DISSOLUTION, UN PLAN MACHIAVÉLIQUE ? (Jean Goychman)

La cohabitation, un cas de figure révolu avec l'avènement du quinquennat ? - La Voix du Nord

 

 

Dans un article précédent, j’écrivais qu’une des grilles de lecture du scrutin serait l’analyse des résultats par rapport au référendum de 2005. Beaucoup pensent que le résultat d’un référendum témoigne plus de la popularité du Président qui le propose que l’avis réel des électeurs quant à la question posée.

Analysé de cette façon, le résultat du scrutin du 9 juin est pratiquement sans appel pour le président Macron, la liste « Renaissance » qu’il soutenait n’ayant recueilli que 15% des votes, soit moins d’un électeur sur six.

UNE DÉCLARATION IMMÉDIATE MAIS MÛRIE À L’AVANCE.

Dès les premiers résultats connus, Emmanuel Macron est intervenu pour annoncer la dissolution immédiate de l’Assemblée Nationale. Cette décision, lourde de conséquences, ne peut être spontanée. En d’autres temps, le général de Gaulle, mis en minorité, avait démissionné car il avait estimé que « tâche était devenue impossible »

Notre Président aurait pû l’imiter, ce qui aurait été conforme à l’esprit de sa charge, mais comme rien ne l’oblige à le faire, il a choisi une autre voie.

Cette dissolution, que la Constitution l’autorise à faire, ne peut se comprendre, de son point de vue, que si elle conduit à une cohabitation.

LA COHABITATION, LE PIÈGE MORTEL D’UN FAUX POUVOIR.

En 1983, Edouard Balladur avait, dans un article du journal « Le Monde », théorisé cette possibilité que rien de formel n’interdit dans la Constitution. Le problème est que son fonctionnement repose sur une sorte de « connivence » entre le Premier Ministre et le Président, car ce dernier conserve la quasi-totalité de ses pouvoirs, y compris celui de nommer le Premier Ministre. Il y a ainsi une subordination évidente.

Dans les trois cohabitations que la France a connues depuis 1986, celles-ci ont systématiquement tourné à l’avantage de l’Élysée. Jacques Chirac, que beaucoup donnaient gagnant dans le cas d’une élection présidentielle anticipée en mars 1986, a été sévèrement battu en 1988 par François Mitterrand qui s’était « refait une virginité » entre 1986 et 1988, reportant sur les épaules de Chirac le passif électoral qu’il avait accumulé durant les cinq premières années de son mandat.

Pour justifier cet échec cuisant, certains, qui avaient poussé Chirac à cette cohabitation, déclarèrent que, si celui-ci ne l’avait pas accepté, c’est probablement Raymond Barre qui serait allé à l’Élysée…

En 1993, ce fut le tour d’Edouard Balladur (j’ai appris depuis que Chirac l’aurait beaucoup poussé, et on ne peut pas écarter que ce soit par calcul), et Balladur a été battu par Chirac dès le premier tour de l’élection de 1995 à laquelle François Mitterrand n’était pas candidat.

Enfin, en avril 1997, Jacques Chirac, après avoir dissous l’Assemblée Nationale, perdit les élections législatives et nomma à Matignon Lionel Jospin ; ce dernier quitta la vie politique au terme de ce mandat.

On peut en conclure que la cohabitation s’est toujours révélée fatale pour les Premiers Ministres qui l’avaient acceptée. Autrement dit, vous n’avez aucune chance d’aller à l’Élysée en quittant Matignon.

LE PLAN D’EMMANUEL MACRON.

Même si les intentions du Président ne sont pas, à ce jour, clairement exposées, il existe cependant « un faisceau de convergences » qui montre qu’il considère comme possible de nommer le président du parti arrivé en tête du scrutin européen et probable vainqueur des prochaines élections législatives, au poste de Premier Ministre.

Ce serait pour lui un véritable « coup de maître » car il pourrait gagner sur tous les tableaux.

Comme l’avait fait Mitterrand en son temps, il rendrait comptable de son passif désastreux celui qui serait alors devenu par sa volonté le chef du gouvernement.

Et, bien évidemment, l’Élysée deviendra le haut-parleur amplificateur propre à critiquer toutes les actions gouvernementales, permettant à Emmanuel Macron, comme le fit François Mitterrand en son temps, de se poser en gardien et défenseur du pauvre et de l’opprimé sous la coupe d’un méchant gouvernement…

Ce gouvernement, n’ayant pas les coudées franches pour riposter coup pour coup à ces attaques perfides, devra encaisser sans pouvoir répondre et perdre ainsi une grande part de sa crédibilité auprès de gens qui pensaient voir en lui, enfin, une nouvelle équipe à laquelle ils pouvaient faire confiance.

Jean Goychman 

11/6/2024

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3 Commentaires

  1. Merci pour votre article, Monsieur GOYCHMAN. Je suis entièrement d’accord avec vous. Et le RN ne devrait pas accepter de diriger la France ; ce n’est pas lui qui l’a mise dans l’état où elle se trouve. Si J. Bardella accepte ce poste, c’en est fini de sa candidature pour les Présidentielles à venir. Sans compter tous les coups fourrés déjà préparés pour qu(il ne puisse exercer correctement son mandat. Que Macron fasse le ménage ou bie qu’il démissionne. Et s’il veut utiliser l’article 16 de la Constitution, pourquoi les députés (il en faut à peine 60 signataires) n’utilisent pas l’article 68 de la même Constitution ?

  2. La réponse a ce mauvais coup présidentiel – Micron 1er n’a ni le charisme, ni l’amour du pays comme ce fut le cas pour le Général – serait pour le RN de ne pas accepter le poste de 1er ministre car il sera un poison lent pour lui. Générateur de la crise actuelle (elle dure depuis 7 ans pour son compte) le Président serait obligé de continuer à en assumer personnellement les conséquences; quels choix: le président du sénat ou maintenir en place l’actuel 1er ministre.