LA GUERRE FAVORISE LE  « MENTIR-VRAI » (Eric de Verdelhan)

« Le mémorial et la nécropole nationale de Chasseneuil-sur-Bonnieure ont été construits à la mémoire des combattants des Charentes tombés au champ d’honneur… La volonté de « ranimer la flamme du souvenir » naît, dès la Libération, au sein d’un comité de résistants animés par le colonel André Chabanne, chef du « maquis Bir Hakeim »… »

(Source : site « Chemins de mémoire »)

Emmanuel Macron ne recule devant rien pour redorer son blason terni, et le plus hallucinant c’est que ses entourloupes grossières fonctionnent plutôt bien auprès de gens dressés à la servilité moutonnière par des mois de confinement. En jouant les matamores et les va-t-en-guerre, en nous abreuvant jusqu’à plus soif de sa logorrhée sentencieuse, il a gagné six points dans les sondages. Et voilà qu’on nous annonce l’envoi d’un « Kit de survie » d’une vingtaine de pages pour cet été.

L’infantilisation, le mensonge, le stress permanent, sont des armes redoutables que l’avorton  présidentiel manie avec art. Contrairement à d’autres, je ne le crois ni intelligent(1) ni même intuitif, mais il a bien compris que la guerre est un sujet qui fédère l’opinion, avant, pendant et après. Sans vouloir jouer au sociologue, je note que les gens les plus enthousiastes devant ses discours guerriers sont ceux qui – primo – n’ont jamais connu la guerre et – secundo – ne sont plus mobilisables ; des adeptes du slogan « Armons-nous et partez ! ». Ils écoutent religieusement un « Chef des Armées » qui appelle au sacrifice avec des trémolos mais qui n’a même pas fait son Service Militaire.

Jadis les souffrances du pays contribuaient à entretenir notre roman national. De nos jours, la guerre est un moyen de favoriser le « mentir-vrai ». Pour illustrer mon propos, aujourd’hui, je vais vous parler d’un monumental – dans tous les sens du terme ! – mensonge historique : Le narratif passablement « bidonné » d’une nécropole nationale située à quelques kilomètres de chez moi (2).

Après la Grande Guerre, la France a été prise d’une frénésie de construction de monuments aux morts. On en a édifié plus de 30 000 entre 1920 et 1930. C’était un hommage aux victimes de la pire saignée de toute notre histoire. Nous avons aligné 8 millions d’hommes sur les différents fronts. Bilan : 1,5 million de tués, 4 millions de blessés. Quand on visite la France, on ne peut qu’être ému par l’immense sacrifice consenti par tout le pays. Certaines familles ont perdu trois, quatre, voire cinq enfants aux Eparges, au Chemin des Dames, à Verdun, aux Dardanelles…Quel gâchis !

La guerre de 39-45 fut beaucoup plus meurtrière au plan mondial mais beaucoup moins en France : environ 100 000 morts chez les combattants de 39-40 ; 60 000 dans l’armée de Libération 40-44; 150 000 morts en déportation ; 140 000 civils (la moitié dans les bombardements) ; 30 000 fusillés, et 25 000 tués dans les combats de la Résistance. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes : si l’on exclut la « Bataille de France », terriblement meurtrière, on constate que les bombardements anglo-américains, les représailles allemandes, ou les « purges » de l’épuration ont abouti à un nombre de tués cinq à six fois supérieur à celui des résistants morts au combat. Il ne s’agit pas de minorer les pertes, mais, l’apport de la Résistance dans notre Libération a été assez minime. Liddell Hart l’évalue à deux divisions (3) ce qui contredit le mythe de « la France libérée par elle-même ».

Après la guerre, le pays voulait faire oublier sa passivité durant l’occupation. Les gaullistes et les communistes cherchaient à bâtir leur légende et on se mit, comme après 14-18, à construire un peu partout des « nécropoles ». Mémorial, monument aux morts ou simple plaque commémorative, leur taille variant selon l’intensité des combats (et/ou le nombre de victimes). Mais, revenons à nos moutons, en l’occurrence des moutons du Limousin, pour vous parler d’une de ces nécropoles qui symbolise bien cette vérité « officielle », qu’il est très mal vu de contredire, et pourtant je m’autorise à le faire, avec pour seule volonté de remettre l’histoire à sa véritable place.

Mémorial de la Résistance - Chasseneuil-sur-Bonnieure (16)

Le voyageur qui va d’Angoulême à Limoges peut apercevoir, au niveau de Chasseneuil-sur-Bonnieure, un imposant monument en forme de «V» et de Croix de Lorraine. C’est le « mémorial de la Résistance charentaise ». Moins connu que celui de Morette ou du Vercors, il a été construit à la mémoire « des 1 465 martyrs de la Résistance des Charentes tombés au champ d’honneur ».

À la Libération, d’anciens maquisards eurent l’idée, louable, d’un monument dédié à la gloire des résistants tombés « pour la liberté et la grandeur de la patrie ». Ce mémorial de Chasseneuil-sur-Bonnieure est l’œuvre de l’architecte (et ancien résistant) François Poncelet.

La main-d’œuvre a été fournie par 60 prisonniers allemands. Il a été conçu comme « un livre de pierre » : les bas-reliefs sont réalisés par trois sculpteurs : pour le côté gauche la résistance civile, par Georges Guiraud (1901 – 1989), pour le côté droit la résistance militaire, par Raoul Lamourdedieu (1877 – 1953), et sur la Croix de Lorraine, le sacrifice des fusillés, martyrs et déportés, par Émile Peyronnet (1872 – 1956). Jusque là, personne ne songerait à critiquer un si bel hommage aux héros morts pour notre Libération. Entrons dans la crypte. On y compte une série d’alvéoles contenant les restes de 29 résistants. C’est ici, nous dit le commentaire, que « reposent les principaux chefs de la Résistance charentaise ». Cette crypte est l’endroit où reposent « tous des héros morts au champ d’honneur ». Comme les escarmouches contre les Allemands n’ont surtout pris place, en Charente, que pendant quelques jours de l’été 1944, on ne devrait pas y trouver les dépouilles de résistants morts après la bataille de Royan et le 8 mai 1945, jour de l’armistice. Or, on a la surprise de constater que, dans cette crypte, reposent aussi les corps de résistants morts en 1949 (René Véry), en 1963 (« colonels » Marc Roger Geissmann et André Chabanne), en 1975 (« colonel » Bernard Lelay), en 1987 (Jacques Nancy), en 1989 (Yves Faure) et même en 1991 (Thérèse Bonnier).

Immanquablement le visiteur, s’il est honnête, commence à s’interroger. Et il découvre alors que cette nécropole est un formidable outil de propagande pour ne pas dire une imposture et un tissu de mensonges. Mon propos peut surprendre et choquer, donc je m’en explique :

            1)- L’impressionnant cimetière est peuplé de morts tués pendant la campagne de France. Sur 2029 corps (certaines des 2255 tombes n’étant pas occupées), 1843 sont ceux de soldats de 39-40 tandis que 186 corps sont ceux de résistants (157 dans le cimetière et 29 dans la crypte).

            2)- Ces militaires de 39-40 étaient très majoritairement des Nord-africains, des Africains et des Indochinois; beaucoup sont morts dans des hôpitaux militaires de Libourne et de Nantes (4).

            3)-  La stèle dédiée aux « 25 résistants du maquis Bir Hakeim » et les tombes en contrebas ne concernent pas le maquis du héros local, le « colonel » André Chabanne, l’enfant du pays, mais un maquis de… Lozère. Ces 25 maquisards sont tous morts à La Parade; ils sont venus faire nombre à Chasseneuil or ils n’appartenaient absolument pas à la «Résistance charentaise».

            4)- Dans la crypte, on trouve, en plus de FFI morts au combat en 1944, quelques FFI ou FFL morts en 1944 ou en 1945 mais, les uns, dans un accident de camion en Charente et, les autres, dans un accident d’avion en Allemagne; ne parlons pas de ceux qui sont morts bien après la guerre comme le « colonel » André Chabanne, décédé dans un accident de voiture en… 1963.

            5)- Dans certains cas, on a inscrit la mention de « FFI » sur les tombes de personnes mortes en 1940, alors que la création des FFI date du 1er février 1944. Tout est bon pour faire nombre !

Il y a une volonté de propagande dans la disposition même des rangées de sépultures. De part et d’autre de l’allée centrale du cimetière, on a systématiquement commencé les rangées avec des tombes de résistants : le visiteur n’aperçoit que ces tombes-là et il ne lui vient pas à l’esprit qu’après quelques tombes de résistants, tout le reste de la longue rangée, de chaque rangée, porte les noms de soldats français ou de «coloniaux» mobilisés en 39-40 et morts pour la France.

La brochure intitulée « Mémorial de Chasseneuil » aurait besoin d’une sévère rectification des faits et des chiffres rapportés. Comme, sur 2029 sépultures, 1843 tombes sont celles de morts de la campagne de 39-40, on est en droit de s’étonner que pas une page ne fasse mention de ces morts-là. On nous parle d’« une nécropole nationale qui regroupe 2255 sépultures » et d’« un cimetière abritant les restes des héros de la Résistance ». Le lecteur en déduit que le cimetière abrite les restes de 2255 « héros de la Résistance », alors qu’en réalité le véritable chiffre est de 186. On multiplie par douze le nombre des morts de la Résistance. La brochure devait aussi signaler que le « travail gigantesque réalisé avec des moyens archaïques » pour bâtir le mémorial est dû aux travaux forcés auxquels on a contraint des prisonniers de guerre allemands. Combien sont morts à la tâche ? Mystère !

Au sujet de la crypte, on écrit qu’elle était conçue pour abriter les corps de « fusillés, déportés, combattants tués face à l’ennemi ». Peut-être était-elle conçue, au départ, dans cet esprit mais elle abrite aujourd’hui les corps de gens morts dans leur lit plus de quarante ans après la guerre. Les commentaires des sculptures cachent mal, pour leurs auteurs, le désir de faire leur propre apologie.

Les sculpteurs ont notamment représenté trois personnes à l’origine de la création tardive du « maquis Bir Hakeim » : les instituteurs André Chabanne, Hélène Nebout et Guy Pascaud. Ces trois personnes ont survécu à la guerre. Elles ont donc pu se voir statufier. On insiste sur la figure de Guy Pascaud, PASCAUD Guysénateur de la Charente. Avec son père, maire de Chasseneuil, il a fait don du terrain. Mais, on ne croit pas utile de rappeler qu’il fut arrêté par les Allemands le 22 mars 1944 à Chasseneuil. Ce jour-là, une unité allemande encercla le bourg et procéda à des arrestations. Elle s’empara, à Négret, d’un groupe de maquisards non encore formés, mal armés, mal encadrés et dont les chefs n’étaient pas présents sur place. Il y eut des morts et tous les prisonniers furent fusillés à Biard, à proximité de Poitiers. Sur leurs trois chefs, deux (André Chabanne et Hélène Nebout) s’en sortiront indemnes. Le troisième, Guy Pascaud, sera déporté. Après la guerre, il fera une carrière politique, comme son père.

Le chapitre consacré à l’activité combattante des maquisards cache mal l’extrême modestie de la participation des maquis locaux. Henri Noguères, ancien résistant, est l’auteur d’une « Histoire de la Résistance en France »(5). Dans les 4540 pages de ce travail titanesque, aucune mention n’est faite du « maquis Bernard » (Bernard Lelay); quant au « maquis de Chabanne », il ne se voit accorder que quelques lignes. Bien sûr, La brochure passe (volontairement) sous silence les exécutions sommaires perpétrées par ces deux maquis: 30 à 40 assassinats dans un cas et environ 80 dans l’autre, dans des conditions atroces rapportées par les historiens spécialisés dans cette triste période (Robert Aron et Henri Amouroux, entre autres…). En Charente limousine, la réputation du « maquis Bernard » était si déplorable que la propre famille du « colonel »  Bernard Lelay et le PCF rencontrèrent des difficultés pour faire transférer son corps dans la crypte, en …1975,  soit trente ans après la Libération.

Un véritable « devoir de mémoire », honnête, imposerait de corriger le contenu des guides et ouvrages proposés à la vente sur place, et, dans le commentaire des visites, accorderait sa place à la véritable histoire de 39- 45 et moins de place à la légende dorée de la Résistance. Les combattants de la campagne de France  méritent des égards. En 1940, il y avait plus de risque à essayer de faire face aux divisions allemandes, très offensives et dotées de moyens redoutables, qu’à livrer, en 1944, des escarmouches contre des unités allemandes battant en retraite. Il n’est pas question de minimiser les mérites de la Résistance charentaise – j’ai un profond respect pour ses héros – mais il faudrait signaler aussi, même si ça dérange, que les 120 victimes – hommes, femmes, enfants, vieillards – des exécutions sommaires perpétrées en 1944 par les « maquis de Chabanne » et « Bernard », n’ont eu droit à aucune sépulture. Elles ont toutes été enterrées comme des chiens. 70 ans après, certains corps n’ont toujours pas été exhumés. Les emplacements des charniers sont pourtant connus.

Si je traite ce sujet sulfureux, c’est en pensant à un de mes cousins par alliance, exploitant agricole en Charente-limousine, qui a vu son père et son frère fusillés sous ses yeux parce qu’ils étaient aristocrates, catholiques et châtelains. Ils n’étaient en rien « collabos » ; un des leurs servait chez de Lattre de Tassigny. Eux se contentaient d’aider la Résistance non-communiste. Ces faits sont connus mais il ne faut surtout pas en parler. Il suffit pourtant de lire Robert Aron qui a écrit :

« C’est un véritable armorial, un annuaire des châteaux ou un bottin mondain de province que l’on pourrait constituer avec les victimes (des maquis communistes). D’autant que beaucoup d’entre elles ont eu le tort inexpiable, tout en étant antiallemands, de faire confiance à Pétain, ou bien d’être, dans la Résistance, d’un camp différent de celui de leurs assassins… » (6).

Il ne faut pas croire que les sans-culottes et les horreurs de la terreur font partie du passé !

 

Eric de Verdelhan

20/03/2025

 

1) Intelligent vient du latin intelligere qui veut dire comprendre, or Macron ne comprend rien.

2) J’ai parlé de cette nécropole dans mon livre « Mythes et Légendes du Maquis » ; Muller ; 2019.

3) L’URSS a aligné 360 divisions, les USA 90, les Britanniques 20…sans oublier les 7 divisions de notre armée d’Afrique et la 2ème DB de Leclerc.

4) Dans la partie haute du cimetière, on aperçoit des sépultures surmontées du croissant musulman.

5) « Histoire de la Résistance en France » d’Henri Noguères ; 10 volumes ; Crémille et Famot ; 1982.

6) « Histoire de l’épuration » de Robert Aron ; Fayard ; 1967.

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3 Commentaires

  1. Déjà oublié ? Le centenaire de Verdun piétiné par une horde de socialo_communistes devant tout l’état major, dont Cointre*** celui là même qui vantait la guerre électronique hier et qui aujourd’hui, honteux, le visage buriné de syphilis, vante la gloire du tuer des caucasiens de l’Est sans noisettes.
    Sauf probablement la priprime distribué par Macron à tout l’état-major en 2017.

    https://www.youtube.com/watch?v=RU7pVnaxCM8

  2. Rendre les honneurs à ceux qui ne les méritent pas dévalue les honneurs qui sont rendus à ceux qui les méritent. Merci monsieur d’éclairer notre lanterne, tant de gens se parent de costumes trop grands pour eux.

  3. Merci pour cette remise à plat de la mythologie de la « Résistance ». Et de fait des maquis Bir Hakeim il y en a. Les noms de ces héros sont parfois sur plus de deux monuments aux morts. Bien entendu toute remise en cause des vérités révélées en 44/45 est proscrite et qualifiée de néo nazie pour le moins. Pour autant toute Histoire d’un pays doit être construite sur des vérités venues de tous les camps sinon le pays s’expose à revivre ce qui n’aurait jamais dù être.