Bernard Pivot s’en est allé emportant avec lui la recette de son Bouillon de Culture.
Bernard Pivot était, selon ses dires, un élève plutôt médiocre en classe. En 1985, il crée et présente les Championnats de France d’orthographe, puis les Championnats du monde d’orthographe, renommés les Dicos d’or. Ces championnats, qui ont remporté un immense succès populaire, étaient généralement composés de questionnaires sur la langue française et l’orthographe suivis par une dictée. Après “la dictée [considérée comme] la plus difficile du monde” écrite en 1857 par Prosper Mérimée à la demande de l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, notre journaliste littéraire prenait le relais pour mettre en compétition les amoureux de la langue française.
Ma mère qui n’avait « que » son certificat d’étude (ce qui correspond, aujourd’hui, à un BAC + 3), faisait régulièrement ses célèbres dictées. Elle ne faisait que 4 ou 5 fautes à chacune d’elles, ce qui est remarquable. En Fac de lettres, en 2024, c’est 4 à 5 fautes par ligne que les étudiants font.
Je vous avoue que je fais aussi de nombreuses fautes d’orthographe. J’en ai honte et vous prie de bien vouloir m’en excuser. J’essaye de les corriger le plus souvent possible parce que nous avons une des langues les plus riches au monde, que je veux la respecter, la protéger et ne surtout pas la réduire aux slogans d’écoles primaires utilisés dans des pseudo-facultés pour futures élites gauchistes.
Ma mère écrivait merveilleusement bien, bien qu’issue d’une famille très modeste de la Dordogne profonde. Elle connaissait bien mieux l’histoire de France et la géographie que moi.
En revanche, elle aurait été incapable de comprendre le charabia de « Aya grosse poitrine » et aurait détesté les rappeurs vulgaires aux textes de pseudo-guerriers et aux majeurs surdimensionnés exhibés dans leurs clips obscènes.
Pour revenir à notre Bernard bien aimé, qui était, effectivement un des « pivots » de la culture littéraire de mon époque, il aimait raconter les origines probables de son amour pour les livres dans ce témoignage émouvant, se déroulant pendant la seconde guerre mondiale :
« Je n’avais qu’une vieille édition du Petit Larousse et les Fables de La Fontaine. C’est le premier livre que j’ai lu, en jouant à saute-mouton dans le livre. Je notai sur un carnet des mots qui me plaisaient et qui me paraissaient intéressants. J’allais chercher dans le Larousse des mots des Fables de La Fontaine que je ne comprenais pas. »
Ses émissions captivaient entre 3 et 5 millions de téléspectateurs chaque semaine et il s’amusait à poser des questions simples à ses invités, comme ce fût le cas pour Salman Rushdie, Alain Delon, Umberto Eco, Jean-Luc Godard, Fanny Ardant, Fabrice Luchini et tant d’autres. Ce fameux questionnaire de Proust qu’il avait mis « à sa sauce » concluait chaque édition de son émission « Bouillon de culture ».
Il nous a quitté, hier, et j’espère pour lui qu’il n’a pas oublié son dictionnaire de l’époque et ses Fables de La Fontaine, pour qu’il ne s’ennuie pas pendant l’éternité, parce que c’est long, l’éternité. Surtout à la fin !
Xavier Jésu
7 mai 2024
Né en 51 dans une famille très modeste, mon premier vrai cadeau de Noël fut un « Petit Larousse Illustré » qui resta mon seul livre de chevet pendant quelques années.
Un souvenir de bonheur vrai.
Aujourd’hui le Larousse (comme son cousin Robert) ne sont devenus que d’inutiles marchepieds pour attraper les confitures sur l’étagère du dessus.
C est vrai, moi aussi je crois, comme cadeau « utile » et précieux, avec ses belles illustrations captivantes pour nous dont l esprit n etait pas souillé. J ai eu aussi un Gaffiot illustré qui donnait envie de traduire le Latin..Hélas tout est derrière nous .