’audace, les victoires – certes acquises au prix de milliers de morts mais qui sont restées gravées dans nos mémoires – qui font la fierté d’une nation.

Si une analyse bêtement cartésienne nous contraint à admettre que le règne de Napoléon III a été plus que salutaire pour le pays, et que celui de son oncle a fini en catastrophe, on a le droit (et même le devoir) d’admirer les beaux sabreurs du premier Empire.

Personnellement, je remercie Bonaparte d’avoir sorti notre pays de la furie révolutionnaire, (mais pas d’avoir mis l’Europe à feu et à Fortuné de Brack - Babeliosang). En revanche je voue un véritable culte à certains de ses généraux, entre autres, Antoine Fortuné de Brack et Antoine Charles Louis de Lasalle, celui qui disait « un hussard qui n’est pas mort à 30 ans est un j’en-foutre ! » et qui est mort à 36 ans, à la bataille de Wagram le 6 juillet 1809. Ces guerriers avaient du courage et du panache.Lasalle, Antoine Charles Louis de - Général - Napoleon & Empire

En 2015, l’Union Européenne n’a rien trouvé de mieux que de commémorer le bicentenaire de la défaite de Napoléon à Waterloo. En 2005, Jacques Chirac et Dominique de Villepin (soi-disant le chantre de l’épopée napoléonienne) ont refusé de célébrer le bicentenaire de la bataille d’Austerlitz, car ils ne voulaient pas heurter la communauté antillaise qui considère que Napoléon est avant tout un esclavagiste. Napoléon est pourtant la figure tutélaire qui résume le mieux l’identité française.

Or la France traverse aujourd’hui la plus grave crise identitaire de son histoire et nous avons plus que jamais besoin de nos grands personnages, de nos héros, qui devraient être donnés comme modèles à nos jeunes. Napoléon a été l’incarnation de quatre valeurs qui sont essentielles à l’identité française : la méritocratie, l’intégration, la volonté politique de réforme, et l’honneur.

L’honneur et  le patriotisme sont des valeurs qui ont complètement disparu aujourd’hui.

Pour ma part, modeste historien amateur, je m’impose de commémorer chaque année la bataille d’Austerlitz, la « bataille des trois empereurs », le lundi 2 décembre 1805 (11 frimaire an XIV), d’abord par « devoir de mémoire » mais aussi parce qu’elle m’a marqué (j’y reviendrai à la fin de mon article).  Tous les ans, depuis dix ans au moins, je raconte en détail cette bataille.

Description de cette image, également commentée ci-après

Aujourd’hui, je le ferai plus brièvement mais mon respect pour les soldats d’Austerlitz reste le même : Austerlitz devrait être une fierté française. Résumons cette bataille épique :    

Nous sommes fin 1805. Napoléon poursuit l’armée russe de Koutouzov. Après avoir libéré Munich, la « Grande Armée » descend le Danube et cherche une bataille décisive avec les Russes. Le 11 novembre, Koutouzov, renforcé par 10 000 Autrichiens, fond sur la division Mortier, dans le défilé de Dürrenstein. Les Français combattent à un contre trois. Ils mettent hors de combat 2 600 Russes.

Le 19 novembre, à Olmütz, Koutouzov opère sa jonction avec la 2ème armée russe et le corps d’armée autrichien. L’armée coalisée compte 86 000 hommes. Le surlendemain, Napoléon arrive à Austerlitz, à 100 km de Vienne avec 73 000 hommes…. Pendant deux jours, l’Empereur va étudier  scrupuleusement le futur champ de bataille qu’il a choisi, et il déclare à ses maréchaux : « Jeunes gens, étudiez bien ce terrain, nous nous y battrons ; vous aurez chacun un rôle à jouer ».

Les Austro-Russes ont une nette supériorité numérique. Napoléon va ruser : il fait croire à ses  adversaires qu’il refuse le combat. Il abandonne le plateau de Pratzen, le 28 novembre.  

Puis, il envoie Savary, son aide-de-camp, faire des propositions de paix. Le Tsar refuse.

Napoléon diffuse par écrit le positionnement des différentes unités à tous ses maréchaux.

Bulletin intitulé « Dispositions générales pour la journée du 11 Frimaire an XIV (2 décembre 1805) » :

Au centre, Soult, avec ses 20 000 hommes, doit contre-attaquer et couper l’armée ennemie en deux, en attaquant le plateau de Pratzen. Lannes (15 000 fantassins) et Murat (8 000 cavaliers), au nord, doivent défendre leurs positions. Pour renforcer son flanc droit, Napoléon ordonne à Davout de quitter Vienne, son lieu de cantonnement, et de le rejoindre à marche forcée. Les 8 000 soldats de Davout parcourront  les 110 km qui les séparent d’Austerlitz  en 48 heures.

Le 2 décembre 1805, à 4 heures du matin, quatre colonnes alliées quittent le plateau de Pratzen et marchent sur le flanc droit des Français. La bataille d’Austerlitz commence.

Pratzen

À 9 heures, les Français sont maîtres du plateau de Pratzen. Soult y installe ses canons.

Après d’âpres combats, vers 15 heures, la fin approche. 20 000 Russes, n’écoutant plus leurs officiers, fuient en désordre et espèrent échapper à l’encerclement en traversant les étangs gelés.

L’artillerie française tire pour briser la glace, les hommes s’enfoncent dans l’eau et se noient. Paniqués et gelés, 2 000 Russes parviennent à regagner la rive où ils sont faits prisonniers.

La victoire française est indiscutable, elle est totale. Une victoire payée au prix fort.

Les pertes au sein des armées napoléoniennes sont de 1 537 morts, 6 943 blessés et 573 prisonniers. Les alliés comptent 16 000 morts et blessés et 11 000 prisonniers. Ils déplorent la perte de 45 drapeaux.  

Ces drapeaux iront orner Notre-Dame de Paris avant de rejoindre l’église Saint-Louis des Invalides. Les 185 canons pris seront utilisés pour fondre une partie de la colonne Vendôme.

Après la bataille, l’Empereur déclare à ses troupes : «Soldats…il vous suffira de dire, « J’étais à la bataille d’Austerlitz », pour que l’on réponde, « Voilà un brave »… ».

Et j’ai bombé le torse car… j’y étais. Mais c’était en… 1960, j’avais 11 ans et j’étais « enfant de troupe » au Prytanée Militaire d’Aix- en-Provence. A l’époque, en 1ère année (la 6ème) nous fêtions la victoire d’Austerlitz. Sans doute était-ce pour inculquer aux futurs officiers la fierté de leur pays, de sa grandeur et de ses victoires ? J’avoue que je préfère ça à l’auto-flagellation et à la repentance.

Un Cyrard sort du Shako Dsc_1327

Pour cette commémoration – jouée par des enfants – un seul cheval, celui du « Cyrard » qui tient le rôle de l’Empereur. Je suis en uniforme de grenadier et je dois tomber, mortellement blessé, à la 2ème ou 3ème  charge. Je joue le rôle… d’un mort. C’est assez confortable puisque ça consiste à rester allongé pendant que d’autres s’essoufflent en charges et replis successifs.

En fait, j’ai été réellement blessé, mais très  légèrement: je suis allongé sur le dos quand un pétard m’éclate sur le front, au dessus de l’œil gauche. Je garderai longtemps une toute petite cicatrice qui  me permettra  souvent de fanfaronner avec humour en affirmant : « j’ai été blessé au combat ». Quand on me demande où ? Je répondrai, tantôt goguenard, tantôt le plus sérieusement du monde : « à la bataille d’Austerlitz ». Comme notre époque manque singulièrement d’humour, ça fait toujours son petit effet surtout dans certains cénacles très fermés voire coincés.

Il y a quelques années, j’ai été invité à venir dédicacer mes livres à une réunion des « Gueules cassées ». A table, mon voisin a voulu savoir si j’étais une « gueule cassée ». J’ai opiné du chef et, comme je l’escomptais, il m’a demandé où j’avais été blessé. J’ai répondu, sérieux comme un pape: « à Austerlitz ». Ce brave homme a dû penser que j’avais fumé la moquette ou que ma mère m’avait bercé trop près du mur, car il n’a plus pipé mot durant tout le déjeuner…

Je raconte cette anecdote pour qu’on comprenne pourquoi la bataille d’Austerlitz est gravée dans ma mémoire depuis mon enfance. Je laisse les politicards qui nous gouvernent, ces européistes forcenés, commémorer Waterloo. Après tout ce sont les mêmes qui célèbrent le 19 mars 1962 et les funestes Accords d’Evian marquant la fin de l’Algérie française (3).  

C’est gens-là aiment une France humiliée et repentante, moi pas ! J’aimais mieux l’époque où elle était encore fière de son passé et conquérante.  

Éric de Verdelhan

2 décembre 2023 

1)- « Histoire de France » de Jacques Bainville ; Arthème Fayard ; 1924.

2)- « Napoléon » publié également chez Arthème Fayard ; 1931.

3)- Cette date ne rime à rien car – primo – l’indépendance de l’Algérie date du 5 juillet 1962 et – secundo – après un conflit gagné militairement par nos armes, il est aberrant, choquant, méprisable, de fêter la victoire du FLN, victoire acquise grâce à la trahison du gouvernement français de l’époque.

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2 Commentaires

  1. En activité pour le bicentenaire d’Austerlitz j’avais été choqué que l’état-major de l’armée française n’ose pas commémorer comme il se devait cet évènement. Même dans les régiments ceux qui y pensèrent furent sans doute peu nombreux. J’ai souvenir d’avoir envoyer via « intradef » un avertissement que ce jour là le soleil s’était levé et je ne reçu qu’une seule réponse de remerciement ! Sans doute la discipline intellectuelle qui sied faisait elle qu’on ne devait pas transgresser « les ordres venus d’en haut » ! et pourtant personne ne fut choqué quand la Royale commémora Trafalgar avec nos « amis » anglais !.Nos valeurs sont inversées comme ceux sans doute qui nous gouvernent. Ah oui, on dit « invertis » !

  2. Voilà un beau texte sur Napoleon le guerrier rusé créateur du code civil et napoleon III le batisseur deux mondes qui se sont succédé l’un grand par ses batailles,l’arret des barbaresques et le code civil l’autre grand batisseur par ses créations.Et effectivement qui aurait idée d’aller voir ce film angloaméricain sur napoleon à moins de voir la méthode « comment faire un mauvais film  » ou l’apogée de la subjectivite ou de la suggestion mensongère : base formative du journalisme moderne cynIque
    mensonger et manipulateur.Qu’ils aillent en enfer!!.En tous les merci pour cette instruction ..civique
    historique