« La tolérance, y’a des maisons pour ça ! ».
Cette envolée date d’une époque où il y avait encore des « maisons de tolérance » en France. Certains l’attribuent à Georges Clémenceau, d’autres à Paul Claudel. Je crois – mais je peux me tromper – qu’on la doit à la truculence de Léon Daudet, le trublion de « l’Action Française ». Ceci n’a d’ailleurs aucune importance !
En ce début de mois, pour amuser mes lecteurs habituels, je voulais me livrer au traditionnel « poisson d’avril ». Et puis, finalement, puisque le féminisme est à la mode, je me suis dit que j’allais dédier mon article du jour à Mandarine Autain, Sardine Rousseau, Lili-Marlène Schiappa et toutes les égéries du féminisme militant et castrateur en faisant l’apologie… des bobinards.
Faisons un bond en arrière, un « flash-back » comme on dit en franglais macronien.
Une femme devrait être aussi chère au cœur des Français que Jeanne d’Arc : la bonne Jeanne 1ère, Reine de Naples et Comtesse de Provence. En 1347, ce n’est pas hier, cette souveraine, pourtant très pieuse, autorisa l’ouverture, en Avignon, de « maisons closes » pour le repos de ses guerriers, mais aussi pour que les prostituées, qui exercent le plus vieux métier du monde – un métier qui exige un savoir-faire incontestable – cessent d’être vilipendées et marquées du fer rouge de l’infamie. Leur utilité sociale était reconnue, bien avant celui des psychiatres et autres charlatans de la détresse humaine. Et ainsi, pendant presque …600 ans, les claques, les bordels, les « maisons de tolérance », les hôtels borgnes, les lupanars ont fonctionné dans tout le pays pour le bien-être de sa population. Ils faisaient le bonheur du bourgeois, qui s’encanaillait en sauvant les apparences ; de sa bourgeoise qui, coincée par son éducation, préférait la broderie, les bonnes œuvres et « l’hôtel du cul tourné » aux galipettes lubriques ; des « gagneuses » qui profitaient de la notoriété de « leur » maison close comme un cuisinier fait ses premières armes chez les grands chefs. Bref, c’est tout un système social qui fonctionnait, plutôt bien puisqu’il a perduré durant six siècles.
Mais hélas, les meilleures choses ont une fin : le 13 avril 1946, à l’instigation (liée, dit-on, au repentir) de Marthe Richard, demi-mondaine et contre-espionne retraitée, la France fermait ses maisons closes. La loi scélérate s’est abattue sur le pays le jour où était annoncée l’autonomie du Cambodge. Il y a des jours où il vaut mieux ne pas ouvrir son journal !
Le 13 avril, c’est à deux jours près la date de l’anniversaire de Marthe Richard.
Son personnage mérite qu’on s’y attarde. Elle née le 15 avril 1889 à Blâmont (Meurthe-et-Moselle). Issue d’une famille modeste, elle est envoyée dans une institution catholique et son destin semble tout tracé : couturière, comme sa sœur aînée. Puis elle devient apprentie culottière à Nancy. Ce métier ne l’enchantant guère, elle est interpellée pour racolage en mai 1905 par la Police des mœurs. Nancy est une ville de garnison. Marthe tombe amoureuse d’un proxénète italien et elle devient prostituée dans les « bordels à soldats » de Nancy. Elle effectue plus de 50 passes par jour et contracte la syphilis. Renvoyée du bordel et fichée par la police (1) elle s’enfuit à Paris et rentre dans un « établissement de bains » (maison close d’un standing supérieur aux hôtels d’abattage). Elle y rencontre, en septembre 1907, Henri Richer, riche mandataire aux Halles. Il l’épouse le 13 avril 1915.
La putain fait alors table rase de son passé et devient une respectable bourgeoise de la Belle Époque. Elle demande à être rayée du fichier national de la prostitution, ce qui lui est refusé.
Son futur mari lui achète un avion qui devient sa passion. Après tout c’est une façon plus correcte de « s’envoyer en l’air ». Marthe obtient son brevet de pilote le 23 juin 1913 (2), elle est la sixième Française à obtenir ce diplôme. Par la suite, elle participe à des meetings aériens. La presse, qui la trouve frêle et volontaire, la surnomme « l’Alouette ».
Le 25 mai 1916, elle se retrouve veuve de guerre. Marthe raconte qu’elle devient, grâce à son amant, espionne sous les ordres du capitaine Georges Ladoux, chef du service de contre-espionnage durant la Grande Guerre. Pour approcher l’attaché naval de l’ambassade allemande à Madrid, Hans von Krohn, elle devient sa maîtresse, et par là même un agent double. Elle fréquente Mata Hari.
Sa carrière d’agent révélée par la presse, elle rentre en France où elle découvre que son nom est rayé du service et le capitaine Ladoux arrêté : il est accusé d’espionnage au profit de l’Allemagne à l’instar de son agent Mata Hari.
En avril 1926, elle épouse l’Anglais Thomas Crompton, directeur financier chez Rockefeller, qui meurt subitement, en 1928, à Genève. Thomas Crompton a pris des dispositions testamentaires pour qu’elle reçoive une rente mensuelle de 2 000 francs, indexée sur le coût de la vie. Elle mène alors grand train et passe ses soirées dans les boîtes à la mode, ce qui lui vaut le surnom de « veuve joyeuse ». Parallèlement, on la suspecte de voler dans des bureaux d’études en aéronautique des plans de fabrication pour l’Intelligence Service.
En 1930, le capitaine Georges Ladoux publie ses mémoires. Le volume intitulé « Marthe Richard espionne au service de la France » est un tissu de mensonges et d’affabulations. Marthe réclame la moitié des énormes droits d’auteur qu’il a amassés, et décide d’écrire ses propres mémoires… Elle le fait, en affabulant, et publie – sous le pseudonyme de Marthe Richard – un best-seller : « Ma vie d’espionne au service de la France » (3). Elle devient une héroïne en racontant beaucoup de bobards et donne des conférences rémunérées (et des vols de démonstration à bord du Potez 43 prêté par le ministère de l’Air). Après cinq années à courir les cabinets ministériels, sous la pression médiatique, son amant Édouard Herriot, chef du gouvernement de l’époque, lui obtient la légion d’honneur, le 17 janvier 1933, pour « services signalés rendus aux intérêts français ».
La putain nancéenne, devenue une riche bourgeoise, a fait du chemin depuis Nancy !
Au début de la Seconde Guerre mondiale, elle n’est pas inquiétée par l’occupant pour la simple et bonne raison qu’elle est totalement inconnue des services allemands. Vexée, elle finit par se rendre dans les locaux de la Gestapo où elle déclare :
« Messieurs, je suis Marthe Richard, celle qui vous a fait tant de mal au cours de la dernière guerre ».
L’officier lui fait répéter son nom, qui ne lui dit rien, et pour cause, sa vie d’« espionne » durant la Grande Guerre n’étant qu’affabulation. Elle fricote avec l’occupant, puis, comme tant d’autres, à l’été 1944, elle intègre les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI). Elle se forge ensuite un destin – très enjolivé – de grande résistante qu’elle racontera dans ses mémoires. En 1945, « héroïne des deux guerres », elle est élue conseillère dans le 4ème arrondissement de Paris sur la liste de la « Résistance Unifiée ».
Le 13 décembre 1945, elle dépose devant le conseil municipal de Paris un projet pour la fermeture des maisons closes. Elle en profite pour rappeler que le milieu de la prostitution s’est compromis avec l’occupant pendant la guerre. Sa proposition est votée et le 20 décembre 1945, le préfet de police Charles Luizet décide de fermer sans préavis les maisons du département de la Seine. Encouragée, elle mène alors une campagne de presse pour le vote d’une loi généralisant la fermeture des lupanars dans toute la France. Le député Pierre Dominjon dépose une proposition de loi dans ce sens qui est votée le 13 avril 1946. La fermeture officielle des bordels est appliquée à partir du 6 novembre 1946. Environ 1 400 établissements sont fermés (195 à Paris) : dont les plus connus comme le « Chabanais », le « Sphinx », le « One-Two-Two ». Des maisons « sérieuses et bien tenues…On veut la mort du petit commerce » comme dira plus tard un personnage d’Audiard.
Chabanais
Sphinx
One-Two-Two
Marthe Richard, cette mythomane mégalomaniaque, sera surnommée aussitôt « la veuve qui clôt » (en référence au Champagne « Veuve Clicquot »). Elle prétendait œuvrer pour la santé morale et mentale de ses concitoyens. La France condamnait le « sport en chambre » – fauteur de chaudes-pisse, véroles et autres maladies sexuellement transmissibles – et prônait le sport tout court : fini les bordels, on construisit, aux frais du contribuable, des tas de stades, de gymnases et de piscines municipales. Et on ne saura jamais combien les sports d’équipes débiles – principalement le foot – ont occasionné de lésions et de blessures graves : tibias, péronés, fémurs, ménisques, ligaments endommagés ? Combien de verrues plantaires, abcès et autres maladies du derme ou de l’épiderme doit-on mettre sur le compte des piscines municipales. Ces grandes lessiveuses démocratiques dans lesquelles barbote une engeance pas toujours propre ? Les arrêts cardiaques pour effort violent sont plus fréquents sur les stades que chez les dames de petite vertu (d’ailleurs, l’histoire n’a retenu que le président Félix Faure et le cardinal Daniélou). Par idéologie – bien avant que le « syndrome sécuritaire » ne soit à la mode – Marthe Richard a mis la prostitution dans la rue. Le trottoir n’a rien réglé mais il a fait le bonheur et la fortune des « barbeaux » et des réseaux maffieux.
La fameuse libération sexuelle d’après mai 68 s’est chargée du reste.
A force de copuler n’importe où et avec n’importe qui, de prôner et d’encourager l’infidélité, le « vagabondage sexuel », l’échangisme, les partouzes, la bisexualité, puis l’homosexualité (pourquoi pas la zoophilie ?), le Ciel a su nous rappeler que, comme pour Sodome et Gomorrhe, la dépravation des mœurs ne pouvait pas être érigée en modèle de société. Un mal beaucoup plus insidieux que ceux qu’on pouvait attraper dans les bobinards fit son apparition à la fin des années 70 : le SIDA. Entre 1981 – date des premiers comptages – et 2023, le SIDA a tué environ 50 millions de personnes dans le monde et le nombre de séropositifs, susceptibles de déclencher la maladie, serait de 40 ou 45 millions. Sans la fermeture des lupanars, nous n’en serions pas là !
Je m’autorise à dire, comme Alphonse Boudard, que la fermeture des maisons closes est une ineptie. Jusqu’à la loi Marthe Richard, le divan de ces dames remplaçait avantageusement celui des « psys », et il y avait plutôt moins d’agressions sexuelles et de viols par des déséquilibrés que de nos jours. Bien qu’on prétende le contraire, les statistiques sont formelles !
La « veuve qui clôt » pensait relancer sa célébrité avec sa loi scélérate, mais, dès 1947, l’agent secret Jean Violan racontait à un grand quotidien (4) ses affabulations. Il déclarait, entre autres :
« Marthe Richard est une imposteuse, ce n’est ni une héroïne nationale, ni une espionne de grande classe ». Selon lui « son insistance à vouloir devenir espionne l’avait rendue suspecte à Ladoux, qui l’avait fait surveiller par l’un de ses hommes, Joseph Davrichewy. Celui-ci considère que ses mémoires ne sont qu’un tissu de mensonges… D’ailleurs, aucun état de ses hauts faits n’a été retrouvé dans les archives militaires ».
Sa vie aura été un tissu de mensonges !
Puis, en 1948, on découvrait que la veuve Marthe Crompton était… anglaise par mariage (5), son élection était donc illégale, ainsi que les votes auxquels elle avait participé. Mais dans la pagaille de l’après-guerre on préféra étouffer l’affaire.
Peu de temps après, le patron du « Crapouillot », Jean Galtier-Boissière, remettait en cause les « services à la nation » de Marthe Richard, et l’inspecteur de la Sûreté Nationale Jacques Delarue, spécialiste des faux héros de guerre, qui enquêtait sur elle, l’accusait, en juin 1954, d’association de malfaiteurs, de vol de bijoux et de recel pendant l’Occupation, puis de faux certificats de naissance, méfaits qu’elle reconnaîtra plus tard. Emprisonnée à la Petite-Roquette, elle bénéficiera d’un non-lieu le 31 mai 1955. Elle avait, dit-on, compromis pas mal de monde.
On ne se méfie jamais assez d’une catin repentie et, sur un plan plus général, des gens qui n’assument pas ce qu’ils sont ou qui renient ce qu’ils ont été. Brigitte Lahaie, reine du porno français des années 70, elle, a contesté le mouvement « me too » (« balance ton porc ») et a écrit un livre intitulé « Hommes, je vous aime » (6). Je n’ai pas lu ce livre, mais je pense que je devrais le faire car une femme qui dit du bien du mâle blanc hétérosexuel, du macho normal, ça devient de plus en plus rare dans notre foutu pays.
Éric de Verdelhan
06 avril 2024
1) Elle est fichée comme « prostituée mineure » le 21 août 1905.
2) Brevet de pilote d’aéroplane N° 1369.
3) Ce livre sera adapté au cinéma en 1937 : « Marthe Richard, au service de la France », avec Edwige Feuillère dans le rôle principal.
4) Il s’agit, sauf erreur, de « France-dimanche ».
5) Sa demande de réintégration à la nationalité française fut refusée en 1937, car plusieurs enquêtes sur elle étaient en cours à l’époque).
6) « Hommes, je vous aime » de Brigitte Lahaie ; Éditions Anne Carrière ; 2009.
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Excellent article qui fout à poil une sacrée salope ! Merci à son auteur. Il faut remettre à l’abri les prostituées qui seront suivies par des toubibs. La maison de la célèbre Madame Claude avait permis à des RG d’obtenir des renseignements « sur l’oreiller »…
Vous avez parfaitement raison
Merci pour cet intéressant récit.
J’ignorais les détails de la vie antérieure de la Veuve Qui Clôt, une femme foncièrement malhonnête.
Les troubles sociaux arrivent avec leurs abus sexuels, pour allez dans le sens de l’article.
Si Marthe RICHARD était ne notre époque, elle s’appellerait Sandrine ???
Bien vu et quand je la voie celle là (S R) ,je ne peux pas dire qu’elle m’inspire quoi que ce soit.
Marthe Richard était une putain repentie alors que Sardine est un remède contre l’amour
En fait marthe richard est une sorte de première castratrice,réunissant tous les defauts toxiques qui irriguent la société actuelle: Société dite représentative et dirigeante instigatrice de la « bien pensance » qui ne supporte pas la contradiction accusée systématiquement d’extrême droite.Société qui ne connaitrait l’amour quà travers l’homosexualité tres « tendance ».Bienvenue à brigitte lahaie chez qui l’amour
revient dans son lit d’origine bien attirant ou l’homme retrouve le souvenir des faiblesses naturelles d’adam et eve